Question de M. MAGNER Jacques-Bernard (Puy-de-Dôme - SOCR) publiée le 06/02/2020

Question posée en séance publique le 05/02/2020

M. Jacques-Bernard Magner. Monsieur le ministre de l'éducation nationale, dans le prolongement de la question posée par ma collègue Céline Brulin, je souhaite vous interroger sur la mise en œuvre des premières épreuves communes de contrôle continu, dites E3C, principale innovation de la réforme du baccalauréat.

Ces épreuves, qui compteront pour 30 % de la note finale du baccalauréat, se déroulent actuellement en classe de première. Cette version hybride entre contrôle continu et examen terminal est dénoncée tant par les enseignants que par les chefs d'établissement, les lycéens et leurs parents.

La réforme est vécue comme constitutive d'une rupture d'égalité entre les élèves, car elle les plonge dans l'insécurité et aboutit de fait à des bacs « locaux ». Ainsi, le baccalauréat n'aurait plus le statut d'examen national qu'il a toujours eu depuis deux siècles.

D'ailleurs, selon les membres du comité de suivi du nouveau bac, les E3C seraient « contraires à l'esprit de simplification de la réforme du bac » et des ajustements doivent être proposés.

À plusieurs reprises, monsieur le ministre, nous vous avons alerté ici sur les difficultés qu'engendrerait toute précipitation dans l'application de votre réforme.

Hélas, on constate depuis le 20 janvier que ces épreuves se déroulent dans l'improvisation. Dans de nombreux lycées, les problèmes d'organisation créent un climat de contestation particulièrement préoccupant, qui perturbe la réussite de nos élèves.

De jour en jour, les tensions s'accroissent et de nombreux établissements ont dû reporter les épreuves.

Monsieur le ministre, il ne s'agit plus de minimiser les difficultés. Qu'attendez-vous pour reconnaître la réalité et corriger les errements de cette réforme ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR, ainsi que sur des travées du groupe CRCE.)


Réponse du Ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse publiée le 06/02/2020

Réponse apportée en séance publique le 05/02/2020

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Magner, au cours de l'audition de la commission de la culture que je viens d'évoquer, j'ai fourni toute une série d'explications. En réalité, vous avez d'ores et déjà les réponses à vos questions.

Vous connaissez par exemple les raisons pour lesquelles le contrôle continu a été mis en place. Encore une fois, celui-ci était prôné par les acteurs auxquels vous avez fait référence. Alors, ne brouillons pas le message : si le contrôle continu est mis en œuvre, c'est pour favoriser un meilleur approfondissement des savoirs, empêcher le bachotage des élèves et garantir une plus grande égalité. Aujourd'hui, en effet, nous héritons des inégalités du système antérieur et si, comme d'habitude, nous choisissions l'immobilisme, cela déboucherait sur un accroissement des inégalités.

Si la situation antérieure était satisfaisante, cela se saurait. En réalité, c'est le précédent système qui était inégal puisque, avant même de passer le baccalauréat, environ la moitié des futurs étudiants étaient déjà présélectionnés dans les filières sélectives, parfois en fonction des établissements dans lesquels ils étaient scolarisés ou de notes qui étaient beaucoup plus hétérogènes et beaucoup moins objectivées que celles du système que nous mettons en place.

Mme Sophie Taillé-Polian. Incroyable !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Aujourd'hui, dans l'enseignement supérieur, les notes résultent pour l'essentiel d'épreuves de contrôle continu. Diriez-vous que, d'une université à l'autre, il y a inégalité ? Non, il s'agit de diplômes nationaux ! Au contraire, grâce au système que nous établissons, nous renforçons le baccalauréat ; et vous le savez, parce que vous avez étudié le sujet.

On nous reproche aussi d'avoir mené la réforme de façon verticale et autoritaire ; mais c'est faux ! Vous avez vous-même mentionné l'existence d'un comité de suivi de la réforme du baccalauréat. Moi-même, j'écoute les organisations syndicales. Nous avons d'ailleurs consenti quelques modifications sur certains aspects de la réforme. Comme prévu, nous en apporterons d'autres.

Nous faisons donc preuve d'écoute et rien ne peut justifier les violences qui ont lieu aujourd'hui dans une petite minorité d'établissements et qui défrayent la chronique, parce que certains ont intérêt à créer du désordre pour montrer que la réforme aurait été mal préparée.

Dans les établissements où l'on ne relève aucun désordre, tout se passe tout à fait normalement. Je le répète, plus d'un million de copies sont numérisées. Cette numérisation est d'ailleurs l'une des autres innovations de la nouvelle formule : elle permet à un professeur autre que celui de l'élève d'apporter des corrections et, donc, favorise une vision plus objectivée de la correction. Notre réforme comporte toute une série d'innovations de ce type.

Encore une fois, sur un tel sujet, ne cherchons pas à polémiquer, cherchons à l'améliorer. D'ores et déjà, les E3C sont une étape du contrôle continu, qui représente une innovation importante – ce n'est pas la seule – du baccalauréat.

M. le président. Il faut conclure !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Si les élèves de première sont parfois très satisfaits,…

Mme Sophie Taillé-Polian. Parfois seulement !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. … c'est parce qu'ils ont disposé de beaucoup plus de liberté…

M. le président. Il faut conclure !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. … cette année pour choisir leurs enseignements de spécialité. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.)

M. le président. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, pour la réplique.

M. Jacques-Bernard Magner. Monsieur le ministre, ne nous méprenons pas, je n'ai pas mis en cause le contrôle continu : nous sommes favorables à l'instillation d'une dose de contrôle continu dans les épreuves. Le problème, c'est qu'il est mis en œuvre dans un délai trop court par rapport à la décision qui l'a institué.

Je suis à peu près sûr que, dans les établissements, la communauté éducative n'était pas prête à mettre en œuvre cette réforme dans des conditions satisfaisantes, tant sur le plan matériel que pédagogique. Voilà tout ce que je vous reproche, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)

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