Question de M. MALHURET Claude (Allier - Les Indépendants) publiée le 26/03/2020

Question posée en séance publique le 25/03/2020

M. Claude Malhuret. Monsieur le Premier ministre, dans une crise sanitaire, comme dans toute catastrophe, l'action publique doit d'abord parer au plus urgent : protéger les vies humaines, quoi qu'il en coûte. C'est la ligne retenue par le Gouvernement, celle aussi soutenue par le Parlement et surtout celle attendue par les Français. Pour commencer, je voudrais donc me joindre à l'hommage rendu par les orateurs qui m'ont précédé à tous les personnels soignants de notre pays.

Après avoir mis en œuvre des mesures drastiques pour limiter l'expansion du virus, il faut agir avec autant de force pour que l'économie ne s'effondre pas. Nous y avons contribué en adoptant dimanche dernier les deux projets de loi que vous nous aviez soumis. Le Gouvernement dispose désormais d'importants moyens pour tendre à nos entreprises de nécessaires filets de sécurité.

Mais l'État ne peut pas tout. Alors que tout indique un ralentissement globalisé de l'économie, la mobilisation du secteur privé sera également indispensable : aucune des forces vives du pays ne doit manquer à l'appel.

Bon nombre de nos entreprises accusent le coup et s'apprêtent à ouvrir des lignes de crédits garantis par l'État. Pour remettre les entreprises sur les rails de l'activité, l'action des professionnels de l'assurance sera également nécessaire.

La couverture d'un risque consiste pour l'essentiel à évaluer la probabilité qu'un événement se produise, ainsi que les dégâts financiers qu'il pourrait causer. Lorsque l'événement est inédit et les dégâts incommensurables, la tâche évidemment se complique… De très nombreuses entreprises font savoir que les pertes d'exploitation qu'elles subissent actuellement ne sont pas couvertes par leurs contrats d'assurance. Leurs dirigeants sont bien sûr très inquiets.

Monsieur le Premier ministre, que peut faire le Gouvernement pour adapter le cadre assurantiel à la gravité de la situation que nous connaissons ? L'état d'urgence sanitaire qui vient d'être institué a-t-il vocation à intégrer un volet assurantiel, par exemple sur le modèle du régime existant en matière de catastrophes naturelles ?


Réponse du Premier ministre publiée le 26/03/2020

Réponse apportée en séance publique le 25/03/2020

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Malhuret, il appartient au chef du Gouvernement de remercier le Parlement de lui avoir donné les moyens, en votant les deux lois que nous soumettions à son examen, de répondre aux difficultés économiques considérables suscitées par le confinement et l'interruption de l'activité dans de très nombreux secteurs.

Ce cadre juridique que vous avez voté, nous l'avons utilisé : nous avons présenté ce matin en conseil des ministres vingt-cinq ordonnances. Je ne fais pas de fétichisme du chiffre, mais vingt-cinq est un nombre considérable. Ces ordonnances permettent, secteur par secteur et sujet par sujet, d'essayer d'apporter des solutions juridiques aux problèmes que rencontre le tissu productif français, et pas seulement lui. En effet, comme vous le savez, un certain nombre de ces ordonnances sont destinées à accompagner les établissements de santé et les soignants.

Je l'ai dit, le montant du plan d'urgence s'élève à 45 milliards d'euros. Les 300 milliards d'euros de garanties accordées pour permettre la poursuite du financement de l'économie étaient indispensables : cela montre l'engagement de l'État, c'est-à-dire dire de la Nation.

Vous avez évoqué, monsieur le président Malhuret, la situation des assureurs. Il est vrai que, comme vous l'avez indiqué, les garanties en matière de pertes d'exploitation prévues dans les contrats d'assurance ne s'appliquent pas, dans la grande majorité des cas, aux pertes qui résulteraient d'une cause autre qu'un dommage matériel. Autrement dit, les contrats actuels n'ont pas, pour l'immense majorité d'entre eux, prévu ce type de dommage, d'accident, d'aléa. Constatant cette impossibilité, nous sommes intervenus de trois façons.

Premier élément : nous avons demandé au secteur des assurances de contribuer au fonds de solidarité que nous avons créé. Nous allons faire en sorte que ce soit le cas dès le mois de mars, et pour avril si c'est nécessaire. Ils se sont engagés à ce stade à hauteur de 200 millions d'euros environ pour le mois de mars, ce qui n'est pas négligeable. C'est évidemment une façon d'apporter des solutions aux indépendants et aux toutes petites entreprises qui se trouvent confrontés à l'interruption de leur activité.

Le deuxième élément utile est le maintien des garanties d'assurance des TPE qui connaîtraient des difficultés ou des retards de paiement pendant toute la durée de la période de suspension de l'activité. Cela signifie que, dès lors qu'il n'y a pas de recettes, il ne pourra pas y avoir de perte de droits parce qu'il n'y aurait plus de paiement des polices d'assurance. Cet engagement important a été pris par le secteur, et il sera garanti.

Enfin, même s'il est probablement trop tôt pour tirer tous les enseignements de cette crise mais il sera utile d'y réfléchir très rapidement, le ministère de l'économie et des finances va engager des travaux avec les assureurs pour imaginer des propositions innovantes en matière de mécanisme d'assurance permettant une couverture adaptée à ce type d'aléas.

Vous le voyez, monsieur le président Malhuret, en la matière, nous devons avoir une discussion approfondie avec le secteur des assurances afin que nous nous aidions mutuellement à passer cette crise. Il faut veiller à ne pas faire disparaître ce secteur, car nous en avons besoin, mais il doit lui aussi, j'y insiste, nous aider à passer cette crise.

La discussion qui va se nouer sera intense et absolument nécessaire. Je ne peux pas vous dire ici, maintenant, quels en seront les résultats, mais je tiens à vous faire part de notre disponibilité complète pour engager cette discussion, à laquelle le ministère de l'économie et des finances s'est déjà attelé.

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