Question de Mme DELATTRE Nathalie (Gironde - RDSE) publiée le 23/04/2020

Mme Nathalie Delattre interroge M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la revalorisation de la pension des exploitants agricoles déjà à la retraite. Les exploitants agricoles sont des piliers de notre pays. Ces derniers vouent leur vie à produire une alimentation de qualité pour la population française, sans compter leur temps et leur fatigue. À cette vie de dévouement se joint, cependant, une bien triste réalité. Arrivés à la retraite, les exploitants agricoles touchent une retraite dérisoire compte tenu des efforts et du travail fournis pendant des années. En effet, la retraite moyenne d'un exploitant agricole est de 740 € alors que, pour l'ensemble des Français, elle se situe à 1 390 €. Un tel écart est incompréhensible et injustifiable.

Dès lors, en 2017, l'adoption en première lecture à l'Assemblée nationale d'une proposition de loi visant à revaloriser les retraites agricoles a été perçue comme une décision allant dans le bon sens. En effet, elle aurait permis de revaloriser à hauteur de 85 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) la pension de retraite des exploitants ayant déjà cessé leur activité professionnelle. Dans un second temps, ce même texte a été débattu au Sénat au mois de mars 2018. Mais alors que les parlementaires promoteurs du texte et représentants des retraités agricoles espéraient une revalorisation dès 2018, le Gouvernement a déposé quelques heures auparavant un amendement assorti d'une « procédure du vote bloqué » repoussant, de fait, la discussion sur cette éventuelle revalorisation à l'année 2020 au moins.

Le Gouvernement renvoyait cette question aux débats sur la réforme des retraites. La surprise a donc été grande lorsque, en début d'année, il a été constaté que la question de la revalorisation des retraites des exploitants agricoles déjà à la retraite était absente de la réforme. Malheureusement, ce projet de réforme creusait des disparités et des inégalités entre les exploitants agricoles, puisque seuls les retraités qui devaient entrer dans le nouveau système de retraite auraient bénéficier d'une retraite minimale de 1 000 €.

Cependant, en raison de la crise sanitaire du Covid-19, le Gouvernement a annoncé, à ce jour, la suspension de la réforme. Elle attire donc son attention sur la nécessité de prendre des dispositions en faveur des exploitants agricoles à la retraite dans le cadre, notamment, du futur projet de loi de financement de la sécurité sociale.

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Transmise au Ministère de l'agriculture et de l'alimentation


Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 08/10/2020

Le Gouvernement est particulièrement attentif à la situation des agriculteurs retraités, eu égard aux montants des pensions de retraite qui leur sont versées par le régime des non-salariés agricoles. En effet, les pensions des exploitants agricoles sont, à durée d'activité comparable, plus faibles que celles des autres retraités. Cette situation reflète d'abord la faiblesse des revenus agricoles, qui se répercute directement sur le niveau des pensions. Elle tient également à la mise en place tardive de certains éléments fondamentaux de la couverture sociale en matière de retraite, comme le régime complémentaire obligatoire (RCO) institué à compter de 2003 pour les chefs d'exploitation et d'entreprise agricole et à compter de 2011 pour les collaborateurs et les aides familiaux. Face à ce constat, la solidarité nationale est active et manifeste le lien très particulier qui unit les français et les agriculteurs. Elle se traduit par le financement du régime des retraites agricoles, via le mécanisme de compensation démographique et l'affectation de diverses taxes. Ce soutien s'est également traduit dès la création du régime de RCO par l'attribution de points gratuits aux non-salariés agricoles qui ont permis d'améliorer les droits à pension. Depuis 2017, est pleinement effective la mesure qui a fixé la pension minimale pour une carrière complète de chef d'exploitation à 75 % du salaire minimum de croissance (SMIC) net. Ensuite et conformément à la proposition du Gouvernement, le Parlement a voté en loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 une revalorisation des pensions de retraite de base limitée à 0,3 % en 2020. Toutefois, les pensions de retraite de base sont revalorisées à hauteur de l'inflation pour les assurés dont le montant total des pensions, base et complémentaire, est inférieur ou égal à 2 000 euros (€) mensuels. S'agissant de la RCO des non-salariés agricoles, la valeur du point a été revalorisée de 0,6 % pour l'année 2018 et de 0,3 % pour l'année 2019. Par ailleurs, afin de soutenir le pouvoir d'achat des retraités les plus modestes, une revalorisation exceptionnelle de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) a été prévue permettant de porter son montant à 903 € par mois en 2020, (contre 803 € au 1er avril 2017) pour une personne seule, soit une revalorisation de 100 € sur 3 ans. Le montant de l'ASPA servi à un couple est revalorisé dans les mêmes proportions. Depuis le début de cette mandature, le Gouvernement a engagé une réforme profonde des retraites dont l'un des objectifs vise à prévoir un minimum de pension à 85 % du SMIC net pour une carrière complète. Cette réforme des retraites portée par le projet de loi instituant un système universel de retraite a été suspendue pendant la période d'urgence sanitaire. La loi n° 2020-839 du 3 juillet 2020 visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricoles en France continentale et dans les outre-mer, issue de la proposition de loi « Chassaigne-Bello » et adoptée avec le plein soutien du Gouvernement, prévoit de porter le minimum de pension des retraites des chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole ayant eu une carrière complète de 75 % à 85 % du SMIC net. Cette revalorisation va s'appliquer aux retraités actuels ainsi qu'aux futurs retraités. Ainsi, les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole, actuels retraités ou futurs retraités, bénéficieront d'un niveau minimal de retraite égal à 85 % du SMIC net agricole pour une carrière complète en cette qualité, en lieu et place de 75 % aujourd'hui. Cette mesure entrera en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le 1er janvier 2022. Ainsi, dès que les aménagements techniques qui doivent être réalisés par la mutualité sociale agricole seront opérationnels, il sera possible de procéder aux revalorisations portées par la loi du 3 juillet 2020. Ce montant minimal de pension de retraite de base et complémentaire sera notamment conditionné comme aujourd'hui à une durée d'assurance minimale en tant que chef d'exploitation ou d'entreprise agricole et proratisé en fonction de la durée d'assurance validée en qualité de chef à titre exclusif ou principal par l'assuré. De manière à assurer une équité entre assurés monopensionnés et polypensionnés, il sera subordonné au fait d'avoir demandé l'ensemble de ses droits à retraite et écrêté en fonction du montant des retraites tous régimes. Pour les exploitants agricoles ultra-marins, la condition de durée d'assurance minimale en tant que chef d'exploitation et la condition de justifier du taux plein par la seule durée d'assurance est supprimée, afin qu'ils bénéficient de la même garantie de pension à 85 % du SMIC net, mais selon des modalités tenant compte des particularités de l'activité agricole outre-mer. En outre, la durée d'assurance pour le calcul du montant minimal sera majorée dans des conditions fixées par décret pour compenser la faible durée d'assurance souvent constatée dans les carrières des chefs d'exploitation de ces territoires. Ainsi, en 2022, la pension totale d'un chef d'exploitation ou d'entreprise agricole en métropole et outre-mer sera revalorisée à 85 % du SMIC net au plus tard au 1er janvier 2022, soit environ 1 050 € par mois pour une carrière complète en tant que chef d'exploitation. Cette mesure permet de répondre, pour les exploitants agricoles, à l'engagement du Président de la République d'instaurer un minimum de retraite qui puisse être porté à 1 000 € dès 2022 pour tous les assurés qui auraient effectué une carrière complète. Lors du débat parlementaire, en levant le gage de la proposition de loi, le Gouvernement a indiqué que cette mesure de revalorisation serait financée par la solidarité nationale, dans des conditions à définir lors de l'examen des futurs collectifs budgétaires. Enfin, la question des statuts sociaux des conjoints et des membres de famille des chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole qui donnent aujourd'hui des droits très limités en retraite et créent in fine des poches de pauvreté est pleinement intégrée dans le cadre de la mission sur les petites retraites confiée aux députés Lionel Causse et Nicolas Turquois par le Premier ministre en mars 2020.

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