Question de M. DÉTRAIGNE Yves (Marne - UC) publiée le 02/04/2020

M. Yves Détraigne souhaite appeler l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur les conséquences redoutées par la filière de la construction, de la promotion et de l'aménagement suite à la publication de l'ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 prise dans le cadre de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 et dont l'objectif est de neutraliser les délais d'instruction des demandes d'autorisation d'urbanisme déposées avant le 12 mars 2020 et ce jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire.
Avec l'objectif légitime de préserver les droits de chacun, s'adapter aux contraintes de confinement et suspendre les conséquences juridiques du silence de l'administration, cette ordonnance supprime de fait les autorisations tacites de l'administration alors que, dans le même temps, nombre de services d'instruction, dans les collectivités locales, sont inactifs depuis le début du confinement.
Cela signifie que l'instruction de tout nouveau permis de construire, tout permis d'aménager, toute déclaration préalable de lotissement, par exemple, est reportée d'un mois après la sortie de crise, soit pour conséquence, si l'état d'urgence sanitaire dure deux mois, un décalage de l'instruction de trois mois. À ce délai de trois mois, il faut ajouter un délai de recours supplémentaire de deux mois pour tous les permis non purgés au 12 mars, qui résulte également de l'ordonnance. Enfin, compte tenu de l'engorgement des administrations provoqué par l'afflux des demandes bloquées pendant ces trois mois, des demandes courantes de pièces complémentaires et de consultation de services extérieurs (architectes des bâtiments de France, contraintes liées aux établissements recevant du public…), il est à prévoir que la quasi-totalité des autorisations, dont les demandes sont en cours ou à venir, ne seront purgées de tout recours qu'au début 2021.
En conséquence, il est à craindre que, d'une part, toute la maîtrise d'œuvre soit inactive pendant cette période de décalage d'instruction des autorisations d'urbanisme et les études d'exécution seront reportées d'autant, et d'autre part, que les entreprises de gros œuvre ne puissent démarrer leurs travaux qu'en 2021 au plus tôt…
S'il est légitime de sécuriser les autorisations d'urbanisme, cette décision paraît toutefois en parfait décalage avec la demande du gouvernement faite à la filière de rouvrir les chantiers des bâtiments et travaux publics…
Aussi, considérant que l'instruction de demandes d'autorisations d'urbanisme fait partie des activités pouvant s'organiser en télétravail et craignant les conséquences catastrophiques que l'ordonnance en question pourrait provoquer sur l'ensemble de la filière de la construction et de l'aménagement, il lui demande de concerter l'ensemble des fédérations professionnelles concernées afin de trouver avec elles les solutions permettant une reprise rapide de l'activité économique.

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Transmise au Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales


Réponse du Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales publiée le 09/07/2020

L'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période a eu pour objet d'adapter, en les allongeant, de manière transversale à l'ensemble des secteurs les délais de recours, les délais de préemption de validité d'autorisation, de permis ou d'agrément ou encore les délais d'instruction des demandes formulées par les administrés auprès des administrations, mais également des administrations envers les administrés. Elle tient compte de la difficulté, pour l'ensemble des acteurs, à assurer leurs activités dans des conditions normales. Les autorisations d'urbanisme sont concernées. Par cette ordonnance, cette suspension courait du 12 mars 2020 jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois après la fin de l'état d'urgence sanitaire. Afin de prendre en compte spécifiquement des enjeux liés à la continuité et la reprise rapide de l'activité après la fin de la crise sanitaire, l'ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l'épidémie de covid-19 est venue apporter des aménagements et compléments aux dispositions prises par l'ordonnance n° 2020-306 susmentionnée. Ainsi, sans remettre en cause l'application du principe de suspension des délais d'instruction et de délivrance des autorisations d'urbanisme, cette ordonnance a réduit d'un mois la période de la suspension des délais d'instruction des demandes d'autorisation d'urbanisme en la limitant à la seule durée de l'état d'urgence sanitaire. Ces aménagements s'appliquaient de la même manière aux délais impartis aux différents acteurs consultés dans le cadre de ces procédures pour rendre leur avis ou accord. Dans la volonté de renforcer pour les professionnels et les acteurs de la filière de la construction la lisibilité du cadre juridique exceptionnel mis en place, l'ordonnance n° 2020-539 du 7 mai 2020 a définitivement fixé la fin de la période de suspension au 23 mai 2020 inclus pour les délais d'instruction et de délivrance des autorisations d'urbanisme. Elle a par ailleurs précisé que les modalités prévues à l'article 12 ter s'appliquent aussi aux délais de retrait des décisions de non-opposition aux déclarations préalables ou des autorisations d'urbanisme tacites ou expresses prises en application de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme. Les mesures de suspension des délais n'affectent toutefois pas la possibilité durant cette période, pour les autorités compétentes, de poursuivre l'instruction des demandes ou de prendre des décisions lorsque les circonstances le permettent. Collectivités et services de l'État s'efforcent ainsi d'assurer la continuité de leur activité, dans la mesure des moyens dont ils disposent et sans contrevenir aux consignes de sécurité tant aux pétitionnaires qu'aux personnels. Ces ordonnances no 2020-306 du 25 mars 2020, n° 2020-427 du 15 avril 2020 et no 2020-539 du 7 mai 2020 aménagent également les délais encadrant les recours contentieux formés contre les autorisations d'urbanisme. Cela permet de gagner jusqu'à 3 mois de délais dans certains cas et ainsi accélérer les chantiers dans le respect du droit des tiers. Une autorisation d'urbanisme permet à son titulaire d'entamer les travaux dès sa délivrance, toutefois, certains porteurs de projet attendent l'expiration du délai de recours. L'article 12 bis de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, tel que créé par l'ordonnance n° 2020-347 du 27 mars 2020 et modifié par l'ordonnance n° 2020-539 du 7 mai 2020, prévoit, par dérogation aux dispositions de l'article 2 de l'ordonnance n° 2020-306, que les délais applicables aux recours contentieux et aux déférés préfectoraux à l'encontre d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir, et qui n'ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus. Ils recommencent à courir à compter du 24 mai, pour la durée restant à courir le 12 mars 2020 et sans que cette durée puisse être inférieure à sept jours. Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir durant la période comprise entre le 12 mars 2020 et le 23 mai est reporté jusqu'à l'achèvement de celle-ci. À la différence du mécanisme de l'article 2 initialement applicable qui prévoyait un redémarrage à zéro des délais de recours contentieux, même déjà entamés, c'est donc un système de suspension de ces délais qui s'applique, afin de permettre une relance rapide des chantiers.

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