Question de M. ANTISTE Maurice (Martinique - SOCR) publiée le 06/02/2020

Question posée en séance publique le 05/02/2020

M. Maurice Antiste. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.

Les langues régionales constituent, pour la France, une richesse indéniable à bien des égards. La Délégation générale à la langue française et aux langues de France encourage leur préservation et contribue à leur valorisation.

On comptait jusqu'à récemment plus de 92 000 élèves des premier et second degrés qui suivaient un enseignement en langues régionales, dont les trois quarts dans le service public d'éducation.

Avec la réforme du baccalauréat, des classes de langues dites régionales ont fermé, tandis que d'autres sont en instance de fermeture ; des enseignants, démunis, se retrouvent avec moitié moins d'élèves que l'an passé. Dorénavant, une langue régionale prise en option facultative possède un coefficient minime, trois fois inférieur à celui des langues anciennes, ce qui représente 1 % environ de la note finale du bac.

Il semble donc que la réforme du lycée soit un coup rude porté aux langues régionales.

Pourtant, le président Emmanuel Macron déclarait, le 21 juin 2018 : « Les langues régionales jouent leur rôle dans l'enracinement qui fait la force des régions. Nous allons pérenniser leur enseignement. » Force est de constater que nous sommes aujourd'hui très loin de cet objectif !

On peut donc légitimement s'interroger sur la place qu'entend donner la France à ses langues minoritaires et régionales, pourtant qualifiées de richesse culturelle. En outre, est-il prévu de ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, et l'article 30 de la Convention internationale des droits de l'enfant protégeant le droit humain à pouvoir vivre dans sa langue ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR. – MM. Joseph Castelli, André Gattolin et Loïc Hervé applaudissent également.)


Réponse du Ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse publiée le 06/02/2020

Réponse apportée en séance publique le 05/02/2020

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Antiste, nous sommes évidemment d'accord sur les fondements de votre intervention. Autrement dit, les langues régionales sont encouragées dans le système scolaire français !

Autrefois, voilà quelques décennies, les langues régionales étaient parlées en famille, mais ne l'étaient pas à l'école. Parfois même, leur usage était sanctionné. Aujourd'hui, ces langues sont beaucoup plus rarement parlées en famille et, au contraire, encouragées à l'école. La donne actuelle est donc très différente, de par sa dimension volontariste.

J'ai eu l'occasion de m'exprimer, souvent et fortement, au Sénat sur cette question. C'est un sujet qui, normalement, devrait tous nous unir, du fait de cette politique volontariste en faveur des langues régionales au sein de l'école.

Vous m'interrogez sur les conséquences de la réforme du lycée : celle-ci se fait-elle au détriment des langues régionales ? La réponse est non, évidemment ! Cette réforme du lycée – mais pas seulement elle – nous permet au contraire de les encourager.

En particulier, un dispositif qui n'existait pas par le passé a été mis en place : les enseignements de spécialité en langue régionale. Après, il faut évidemment que nous ayons des demandes de la part des élèves… Mais, à partir du moment où ils le souhaitent, ils peuvent recevoir quatre heures de formation en première et six heures en terminale, soit beaucoup plus que tout ce qui a pu être instauré auparavant.

Vous faites référence à des options qui auraient fermé ; d'autres ouvrent aussi ! Nous parlons d'un système vivant, dépendant énormément de la demande des familles en la matière, demande que nous encourageons dès l'école primaire.

Outre-mer, où la situation vous intéresse tout particulièrement – je connais bien le sujet pour avoir été, autrefois, recteur outre-mer et avoir beaucoup encouragé les langues créoles ou d'autres langues locales comme les langues amérindiennes –, nous menons également une politique volontariste, avec des médiateurs de langues régionales ; nous entendons la poursuivre.

Par ailleurs, la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance a consacré l'importance des langues régionales. Je sais que, parfois, ce ne sont pas les commentaires qui en ont été tirés, mais il me semble que, dans ce domaine, nous pouvons progresser si nous demeurons sur des consensus. C'est tout à fait possible.

La langue française est la langue de la République. Cette affirmation, non seulement n'entre pas en contradiction avec la vitalité des langues régionales, mais en est même complémentaire, et ce grâce à l'école ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste, pour la réplique.

M. Maurice Antiste. Monsieur le ministre, je rappelle que, selon l'Unesco, 21 langues sont en danger ou sérieusement en danger en France, plus précisément aux Antilles, en Guyane et en Polynésie.

Une langue est une part intrinsèque de l'être culturel. Il n'y a pas d'être sans culture. Donc porter atteinte à une langue régionale, c'est porter atteinte à l'existence même de l'être culturel.

N'oublions pas que la bête acculée n'accepte jamais d'être une victime expiatoire, mais livre toujours une farouche bataille pour survivre. Le message est clair ! (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR. – MM. Joseph Castelli et André Gattolin applaudissent également.)

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