Question de Mme GOULET Nathalie (Orne - UC) publiée le 20/03/2020

Question posée en séance publique le 19/03/2020

Mme Nathalie Goulet. Je m'associe bien sûr aux témoignages de soutien et de solidarité qui ont été adressés aux héros du quotidien, notamment aux personnels de santé.

Madame la garde des sceaux, comme le Gouvernement et l'ensemble de la population, nous avons pris la mesure du défi que représente l'épidémie de coronavirus pour notre pays, mais aussi pour l'institution judiciaire, déjà en difficulté en temps normal. Il s'agit de repenser complètement le fonctionnement de la justice à l'heure du coronavirus, rien de moins !

Vous avez débattu, avec la présidente du Conseil national des barreaux, de la question de la suspension indispensable des délais de prescription en matière civile et pénale ; des mesures figurent d'ailleurs à l'article 7 du projet de loi que nous examinerons tout à l'heure.

Dans le cadre du plan de continuation d'activité des juridictions et avec les mesures de confinement, les extractions judiciaires vont être matériellement rendues quasiment impossibles en l'état des moyens de notre justice, outre le danger de propagation que présenteraient ces mouvements, comme l'a déjà signalé l'Association des magistrats.

Nos juridictions et nos établissements pénitentiaires ne disposent ni de matériels de protection pour les personnels et les auxiliaires ni d'équipements de visioconférence en nombre suffisant.

Les parloirs sont suspendus. Hier, le bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris a lancé un cri d'alarme sur les conditions sanitaires dans les geôles du tribunal de Paris et refusé de désigner des avocats pour le service de l'urgence pénale.

Madame la garde des sceaux, quelles mesures précises avez-vous prises pour éviter que des terroristes et autres individus dangereux soient libérés en raison de failles procédurales ?


Réponse du Ministère de la justice publiée le 20/03/2020

Réponse apportée en séance publique le 19/03/2020

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice Goulet, la situation sanitaire de la France nous a conduits, depuis quelques semaines déjà, à prendre un certain nombre de décisions, dont la mise en œuvre des plans de continuation d'activité des juridictions, que vous avez évoquée.

La restriction des activités qui s'installe désormais nous conduit à aller plus loin et à prévoir des mesures provisoires qui seront prises en application des ordonnances visées dans le projet de loi d'urgence que vous examinerez à partir de cet après-midi.

Nous avons, dans ce cadre, un double objectif : reporter les délais procéduraux et permettre, sans risque de nullité, une extension du recours à la visioconférence pour l'activité juridictionnelle. Depuis deux ans, nous avons considérablement modernisé nos réseaux et augmenté le nombre des équipements de plus de 80 %. Nous pouvons donc développer de manière importante et sereine le recours à la visioconférence, ce qui va nous permettre de réduire de manière drastique les extractions judiciaires.

Madame la sénatrice Goulet, je sais que vous êtes très attentive à la situation des établissements pénitentiaires, en particulier ceux de Condé-sur-Sarthe et d'Argentan. Sachez que, dans le cadre du projet de loi d'urgence, nous allons prendre des mesures pour limiter les courtes peines et soulager les centres de détention. Bien évidemment, ces dispositions ne concerneront pas les détenus dangereux.

Les mesures générales de confinement récemment prises empêchent les familles d'accéder aux parloirs qui, de fait, ont été suspendus, mais les avocats peuvent, quant à eux, continuer à voir leurs clients en détention. Les parloirs avocats ne sont pas interdits ; ils seront organisés dans le respect des gestes barrières.

Vous avez évoqué la situation spécifique du tribunal judiciaire de Paris. Des mesures ont été prises pour permettre aux avocats d'avoir accès aux prévenus dans des conditions de sécurité sanitaire satisfaisantes – j'en parlais encore ce matin avec le procureur et le président du tribunal de Paris. Je sais que nous pourrons compter sur les avocats pour assurer le respect des droits de la défense dans cette période exceptionnelle.

Soyez assurée, madame la sénatrice, que tous les personnels judiciaires et pénitentiaires sont actuellement pleinement mobilisés pour assurer la continuité du service public de la justice et la sécurité de nos concitoyens, cela dans le respect des droits fondamentaux de chacun.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour la réplique.

Mme Nathalie Goulet. Je vous remercie de ces précisions, madame la garde des sceaux. Les dispositions que vous avez prises par circulaire le 14 mars ne n'avaient pas échappé ; elles doivent maintenant être inscrites dans la loi, parce qu'elles ne sont pas d'ordre réglementaire. Surtout, les personnels pénitentiaires et les auxiliaires de justice ont absolument besoin d'équipements de protection ; on ne peut pas les laisser dans la situation actuelle, les enjeux de sécurité sont trop importants.

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