Question de M. CORBISEZ Jean-Pierre (Pas-de-Calais - RDSE) publiée le 13/02/2020

M. Jean-Pierre Corbisez attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur les enjeux liés aux différentes espèces d'ambroisies.
Ces espèces envahissantes, originaires d'Amérique du Nord, sont, en premier lieu, nuisibles pour la santé humaine en raison de leurs pollens, provoquant, pour les personnes sensibles, de fortes réactions allergiques. Présentes en campagne comme en milieu urbanisé, ce sont également des espèces adventices des cultures de printemps qui peuvent entraîner des pertes de rendement importantes, pouvant aller jusqu'à la destruction de la culture en place. Leur traitement génère par ailleurs des coûts de gestion supplémentaires pour les agriculteurs. Ces plantes invasives peuvent enfin nuire à la biodiversité dès lors qu'elles entrent en concurrence avec d'autres végétaux, en particulier en bord de cours d'eau.
Un récent recueil d'expériences de gestion de l'ambroisie en contexte agricole, produit par l'observatoire des ambroisies, met clairement en exergue ces difficultés. De son côté, et depuis plusieurs années, l'association « stop ambroisie » sensibilise la population, les élus et les pouvoirs publics, et tente de susciter des plans de lutte visant au contrôle de cette plante allergisante. Enfin, à l'automne 2018, une enquête menée auprès des maires de Charente par l'alliance contre les espèces invasives (AEI) a montré l'absence de moyens et d'informations dont disposent les maires face à la forte présence de l'ambroisie dans leurs communes.
Le règlement européen n° 2016/2031 du 26 octobre 2016 relatif aux mesures de protection contre les organismes nuisibles aux végétaux, entré en vigueur le 14 décembre 2019 en remplacement de la réglementation nationale existante, prévoit quant à lui que des plantes non parasites, qui ne sont pas considérées comme des espèces exotiques envahissantes préoccupantes pour l'Union européenne au titre du règlement (UE) n° 1143/2014 et qui présentent des risques phytosanitaires aux conséquences économiques, sociales ou environnementales extrêmement graves pour l'Union, peuvent être considérées comme des organismes nuisibles. Les trois espèces d'ambroisie cochent cette définition.
L'Union européenne a cependant fait le choix de ne pas les considérer comme organismes de quarantaine, malgré la recommandation du conseil de l'organisation européenne et méditerranéenne pour la protection des plantes.
Les ambroisies peuvent néanmoins être considérées comme nuisibles en application de l'article 29 du règlement n°2016/203. Un tel classement permettrait aux agriculteurs concernés d'obtenir des indemnisations, au titre des actions de lutte obligatoire mises en œuvre, auprès du fonds national agricole de mutualisation sanitaire et environnementale (FMSE).
Au niveau national, cela impliquerait, en parallèle du classement des ambroisies en espèces nuisibles à la santé humaine, leur classement comme organismes nuisibles à la santé des végétaux.
Aussi, à l'occasion de la révision actuelle de la classification des espèces nuisibles à la santé des végétaux, il souhaite savoir si les ambroisies seront prises en compte dans l'élaboration du nouveau classement national dépendant du ministère de l'agriculture.
En outre, dans le cadre des obligations induites par ce classement, notamment en termes de lutte par tout moyen disponible, il interpelle le ministre sur la nécessité de ne pas recourir à de nouveaux traitements chimiques, nocifs pour la santé et pour l'environnement, et souhaite connaître quelles mesures pourraient intervenir pour accompagner les agriculteurs et les communes en se préservant de toute nouvelle pollution par des produits phytosanitaires.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 09/04/2020

Plantes invasives originaires d'Amérique du nord, plusieurs espèces d'ambroisie ont colonisé toutes les régions françaises où elles affectent à la fois la santé publique et l'économie agricole. L'ambroisie à feuilles d'armoise est l'espèce la plus répandue, et ses impacts sont largement documentés. La production de pollen anémophile allergène par trois espèces -l'ambroisie à feuilles d'armoise (ambrosia artemisiifolia L.), l'ambroisie à épis lisses (ambrosia psilostachya DC.) et l'ambroisie trifide (ambrosia trifida L.) - est bien identifiée comme une menace pour la santé humaine et fait l'objet de l'article D. 1338-1 du code de la santé publique intégré par décret n° 2017-645 en application de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé. Ce décret prévoit l'application de mesures visant à prévenir l'apparition ou éviter la prolifération des trois espèces d'ambroisie, en tenant compte d'autres finalités, comme la préservation de la biodiversité et la santé des végétaux. Le ministère de la santé, avec l'appui de plusieurs ministères, dont le ministère de l'agriculture et de l'alimentation, a intégré au nouveau dispositif réglementaire national spécifique à la lutte contre les ambroisies, une instruction interministérielle visant la rédaction de plans d'actions locaux de prévention et de lutte, pour lesquels la cohérence des mesures est assurée par le préfet de région. Plantes rudérales et exotiques annuelles, l'ambroisie à feuilles d'armoise et l'ambroisie trifide entraînent des évolutions locales de flore défavorables aux cultures de printemps dont elles réduisent le rendement. Cette concurrence, étroitement corrélée aux pratiques culturales et aux solutions phytopharmaceutiques disponibles et autorisées, varie selon les espèces et variétés cultivées et les espèces d'ambroisie. L'ambroisie trifide, caractérisée en particulier par sa haute taille et son fort impact sur la production agricole, fait l'objet d'un suivi particulier par certains services régionaux chargé de la protection des végétaux, afin d'estimer si son niveau de présence sur le territoire nécessite encore d'organiser la mise en œuvre d'actions de lutte collectives. Les travaux en recherche agronomique sur la gestion des adventices progressent grâce notamment au travail de terrain des instituts techniques agricoles. Terres Inovia intervient directement dans la recherche et la formation des techniciens agricoles spécialisés. Des collaborations plus larges existent afin de gérer les adventices à l'échelle de l'exploitation en intégrant les rotations. Le réseau gestion de la flore adventice en grandes cultures et en vigne, FLORAD mobilise ainsi différents acteurs de la recherche, du développement et de l'enseignement agricole et bénéficie des financements du compte d'affectation spécial « Développement agricole rural ». D'autres moyens de lutte biologique sont en cours d'expérimentation, comme le recours au coléoptère phytophage ophraella communa, présent en Italie, et dont des chercheurs (institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement, l'agence nationale de sécurité sanitaire pour l'alimentation, l'environnement et le travail, et le centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) évaluent l'impact favorable sur des cultures de tournesol envahies par l'ambroisie. Les ambroisies ne font pas l'objet de réglementation au niveau européen ou national au titre de la santé des végétaux. L'ambroisie à feuilles d'armoise, largement répandue en Europe, ne répond pas aux critères d'espèce émergente ou à répartition limitée qui justifient le classement en organisme de quarantaine dans le règlement européen de la santé des végétaux n° 2016/2031/UE. L'ambroisie trifide, encore très localisée en Europe, a fait l'objet d'une recommandation de réglementation au titre de la santé des végétaux par l'organisation européenne de la protection des plantes et par l'agence nationale de sécurité sanitaire pour l'alimentation, l'environnement et le travail - saisine 2016-SA-0090 https://www.anses.fr/fr/system/files/SANTVEG2016SA0090Ra.pdf. Un classement de cette plante en organisme nuisible réglementé au titre du 6° de l'article L. 251-3 du code rural et de la pêche maritime pourrait être envisagé. Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation a sollicité FREDON France, désigné par arrêté du 2 juin 2017 pour l'animation et le fonctionnement de l'observatoire des ambroisies (centre national de référence de prévention et de lutte contre les ambroisies) pour étudier la faisabilité et les modalités d'une lutte collective efficace et agro-écologiquement acceptable par les différents partenaires. Ces propositions seront présentées au comité national d'orientation de la politique sanitaire animale et végétale, qui se prononcera sur l'opportunité d'un tel classement.

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