Question de M. ÉBLÉ Vincent (Seine-et-Marne - SOCR) publiée le 07/05/2020

Question posée en séance publique le 06/05/2020

M. le président. La parole est à M. Vincent Éblé, pour le groupe socialiste et républicain.

M. Vincent Éblé. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre et j'y associe mes collègues du groupe socialiste et républicain.

Nous voici réunis aujourd'hui pour une séance de questions au Gouvernement. Mais les questions ne sont pas l'apanage de la classe politique : ce sont les Français qui s'en posent, ne sachant plus à qui les adresser.

Lundi, monsieur le Premier ministre, vous nous avez présenté le plan de déconfinement, et c'est peu dire que nous sommes restés sur notre faim, avec plus de questions que de réponses : priorité donnée à l'exigence de santé ou à la reprise économique ? sécurité sanitaire des enfants ou libération des parents pour retourner travailler ? masques « priorisés » pour les soignants, mais inutiles pour les citoyens, qui, finalement devront obligatoirement en porter dans les transports ? tests massifs recommandés par l'OMS (Organisation mondiale de la santé), mais encore bien peu usités pour préparer le déconfinement ? distanciation physique quasi impossible dans les transports aériens, urbains scolaires, mais plages et forêts interdites de fréquentation ?

Monsieur le Premier ministre, les questions sont nombreuses. Elles sont d'ailleurs le carburant nécessaire au bon fonctionnement de notre démocratie et du débat parlementaire. Mais, alors, pourquoi certains exigent-ils un impossible unanimisme en qualifiant d'« irresponsables » ceux qui expriment doutes, critiques ou oppositions ?

Vous n'êtes pas sans avoir observé à quel point le sens des responsabilités a prévalu, ici, lors de l'adoption des différents textes qui nous ont été soumis : deux lois d'urgence, deux lois de finances rectificatives.

Nous vous avons accordé beaucoup de moyens pour agir contre cette pandémie désastreuse, mais la démocratie ne doit pas être une victime supplémentaire du Covid-19 !

J'en viens à ma question : acceptez-vous, monsieur le Premier ministre, de tenir compte du rôle du Parlement, majorité et opposition, et d'agir demain pour définir les conditions détaillées du déconfinement sans forcément avoir recours aux ordonnances qui le contournent, celles-ci ayant déjà été largement utilisées quand l'urgence l'exigeait ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)


Réponse du Premier ministre publiée le 07/05/2020

Réponse apportée en séance publique le 06/05/2020

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Éblé, je suis à deux doigts de vous répondre « oui » et de me rasseoir !

Je ne vais pas le faire, parce que vous le prendriez mal… Mais, à la vérité, lorsque vous me demandez si le Gouvernement est disponible pour répondre aux questions et disponible pour entendre ce que lui disent les représentants de la Nation, la réponse est évidemment « oui ». Pour tout vous dire, je me permets de m'étonner que vous puissiez en douter, franchement.

Nous avons eu ici des débats sérieux, dignes, qui n'étaient pas d'ailleurs nécessairement consensuels ; mais, après tout, les débats servent à cela, et vous l'avez rappelé. Mais je ne crois pas que quiconque puisse dire que le Gouvernement aurait refusé de répondre à des questions, ne serait pas resté disponible, n'aurait pas respecté les commissions du Sénat, n'aurait pas eu le sens du débat.

Que vous ne soyez pas d'accord avec toutes les réponses, je peux l'entendre, c'est normal, c'est la démocratie ; mais ne laissons pas croire, monsieur le président Éblé, à nos concitoyens qu'il y aurait, d'un côté, ceux qui portent la voix vivante de la démocratie et, de l'autre, un gouvernement qui ne voudrait pas l'entendre, parce que cela ne correspond pas à la vérité. Et je crois que vous le savez.

Vous m'avez demandé si nous étions disposés à entendre ce que le Parlement a à dire et ce qu'il souhaite faire prévaloir. Nous sommes évidemment prêts à écouter le Parlement dans son ensemble, le Sénat et l'Assemblée nationale, car ce sont les deux chambres qui font la loi. Si nous devons respecter le Sénat, nous devons tout autant respecter l'Assemblée nationale et il ne viendrait à l'idée de personne de penser que tel ne devrait pas être le cas. Nous sommes aussi prêts à nourrir le débat, à essayer d'expliquer les positions retenues par le Gouvernement et à les confronter, le cas échéant, avec les représentants de la Nation au sens le plus large.

Vous avez évoqué beaucoup de sujets. En particulier, vous avez indiqué, au début de votre propos, qu'à la question de savoir si la priorité était la santé ou la reprise vous n'aviez pas eu de réponse.

Monsieur le président Éblé, j'essaie d'expliquer depuis deux semaines – et je conçois que, cet exercice étant tellement difficile, je sois sans doute insuffisamment clair – que le chemin de crête sur lequel nous nous trouvons nous impose de tenir un équilibre entre la sécurité sanitaire et la reprise. Il est toujours difficile de maintenir un équilibre, mais vous savez pertinemment que, si nous donnons la priorité à l'une en oubliant l'autre, nous risquons d'avoir de très mauvaises nouvelles.

M. François Patriat. Exactement !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Vous savez parfaitement la catastrophe sociale qui s'annonce, qui serait pire si nous restions indéfiniment confinés. Comme tout le monde, vous la voyez arriver dans votre département. Nous devons donc reprendre la production, nous devons donc reprendre la vie sociale, nous devons donc reprendre l'école, parce que, sinon, c'est la catastrophe !

Nous savons aussi que, si nous allons trop vite, par enthousiasme, par imprudence, en privilégiant cette fois-ci la reprise sur la sécurité sanitaire, nous risquons, dans ce cas-là, d'avoir de très mauvaises nouvelles sanitaires.

Pourquoi, monsieur le président, présenter les choses comme si nous avions délibérément choisi une priorité par rapport à une autre ? Nous essayons justement – ce qui n'est pas facile – de préserver l'équilibre entre ces deux principes. C'est un chemin de crête, c'est vrai, avec deux à-pics vertigineux. Et je pense que nous gagnerions tous, parce que la Nation est confrontée à une vraie difficulté, à essayer de comprendre et, peut-être même, à expliquer la nécessité de cet équilibre plutôt que de nous accuser d'aller parfois trop d'un côté, parfois trop de l'autre.

On peut évidemment discuter des équilibres auxquels nous essayons de parvenir, mais je crois que nous avons tous intérêt collectivement, que la Nation a intérêt à ce qu'on explique la nécessité de préserver cet équilibre. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Éblé, pour la réplique.

M. Vincent Éblé. Monsieur le Premier ministre, j'entends vos dénégations, mais j'ai bien entendu prononcer le terme « irresponsables », adressé à ceux qui ont exprimé quelques réserves sur le plan de déconfinement.

Par ailleurs, vous ne m'avez pas répondu au sujet du recours aux ordonnances, justifié dans l'urgence, mais qui, désormais, me paraît plus problématique. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)

M. Patrick Kanner. Très bien !

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