Question de M. MOUILLER Philippe (Deux-Sèvres - Les Républicains) publiée le 06/02/2020

Question posée en séance publique le 05/02/2020

M. Philippe Mouiller. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, la situation de notre pays est grave, les crises sont profondes et tranchent avec la légèreté dont le pouvoir fait preuve.

Venons-en aux faits.

Il y a tout d'abord eu le rejet par Mme Pénicaud et les députés LREM de la proposition de loi portant à douze jours le congé pour décès d'un enfant. Quel manque spontané d'humanité !

Il y a eu le très sévère et, pour tout dire, inédit avis du Conseil d'État sur les retraites, qui a pointé du doigt les risques juridiques, l'absence de visibilité d'ensemble de la réforme, ainsi que le flou qui entoure son financement. Que d'inquiétudes !

Il y a eu l'avis du même Conseil d'État sur la circulaire Castaner relative aux élections municipales, qui a pris le Gouvernement la main dans le pot de confiture.

À deux reprises, le Conseil d'État vous a donc rappelé avec force que nous étions dans un État de droit. Il a pointé la légèreté de vos copies.

Mais ce n'est pas tout.

Mme la garde des sceaux a confondu liberté de conscience et délit de blasphème, le parquet allant même jusqu'à ouvrir une enquête contre la victime !

On ne vous a pas entendu condamner avec fermeté les propos du délégué général du Conseil français du culte musulman (CFCM), pour lequel Mila « avait bien cherché » les menaces de mort dont elle est l'objet.

Le Président de la République a lui-même contribué à ce sentiment de flottement.

Il s'est laissé immortaliser tout sourire avec un tee-shirt dénonçant les policiers, (Huées sur des travées du groupe Les Républicains.) qui se sont sentis humiliés par celui qui devrait les protéger.

En outre, comment imaginer régler la difficile question de l'assimilation des jeunes générations issues de l'immigration, en rapprochant guerre d'Algérie et Shoah ?

Monsieur le Premier ministre, vous qui conduisez le Gouvernement, nous attendons vos explications ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sophie Joissains et M. Jean-Claude Luche applaudissent également.)


Réponse du Secrétariat d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement publiée le 06/02/2020

Réponse apportée en séance publique le 05/02/2020

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le sénateur, vous dressez un réquisitoire…

Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. C'est la triste réalité !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. … contre l'action du Gouvernement en évoquant toute une série de décisions,…

Plusieurs sénateurs du groupe socialiste et républicain. De couacs !

M. Laurent Duplomb. De bêtises !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. … de réactions et d'éléments, et en omettant, compte tenu du temps limité dont vous disposez, de mentionner un certain nombre d'autres indicateurs, dont je suis personnellement convaincu que vous vous satisfaites, comme la baisse continue du chômage (Exclamations ironiques sur les travées des groupes Les Républicains, SOCR et CRCE.) ou les excellents chiffres de l'apprentissage. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

Autant d'éléments qui ne gomment en rien ce que vous venez de dire, monsieur le sénateur, mais qui doivent être mentionnés, car ils ne me semblent pas moins importants.

M. François Patriat. Cela ne les intéresse pas !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Concernant les nombreux points que vous avez abordés, je voudrais rappeler un certain nombre de choses.

Vous avez cité le cas de notre compatriote qui, après des propos critiques sur une religion, l'islam en l'occurrence, a été confrontée à des menaces de mort et, de ce fait, a dû faire l'objet d'une protection particulière et subir une déscolarisation forcée.

Dans la mesure où le sort de cette compatriote vous intéresse sans doute autant que moi, je précise que nous suivons sa situation avec beaucoup d'attention. Le ministre de l'éducation nationale est en contact permanent avec sa famille, afin que cette jeune fille puisse être de nouveau scolarisée, et ce dans de bonnes conditions – il serait effectivement inenvisageable qu'il ne puisse en être ainsi.

Je me permets d'indiquer que le délit de blasphème n'existe pas en France. Vous le savez ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Je me permets de vous inviter à écouter avec attention les propos qui sont tenus, y compris par des responsables politiques, y compris par des responsables politiques présidents de groupe, y compris par des responsables politiques présidant le groupe de votre famille politique à l'Assemblée nationale. Ils reconnaissent, eux aussi, qu'il y a tout de même un sujet !

Vous verrez que les réactions outrées ayant suivi les propos de Mme la garde des sceaux vont trouver un écho intéressant avec ceux qui ont été tenus par ailleurs.

En vérité, monsieur le sénateur, le délit de blasphème n'existe pas ; la liberté de croire ou de ne pas croire est garantie en France, ainsi que la liberté de caricature…

M. Gérard Longuet. Y compris par le Président de la République !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. … ou de critique, dans le respect de la loi. Car, et vous le savez aussi, nous le savons tous, même la liberté d'expression est limitée par la loi.

Mais elle est garantie, et c'est très bien ainsi !

C'est ce qu'a dit le Gouvernement. C'est ce que je redis ici, fermement.

Sur tous les autres sujets, je comprends le jeu consistant à les pointer un à un, en disant : « ceci n'est pas acceptable », « cela ne devrait pas être fait ». C'est classique !

Ce qui m'intéresse, et ce qui devrait, au fond, tous nous intéresser, monsieur le sénateur, c'est de savoir comment nous construisons la France (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), comment nous réparons des choses dont nous savons parfaitement, vous et moi, qu'elles fonctionnent mal depuis longtemps, comment, avec M. le ministre de l'éducation nationale, nous améliorons l'éducation et l'enseignement supérieur, comment nous veillons à développer l'industrie française, à garantir l'attractivité de notre pays, comment, avec Mme la ministre de la santé, nous faisons face à la menace d'une épidémie importante. (Exclamations teintées d'ironie sur les travées des groupes Les Républicains, SOCR et CRCE.)

À propos des mesures qui ont été prises, vous auriez pu, monsieur le sénateur, puisque vous avez dressé le tableau de cette France contemporaine, indiquer combien notre pays peut s'honorer – notre pays, pas le Gouvernement – d'avoir organisé l'opération de rapatriement de ses concitoyens et des concitoyens européens depuis la Chine dans les meilleures conditions. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – Exclamations sur les travées du groupe SOCR.)

J'entends que l'on crie sur les travées… Vous savez parfaitement, mesdames, messieurs les sénateurs, que l'opération n'était pas simple à mener. Vous savez parfaitement que la France l'a conduite pour le compte de ses amis européens et que cette opération a été parfaitement réalisée.

Cela fait, aussi, partie du tableau que vous auriez pu dresser, monsieur le sénateur, et, à mon sens, cela n'est pas moins important. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour la réplique.

M. Philippe Mouiller. Monsieur le Premier ministre, j'ai écouté attentivement votre réponse. J'ai entendu les bons points que vous vous attribuez – j'en partage un certain nombre. Le plus important, je crois, c'est l'ambiance générale, le sentiment qu'éprouvent les Français, la confiance – mot essentiel car, pour pouvoir réformer le pays, il est fondamental que les Français aient le sentiment qu'il n'y a pas de fossé entre eux et ceux qui les gouvernent. La confiance est essentielle ; sans elle, vous n'arriverez à rien ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

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