Question de M. KANNER Patrick (Nord - SOCR) publiée le 05/03/2020

Question posée en séance publique le 04/03/2020

M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, je vais vous parler de la réforme des retraites. (Exclamations amusées.)

Depuis le début, avant même que ne soit entamé le parcours législatif du projet de loi, le Gouvernement a enchaîné les faux pas, les erreurs, les coups de menton… C'est peut-être cela, l'amateurisme que vous revendiquez.

Nous pouvons désormais le dire, nous assistons à un naufrage, sur le fond comme sur la forme.

M. François Patriat. Tout en nuance !

M. Patrick Kanner. Aujourd'hui, je traiterai de la forme, car, actuellement, elle nous empêche d'aborder sereinement le fond.

On ne peut aborder de cette façon une réforme systémique, d'une ampleur telle qu'elle engage le sort de la totalité des Français et concerne 14 % du PIB !

L'argument de l'urgence ne tient pas. Quelle urgence y a-t-il à voter un texte dont personne ne connaît le financement ?

La seule urgence est celle du Gouvernement, qui essaie de se tirer du bourbier dans lequel il s'est lui-même enlisé. Du bourbier naît l'enlisement, de l'enlisement naît la panique… Car, nous le voyons, la panique s'installe dans vos rangs.

Elle s'installe quand votre porte-parole affabule, en disant que l'urgence se justifie par les élections sénatoriales de septembre, qui empêcheraient selon elle le Parlement de siéger assez longtemps pour examiner la réforme. (Exclamations sur les travées des groupes SOCR et Les Républicains.) Nous sommes prêts à siéger en juillet si vous le décidez, monsieur le Premier ministre ! (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et Les Républicains.)

Elle s'installe quand, ce matin, vos troupes rejettent sans fondement, arbitrairement, la demande de commission d'enquête sur la sincérité de l'étude d'impact demandée par nos collègues députés du groupe socialiste et apparentés, dans le cadre de leur droit de tirage. Qu'avez-vous à cacher, monsieur le Premier ministre ?

Ma question est simple : allez-vous accepter la main tendue par le Sénat ? Allez-vous accepter notre proposition, en décalant le début de l'examen de la réforme par le Sénat à la fin de la conférence de financement ? Allez-vous, enfin, nous laisser travailler sereinement dans l'intérêt des Français ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes SOCR, CRCE et Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)


Réponse du Premier ministre publiée le 05/03/2020

Réponse apportée en séance publique le 04/03/2020

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Patrick Kanner, vous avez eu raison de le souligner, votre question porte plus sur la forme que sur le fond, et c'est donc sur ce point que je vais vous répondre.

Vous évoquez le moment où le texte arrivera au Sénat. Les deux motions de censure qui ont été déposées dimanche à l'Assemblée nationale ont été repoussées, hier, par deux votes distincts. Le texte est donc considéré comme adopté par l'Assemblée nationale aux termes des dispositions de l'article 49, alinéa 3 de la Constitution.

Mme Éliane Assassi. Quel texte ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Je sais que vous n'avez pas de problème de principe avec l'article 49, alinéa 3 de la Constitution, monsieur Kanner… (Rires et applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

En effet, de la même façon que vous êtes extrêmement attentif à ce que je dis et fais, je suis extrêmement attentif à ce que vous avez dit et fait, et j'ai bien noté qu'un gouvernement auquel vous apparteniez avait eu recours aux dispositions de l'article 49, alinéa 3.

M. Roger Karoutchi. Eh oui !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Vous n'y êtes donc pas opposé par principe, j'en ai bien conscience.

Je vous remercie par ailleurs d'avoir souligné – nos concitoyens ne le saisissent pas toujours parfaitement – que l'adoption du texte par l'Assemblée nationale ne vient pas mettre un terme à son examen parlementaire.

Par rapport au texte initial du Gouvernement, le texte adopté hier a déjà été significativement enrichi et modifié, un très grand nombre d'amendements ayant été pris en compte.

M. David Assouline. Lesquels ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Je ne puis en dresser la liste dans le temps qui m'est imparti, et que j'ai d'ailleurs déjà dépassé, mais il y en a plus de 400, monsieur le sénateur. Vous le constaterez lors de l'examen du texte par le Sénat.

Quant au calendrier, je l'ai précisé très tôt : il prévoit l'adoption définitive du projet de loi avant l'été.

M. François Patriat. Très bien !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Pourquoi ?

Mme Éliane Assassi. Oui, pourquoi ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Pour une raison très simple : nous avons voulu que la réforme s'applique dès le 1er janvier 2022 à tous ceux qui entreront pour la première fois sur le marché du travail, afin qu'ils puissent bénéficier des progrès sociaux et des nouveaux avantages offerts aux Françaises et aux Français. (Mme Patricia Schillinger et M. François Patriat applaudissent. – Marques de scepticisme sur les travées des groupes SOCR, CRCE et Les Républicains.)

M. Roland Courteau. Quels sont ces avantages ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Or, après l'adoption définitive du projet de loi, nous devrons prendre un temps suffisant pour mettre en place la totalité du dispositif.

Vous le savez parfaitement, monsieur Kanner, le vote d'une loi autorise certes à mettre en place un système, mais il ne suffit pas à le créer en pratique. Prendre ce temps permet d'ailleurs généralement d'éviter les désagréments pouvant résulter de décisions législatives souvent généreuses, mais dont on ne voit pas exactement comment dont elles pourront être mises en œuvre.

M. Rachid Temal. Et le point d'indice ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Il nous faudra donc, entre l'adoption du projet de loi et le 1er janvier 2022, prévoir l'ensemble des instruments nécessaires au bon fonctionnement et à la bonne application du dispositif.

Mme Sophie Primas. Si c'est au 15 février, ce ne sera pas grave !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Le président du Sénat m'a adressé un courrier traitant du sujet que vous évoquez, monsieur Kanner. Je lui ai répondu par téléphone – j'espère, monsieur le président, que vous m'autorisez à faire état de ce contact.

M. le président. Bien sûr, monsieur le Premier ministre ! Ce fut par téléphone, mais les yeux dans les yeux. (Rires et applaudissements.)

M. Édouard Philippe, Premier ministre. En ces temps où les contacts physiques deviennent plus compliqués, cette forme de tendresse me touche, monsieur le président ! (Sourires.)

Bref, monsieur Kanner, nous voulons faire en sorte que ce projet de loi soit adopté avant l'été.

Mme Sophie Primas. Et pourquoi pas au mois de septembre ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre. J'ai indiqué au ministre chargé des relations avec le Parlement qu'il lui appartenait de se rapprocher du président du Sénat pour examiner dans quelles conditions nous pouvions nous assurer, à la fois, que la discussion parlementaire à la Haute Assemblée s'effectue dans d'excellentes conditions – nous l'espérons tous – et que l'objectif de l'adoption du texte avant l'été, que je me suis fixé, est atteint.

Cette discussion aura lieu dans les jours qui viennent et se fondera évidemment sur les relations de qualité que nous entretenons avec le président du Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.)

Mme Éliane Assassi. Et la commission d'enquête ?

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