Question de M. DURAIN Jérôme (Saône-et-Loire - SOCR) publiée le 09/04/2020

Question posée en séance publique le 08/04/2020

M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour le groupe socialiste et républicain.

M. Jérôme Durain. Ma question s'adresse à M. le ministre des solidarités et de la santé.

Le Président de la République a décrété l'état de guerre et la mobilisation générale contre le coronavirus. Des élus de tous les partis se sont mobilisés pour répondre aux besoins exprimés par le personnel des hôpitaux, par celui des Ehpad (établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes), par les pharmaciens et par les soignants libéraux.

Ces besoins n'étaient, pour certains, pas satisfaits par l'État. Des régions, des départements et des communes se sont démenés pour combler les manques, notamment en masques. Ils l'ont fait en informant l'État, par l'intermédiaire des préfets et des agences régionales de santé (ARS).

L'État a malheureusement pu donner l'impression de ne pas être capable d'accompagner l'action de chacun de ces acteurs. Un épisode malheureux a ainsi eu lieu lors de la réception d'une livraison de masques commandée par les régions Bourgogne-Franche-Comté et Grand Est, ainsi que par l'État. En effet, l'armée a réquisitionné, sur le tarmac, l'ensemble de la commande. Cette réquisition aurait pu être comprise si elle avait été annoncée, expliquée ou justifiée. Il n'en a rien été !

Plusieurs autres cas similaires constatés sur le territoire national renvoient aux élus locaux un sentiment décourageant de frustration, voire d'inefficacité. Ceux qui voient les masques dont ils ont besoin partir vers d'autres territoires le ressentent même comme une expression de mépris à l'égard de leur propre population.

Alors même que, sur le terrain, le dialogue est bon entre l'État territorial et les élus, comme entre les élus eux-mêmes, l'État central continuer de donner le sentiment qu'il improvise, faute d'avoir suffisamment anticipé, et qu'il coordonne mal ses troupes, préfets et ARS.

Cette question de la confiance et de la coordination entre les acteurs est primordiale. Nos besoins en masques ne vont pas diminuer ; un nouveau changement de doctrine concernant le port des masques est d'ailleurs attendu.

Monsieur le ministre, allez-vous transmettre et faire appliquer des consignes claires, pour que l'État régule, coordonne et ne parle que d'une seule voix ?


Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 09/04/2020

Réponse apportée en séance publique le 08/04/2020

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur Durain, vous posez la question des difficultés d'approvisionnement en masques sur le marché mondial et vous évoquez les commandes réalisées par les uns et par les autres – les collectivités locales, vous l'avez dit, prennent toute leur part de cet effort.

L'événement que vous mentionnez – il est important de partir de ce qui s'est réellement passé à l'aéroport de Bâle-Mulhouse –, est la conséquence de la course aux masques.

Un certain nombre d'importateurs prennent des commandes de différents interlocuteurs, État ou collectivités locales.

Dans le cas particulier que vous évoquez, il n'y a pas eu de réquisition, ni par l'armée ni par qui que ce soit. Il y a eu des commandes – des commandes légitimes, fortes, faites par des collectivités locales et par l'État, et en particulier par l'ARS du Grand Est. Cette dernière avait commandé et attendait de l'importateur dont il est question quelque 6 millions de masques.

Toutefois, les livraisons initialement prévues n'ont pas été au rendez-vous. Une première commande de 2 millions de masques a été livrée à l'ARS, qui a pu distribuer ceux-ci largement ; l'importateur devait livrer le reste, soit 4 millions de masques, dimanche dernier, par un avion spécialement affrété.

Or cet importateur avait aussi pris les commandes de deux collectivités locales, la région Bourgogne-Franche-Comté et le département des Bouches-du-Rhône. Au moment de la livraison, seuls 3,4 millions de masques étaient disponibles ; ils ont été dévolus en priorité aux personnels soignants de la région Grand Est. Chacun sait qu'il ne s'agit pas là de concurrence, dès lors que l'enjeu était de fournir en priorité ces personnels soignants.

Votre question me donne l'occasion de réaffirmer – je le ferai de nouveau dans quelques instants en répondant au sénateur Philippe Bas – qu'il n'est évidemment pas question qu'une guerre des masques ait lieu entre les collectivités locales et l'État. Nous devons tout faire pour travailler main dans la main ; c'est là le sens des instructions que j'ai rappelées hier soir à l'ensemble des préfets.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour la réplique.

M. Jérôme Durain. Je vous remercie, monsieur le ministre, de cette réponse.

Ce que nous constatons sur le terrain, c'est que, dans ma région du moins, nous travaillons bien avec l'État, avec le préfet et avec l'ARS, mais que les préfets ne se parlent pas forcément entre eux, non plus que les ARS entre elles, et que les premiers n'échangent pas toujours avec les secondes, que ce soit sur cette question des masques ou sur d'autres problèmes.

Il s'agit d'une question non pas d'achat ou d'approvisionnement, mais de coordination. Face au coronavirus, nous avons besoin d'une équipe soudée. Elle l'est. Mais il nous faut aussi un bon entraîneur : l'État !

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