Question de Mme ESTROSI SASSONE Dominique (Alpes-Maritimes - Les Républicains) publiée le 14/05/2020

Mme Dominique Estrosi Sassone interroge M. le ministre de l'économie et des finances au sujet du plan de relance pour l'industrie du tourisme, de la restauration et de l'hôtellerie.

Alors que les cafés, les bars, les restaurants et les hôtels auront été fermés pendant plusieurs semaines, l'ensemble du secteur attend désormais un accompagnement à long terme de l'État afin de limiter les pertes de chiffres d'affaires, la fonte des trésoreries, le risque des licenciements et les faillites mais également des interventions ciblées au cas par cas, comme l'allongement des reports d'échéance bancaire ou l'élargissement des critères d'éligibilité au prêt garanti par l'État et au fonds de solidarité.

En outre, au regard de très nombreux gestes barrières et des aménagements nécessaires pour assurer la sécurité sanitaire des salariés et des clients à la réouverture, bon nombre d'établissements vont changer de visage pendant cette période de transition en revoyant complètement leur organisation interne.

Appliquer ces mesures de distanciation notamment dans les établissements de plage ou les restaurants des centres villes historiques va réduire la capacité d'accueil et entraînera une réduction du chiffre d'affaires et par conséquent des capacités d'investissements, de recrutement voire de remboursement de crédits.

Par ailleurs, la question de savoir s'il y aura des clients jusqu'à la fin de l'été est également une inconnue puisque les déplacements touristiques estivaux sont inconnus après les annulations des réservations et l'impact de la crise économique sur les foyers européens.

Enfin, le plan de relance du Gouvernement est annoncé pour septembre 2020 mais de très nombreux secteurs d'activités dont la restauration et l'hôtellerie ne peuvent pas attendre alors même que dans de nombreux départements et tout particulièrement les Alpes-Maritimes, la saison touchera à sa fin. Le tourisme est le premier créateur d'emplois et de richesse en France mais des petites entreprises sont au bord du gouffre et certains écosystèmes économiques de tourisme sont menacés.

Elle souhaite savoir ce qu'entend mettre en œuvre le Gouvernement dans les prochains mois pour le tourisme et pour les professionnels de la restauration et de l'hôtellerie afin que la France puisse maintenir son rang touristique dans le monde, encourager sa gastronomie et son art de vivre à l'issue de la crise. Elle souhaite également avoir des précisions sur le plan d'investissement porté à l'échelle européenne.

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Transmise au Secrétariat d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères


Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 17/06/2020

Réponse apportée en séance publique le 16/06/2020

M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, auteur de la question n° 1187, transmise à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

Mme Dominique Estrosi Sassone. Ma question porte sur le plan de relance pour le tourisme, la restauration et l'hôtellerie.

Monsieur le secrétaire d'État, vous n'ignorez pas combien le département des Alpes-Maritimes est fortement impacté en matière d'économie touristique. Vous avez présenté, à la mi-mai, un plan général de soutien au secteur du tourisme de 18 milliards d'euros, mais, vous le savez, de nombreux trous dans la raquette ont été identifiés ; les professionnels attendent un accompagnement par secteur.

Le nombre de prêts garantis par l'État, qui s'élevait à 50 000 début mai, pour plus de 200 000 entreprises, semble faible. L'État doit se donner les moyens de vérifier que les banques jouent bien leur rôle, alors que les assureurs n'ont jamais pris d'engagements de solidarité. Selon les professionnels, les hôtels sauveraient ainsi jusqu'à 50 % de leur chiffre d'affaires annuel, en comptant sur une arrière-saison réussie.

Concernant toujours la question économique, le Gouvernement doit réfléchir à la question des loyers impayés, qui ne pourront pas être annulés sans indemnisation des bailleurs – c'est là aussi une demande forte des professionnels. Ces loyers représentent des dettes qui s'ajoutent aux charges fixes, sociales et fiscales, qui ont repris dès la réouverture.

De plus, vous le savez, l'application des protocoles sanitaires de distanciation, dans les établissements de plage de la côte méditerranéenne ou dans les restaurants notamment, réduit fortement la capacité d'accueil et entraîne, là aussi, une réduction du chiffre d'affaires. Le Gouvernement doit, soit assouplir le protocole, soit prévoir une compensation.

Par ailleurs, le plan Tourisme du Gouvernement n'accorde aucune aide à des professions pourtant essentielles au secteur du tourisme. Elles sont nombreuses : autocaristes, chauffeurs de taxi, distributeurs-grossistes de boissons, fournisseurs spécialisés – je pense aux torréfacteurs –, par exemple. Ces professionnels ne comprennent pas pourquoi ils ne figurent pas dans votre plan. Êtes-vous prêt à répondre à leurs demandes ou à les inclure dans le plan du Gouvernement ? Seriez-vous favorable à une baisse temporaire à 5,5 % du taux de TVA dans la restauration, comme en Allemagne ?

Enfin, qu'en est-il du plan Marshall qui a été annoncé au mois d'avril par le commissaire européen Thierry Breton ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Madame la sénatrice Dominique Estrosi Sassone, vous posez beaucoup de questions, qui appellent autant de réponses.

J'ai souhaité, depuis le début de la crise, organiser un point très régulier, chaque mardi, avec les professionnels du tourisme, pour calibrer le mieux possible les dispositifs et qu'ils répondent ainsi à leurs attentes. Cela se fait dans le cadre du comité de filière tourisme, qui s'est réuni ce matin encore.

S'agissant, par exemple, des prêts garantis par l'État, je vais vous donner des chiffres qui sont, me semble-t-il, encourageants. Nous en sommes à plus de 8 milliards d'euros effectivement engagés pour 84 000 entreprises du secteur, consommés en grande partie – aux deux tiers – par l'hôtellerie et la restauration : hôtellerie, 2 milliards d'euros pour 13 000 entreprises ; restauration, 4,5 milliards d'euros pour 62 000 entreprises.

Nous avons également mis en place le PGE « saison », qui permet, pour les activités saisonnières, d'emprunter jusqu'à l'équivalent des trois meilleurs mois de l'année précédente – on va bien au-delà, donc, des 25 % du chiffre d'affaires disponibles dans le cadre du PGE traditionnel.

Par ailleurs, nous avons demandé à la Fédération bancaire française (FBF), et obtenu d'elle, un report des échéances non pas de six mais de douze mois pour le secteur du tourisme.

S'agissant des assureurs, je peux vous dire que nous n'avons pas faibli ; d'ailleurs, s'ils ont annoncé le 14 mai dernier des contributions additionnelles portant à 1 milliard d'euros leur soutien au secteur du tourisme, c'est le fruit d'un certain nombre de démarches de notre part.

Pour autant, les attentes restent fortes – je l'ai dit aux représentants des assurances. Je sais que leurs conseils sont en train de travailler avec ceux des représentants de la profession ; c'est ce que Roland Héguy, président de l'UMIH, a confirmé ce matin même. Les travaux en la matière ne sont pas achevés, d'autant que le Parlement, sur l'initiative de Jean-Noël Barrot, a voté un amendement au PLFR 2 visant à ce qu'une évaluation soit menée à l'automne sur tous les frais qui auront été assumés par les assureurs et, dans le même temps, sur toutes les économies qu'ils auront faites compte tenu d'une certaine baisse du nombre des sinistres, afin de pouvoir justement, le cas échéant, réévaluer leur contribution.

S'agissant des loyers, l'État a renoncé au paiement des loyers et des redevances domaniales sur les biens qu'il possède. Pour le secteur privé, nous avons mis en place, avec Bruno Le Maire, une médiation du crédit. À ce stade, pour le secteur du tourisme, une soixantaine de dossiers seulement sont remontés. Cela signifie-t-il que les choses se règlent de gré à gré ? Peut-être en partie, mais pas totalement. C'est pourquoi nous avons souhaité également – cela a été annoncé il y a une dizaine de jours – que l'aide du fonds de solidarité puisse être versée y compris à ceux qui bénéficient d'un PGE. Le second étage de ce fonds de solidarité pouvant atteindre 10 000 euros, cette aide permet bien souvent, pour un certain nombre d'établissements, d'éponger des charges fixes telles que le loyer.

Je veux rassurer les autocaristes et les grossistes-distributeurs : ils sont inclus – nous le leur avons signalé, avec Jean-Baptiste Djebbari, il y a une quinzaine de jours. Ils sont bel et bien dans ce plan, éligibles aux mesures destinées au secteur du tourisme. On mesure l'importance de ce secteur en faisant la liste des secteurs connexes, d'amont et d'aval : pour ceux qui travaillent dans ces secteurs, cela va de soi, mais la prise de conscience est désormais générale, ce qui est salutaire.

S'agissant de la TVA à 5,5 %, en réalité, en se penchant sur la décision allemande, on comprend que c'est plutôt l'Allemagne qui s'aligne sur la France. Nous sommes à 10 %, ils étaient à 19 % : ils font le trajet dans notre direction. Pour notre part, nous avons fait le choix d'activer un certain nombre d'outils, dont la nationalisation des salaires – – il faut dire les choses : l'activité partielle n'est rien d'autre que cela – et les 18 milliards d'euros qui sont mis sur la table. Ce qui est sûr, c'est que nous allons continuer à soutenir la reprise, qui sera très progressive, et à aider les professionnels, jusqu'à la fin de l'année.

Pour ce qui est du plan Marshall…

M. le président. Il faut conclure, monsieur le secrétaire d'État !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. … – je me permets de répondre de façon exhaustive, monsieur le président (Sourires.) –, les chefs d'État ou de gouvernement se réunissent vendredi et se réuniront à nouveau en juillet. Il ne vous a pas échappé, madame la sénatrice, que la France est le moteur, avec l'Allemagne, de la construction d'un plan ambitieux. Nous sommes à l'unisson, avec Thierry Breton, pour qu'une partie de ce plan, autour de 20 %, idéalement, soit consacrée au secteur du tourisme européen.

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