Question de Mme COHEN Laurence (Val-de-Marne - CRCE) publiée le 13/02/2020

Mme Laurence Cohen interroge Mme la ministre des solidarités et de la santé sur les suppressions d'emplois dans la branche « recherche et développement » du groupe pharmaceutique Sanofi. Un courrier a été adressé par l'ensemble des parlementaires du Val-de-Marne à ce sujet en octobre 2019, resté sans réponse. Depuis 2008, plus de 4 500 emplois ont été supprimés sur les 30 000 du groupe, dont 2 500 en R&D qui constitue pourtant le cœur du métier. Un nouveau plan de restructuration vient d'être annoncé, avec 2 milliards d'euros d'économies d'ici à 2022, alors que les bénéfices s'élèvent à 7,5 milliards d'euros en 2019 et que le chiffre d'affaires a progressé de plus de 4 % cette même année. La direction de Sanofi a, en effet, décidé d'axer l'essentiel de son activité sur la biotechnologie et d'abandonner le secteur recherche « de petites molécules ». De ce fait, Sanofi se désengage d'axes thérapeutiques majeurs en termes de santé publique (anti-infectieux, neurologie, maladie Alzheimer, diabète, cardiovasculaire...). Alors qu'en 2008, notre pays comptait onze sites de R&D de pharmacie, ils ferment les uns après les autres, il n'en reste plus que quatre aujourd'hui. Dans le Val-de-Marne, c'est notamment le site de Vitry-Alfortville, qui est touché avec la suppression de 124 emplois et 142 transferts inter-sites et donc avec la fermeture du site d'Alfortville spécialisé depuis plus de trente ans dans les activités majeures de sécurité du médicament. Au niveau national et d'une manière plus générale, l'inquiétude est grande puisqu'à très court terme la France risque de se trouver dans une situation de dépendance vis-à-vis des autres pays pour s'approvisionner en médicaments. C'est le devenir d'une industrie majeure pour le pays et l'indépendance thérapeutique de la France qui est en jeu. Sanofi, première entreprise pharmaceutique en France, qui bénéficie de 130 à 150 millions d'euros de crédits d'impôt, chaque année, est en train d'être démantelée. Ses sites de recherche sont en train de disparaître de notre territoire avec un impact direct sur les sites de production au profit d'autres pays, tels que la Chine ou l'Inde. Dans un contexte d'absence de traitement pour de nombreuses maladies, de pénurie de médicaments, de ruptures de traitements pour nombre de nos concitoyennes et concitoyens faute de stocks, elle lui demande ce que le Gouvernement entend faire pour mettre un terme à ce sacrifice industriel et scientifique.

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Erratum : JO du 20/02/2020 p.909

Transmise au Ministère de l'économie et des finances


Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics publiée le 27/05/2020

Réponse apportée en séance publique le 26/05/2020

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, auteure de la question n° 1137, transmise à M. le ministre de l'économie et des finances.

Mme Laurence Cohen. Monsieur le secrétaire d'État, depuis 2008, le groupe pharmaceutique Sanofi a supprimé plus de 4 500 emplois, dont 2 500 en recherche et développement, qui constitue pourtant le cœur du métier.

Un nouveau plan de restructuration a été annoncé en début d'année, prévoyant 2 milliards d'euros d'économies d'ici à 2022, alors que les bénéfices de ce groupe s'élèvent à 7,5 milliards d'euros en 2019, et que le chiffre d'affaires a progressé de plus de 4 % cette même année.

La direction de Sanofi a en effet décidé d'axer l'essentiel de son activité sur la biotechnique et d'abandonner le secteur de la recherche sur les « petites » molécules. Sanofi se désengage d'axes thérapeutiques majeurs en termes de santé publique – anti-infectieux, neurologie, maladie d'Alzheimer, diabète, maladies cardio-vasculaires. Alors que, en 2008, notre pays comptait onze sites de recherche et développement, il n'en reste plus que quatre aujourd'hui.

Dans mon département, le Val-de-Marne, le site de Vitry-Alfortville est touché par la suppression de 124 emplois et 142 transferts inter-sites. La fermeture du site d'Alfortville, qui est spécialisé depuis plus de trente ans dans les activités majeures de sécurité du médicament, est une aberration. Elle est d'autant plus inquiétante que les conséquences n'en sont pas seulement locales ou départementales, mais nationales, mettant la France dans une situation de dépendance vis-à-vis des autres pays en termes d'approvisionnement en médicaments, comme nous l'avons malheureusement constaté à l'occasion de cette pandémie de Covid-19.

Monsieur le secrétaire d'État, le devenir d'une industrie majeure pour le pays et pour l'indépendance thérapeutique de la France est en jeu. Ces sites de recherche sont en train de disparaître de notre territoire, avec un impact direct sur les sites de production, au profit d'autres pays comme la Chine ou l'Inde. Monsieur le secrétaire d'État, qu'entendez-vous faire pour mettre un terme à ce sacrifice industriel et pharmaceutique ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics. Madame la sénatrice Cohen, compte tenu de son empreinte industrielle dans notre pays – il compte 34 sites et emploie 25 000 salariés –, Sanofi, septième groupe pharmaceutique mondial, fait l'objet d'une attention particulière du Gouvernement, notamment des services du ministre de l'économie et des finances qui m'a demandé d'apporter des éléments de réponse à votre question.

En matière de vaccins contre le Covid-19, le Gouvernement a récemment rappelé l'entreprise à ses obligations, en soulignant que ce vaccin devait être accessible à tous sans discrimination. Depuis, l'entreprise a fort opportunément précisé ses intentions.

Plus généralement, la crise du coronavirus a montré que nous étions devenus dépendants d'importations pour certains produits de première nécessité. Nous devons relocaliser – je souscris pleinement à vos propos sur ce sujet –, il s'agit d'un fort enjeu de souveraineté et d'emplois. Nous le faisons déjà, notamment pour les batteries ; nous devrons le faire pour le médicament. Le Gouvernement y travaille avec l'ensemble des acteurs du secteur. À n'en pas en douter, le groupe Sanofi trouvera toute sa place dans cette stratégie que l'on pourrait qualifier de souveraineté industrielle.

Cela étant dit, en réponse à vos inquiétudes sur l'évolution des effectifs consacrés à la recherche et développement de Sanofi en France, il nous semble important de souligner que la France reste au cœur de la stratégie de recherche et développement du groupe Sanofi puisque 5 000 salariés y travaillent, soit 40 % des effectifs mondiaux. La recherche et développement de Sanofi en France représente ainsi 2,3 milliards d'euros en 2019, soit 35 % de la recherche mondiale du groupe, ce qui correspond, peu ou prou, à la part de masse salariale que je viens d'évoquer.

La recherche et développement est par nature un domaine qui nécessite une grande réactivité, et il n'est pas anormal qu'une entreprise comme Sanofi réajuste en continu ses priorités au regard de l'évolution de la médecine, mais aussi au regard des compétences dont elle dispose.

En Île-de-France, plus spécifiquement dans le Val-de-Marne, le site de recherche et développement et de production de Vitry-sur-Seine a ainsi bénéficié de plus de 300 millions d'euros pour en faire un site de référence dans le domaine très prometteur des biotechnologies et de la bioproduction de médicaments, axe prioritaire du comité stratégique de filière des industries et technologies de santé.

L'État soutient aussi l'émergence du campus dédié à la bioproduction dont Sanofi est le pilote. Il permettra de doter la région Île-de-France d'un centre de formation digitalisé sur les métiers de la bioproduction. Ce projet prévoit treize modules de formation initiale et continue visant à renforcer les compétences que nous avons, afin de faire de la France un pays attractif dans la production des biomédicaments de demain. Porté par un consortium constitué d'écoles, d'industriels dont Sanofi, Novasep, Servier et Biomérieux, et d'entreprises technologiques, il sera accueilli au cœur du plateau d'excellence de Vitry, qui allie recherche et développement et bioproduction.

Madame la sénatrice, j'espère vous avoir quelque peu rassurée sur l'avenir de la recherche et développement de Sanofi en France.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour la réplique.

Mme Laurence Cohen. Monsieur le secrétaire d'État, j'ai été agréablement surprise par le début de vos propos et j'ai pu espérer des convergences. Vous avez toutefois rapidement basculé, car si vous semblez d'accord avec l'analyse que j'ai faite, vous ne paraissez pas gêné par la fermeture du site d'Alfortville et la suppression de 124 emplois.

Vous indiquez que les déclarations très inquiétantes du directeur général de Sanofi, Paul Hudson, qui avait affirmé dans un premier temps que les vaccins seraient prioritairement distribués aux États-Unis, vous ont préoccupé. M. Macron est d'ailleurs intervenu. Si vous voulez que cela cesse, il faut absolument soutenir la proposition du groupe communiste républicain citoyen et écologiste de création d'un pôle public du médicament et de la recherche.

En dix ans, 1,5 milliard d'euros de crédit d'impôt recherche (CIR) ont été accordés à Sanofi. Cela devrait s'accompagner de quelques obligations, notamment de l'engagement de ne pas licencier comme le groupe envisage de le faire. Le rapport de la commission d'enquête sur la réalité du détournement du crédit d'impôt recherche de son objet et de ses incidences sur la situation de l'emploi et de la recherche dans notre pays de ma collègue Brigitte Gonthier-Maurin a malheureusement été enterré au Sénat.

M. le président. Il faut conclure.

Mme Laurence Cohen. Monsieur le secrétaire d'État, je vous appelle à soutenir notre proposition de création d'un pôle public du médicament et de la recherche.

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