Question de M. PACCAUD Olivier (Oise - Les Républicains-R) publiée le 14/05/2020

M. Olivier Paccaud attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la nécessaire connaissance du nombre d'habitants par commune.
Rares sont les élus capables de comptabiliser au chiffre près le nombre d'habitants dans leur ville ou village tant le bal des arrivées et des départs se révèle discret. Se déclarer à la mairie ou notifier son déménagement n'étant pas obligatoire en France, contrairement à de nombreux pays, nous cohabitons dans l'approximation.
L'épidémie qui a frappé la France a montré combien cette comptabilité était indispensable. L'État, la région des Hauts-de-France, par exemple, et d'autres collectivités locales ont commandé des masques pour l'ensemble des habitants. Impossible de connaître le chiffre juste des besoins.
En mars 2020, dans le cadre de l'examen du projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique, le Sénat a adopté un amendement visant à rendre obligatoire le signalement par les habitants de leur arrivée et de leur départ afin d'améliorer le fonctionnement et l'évolution des services publics (personnes âgées, nombre d'enfants pour avoir une meilleure visibilité des politiques scolaires, périscolaires et d'accueil de la petite enfance à mener) et de sécurité.
Il souhaite savoir si le Gouvernement compte appuyer la mise en application de cette initiative.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'intérieur publiée le 27/05/2020

Réponse apportée en séance publique le 26/05/2020

M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, auteur de la question n° 1186, adressée à M. le ministre de l'intérieur.

M. Olivier Paccaud. À l'heure des technologies connectées toujours plus précises, n'est-il pas cocasse que quasiment aucune commune de France ne soit en mesure de connaître le chiffre exact de ses habitants ? Pourquoi ? Parce que se déclarer à la mairie ou notifier son déménagement n'est pas obligatoire en France, contrairement à de nombreux pays.

Pourtant, la population française s'avère de plus en plus mobile. Ainsi, plus de 10 % de nos compatriotes changent de lieu de résidence chaque année.

Outre que c'est une élémentaire pratique de courtoisie et de savoir-vivre, rendre obligatoire le signalement par les habitants de leur arrivée et de leur départ permettrait aux communes de disposer d'une vision juste de leur population afin d'améliorer le fonctionnement et l'évolution de leurs services publics vis-à-vis des aînés, pour les politiques scolaire, périscolaire et d'accueil de la petite enfance, et de n'oublier personne dans les dispositifs qu'elles mettent en place.

Par ailleurs, la pratique du recensement ne serait plus nécessaire et les dotations de l'État au budget des communes seraient davantage en lien avec une réalité plus juste et actualisée de la population.

Cette déclaration, réclamée par de très nombreux élus locaux, et qui s'avérerait précieuse, monsieur le secrétaire d'État, en matière de lutte contre le terrorisme, pourrait être dématérialisée et commune à l'ensemble des membres d'une même famille.

La mairie en accuserait alors réception et pourrait, si besoin, vérifier les déclarations. Un récépissé constituant certificat de domiciliation et valable jusqu'à l'éventuel départ de la commune serait fourni aux nouveaux habitants. Ce document ferait office de justificatif de domicile, nécessaire pour l'accomplissement de toute formalité administrative.

Un amendement que j'avais déposé sur le projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique, adopté par le Sénat le 5 mars dernier, instaure ce certificat de domiciliation.

La récente distribution de masques dans de très nombreuses communes de France a démontré, s'il en était encore besoin, que la connaissance précise du nombre d'habitants d'un logement pouvait être utile.

Aussi, monsieur le secrétaire d'État, voici ma question : le Gouvernement va-t-il soutenir cette proposition simple et de bon sens lorsqu'elle sera examinée à l'Assemblée nationale ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, vous m'interrogez sur la mise en place d'un nouveau dispositif visant à contraindre l'ensemble de nos concitoyens à se déclarer en mairie, proposition qui a fait l'objet, comme vous le soulignez, d'un débat ici même lors de l'examen du projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique.

À cette occasion, le Gouvernement avait fait part de ses très fortes réserves, et ce pour plusieurs raisons que je vais rappeler, monsieur le sénateur.

En premier lieu, l'exécutif s'est engagé à lutter contre l'inflation législative, notamment à l'égard des collectivités territoriales, et à poursuivre une démarche de simplification et d'allégement des normes et des procédures. Or la mise en place d'une obligation de déclaration de domiciliation en mairie créerait des contraintes et des charges nouvelles pour les communes qui paraissent peu justifiées.

En deuxième lieu, la création d'une obligation de déclaration du domicile se traduirait par la constitution d'un traitement de données à caractère personnel et appellerait par conséquent une attention particulière au regard des exigences constitutionnelles relatives à la protection des libertés publiques.

En effet, le cadre juridique national et européen applicable aux traitements de données à caractère personnel précise que les données sont collectées pour des finalités qui doivent être déterminées, explicites et légitimes. Il en résulte qu'un tel fichier devrait avoir des finalités limitées et conformes à ce cadre juridique et ne pourrait être justifié par son existence même.

En troisième lieu, vous présentez cette obligation de déclaration comme un outil permettant d'effectuer un recensement de la population française. Or le recensement effectué par l'Insee est déjà pleinement satisfaisant (M. Olivier Paccaud fait un signe de dénégation.) : les données qu'il établit permettent aux communes de disposer d'éléments chiffrés sous forme anonyme afin d'évaluer les caractéristiques de leur population et de gérer en conséquence les services publics locaux, y compris en période de crise sanitaire.

Pour l'ensemble de ces motifs, monsieur le sénateur, le Gouvernement reste défavorable à ce dispositif.

M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour la réplique.

M. Olivier Paccaud. Monsieur le secrétaire d'État, j'ai bien entendu votre réponse, qui est dans la lignée de ce que votre collègue a dit au mois de mars. Simplement, c'est une demande des élus locaux, c'est une demande des élus des petites communes ! Par ailleurs, vous me parlez de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), mais vous avez quand même souligné, comme moi, que ce dispositif existait dans de nombreux autres pays d'Europe. Ce qui est valable dans d'autres pays – sans jamais avoir été considéré comme contraire à la réglementation européenne – pourrait très bien l'être aussi en France !

J'y insiste une dernière fois : il s'agit d'une demande des élus locaux.

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