Question de Mme GUILLEMOT Annie (Rhône - SOCR) publiée le 28/05/2020

Question posée en séance publique le 27/05/2020

M. le président. La parole est à Mme Annie Guillemot, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)

Mme Annie Guillemot. Ma question s'adressait à M. le ministre chargé de la ville…

Il y avait 497 000 contrats aidés en 2017, mais plus que 130 000 en 2019. La remise en cause drastique et brutale de ces contrats, jugés trop coûteux et peu utiles par certains, a signifié non seulement le retour à la précarité pour beaucoup de jeunes, mais aussi la fragilisation du monde associatif.

Aujourd'hui, plus de 9 millions de personnes, soit 15 % de notre population, vivent sous le seuil de pauvreté. Or cette triple crise, sanitaire, économique et sociale, frappe durement les quartiers où se concentre la pauvreté – pertes d'emplois plus fortes, fractures et inégalités exacerbées –, alors que des besoins vitaux en matière d'alimentation, de logement, d'emploi ou de numérique sont apparus au grand jour.

L'urgence est de répondre aux conséquences de la crise sur les plus fragiles. La réactivation des contrats aidés peut constituer un levier de soutien fort et rapidement mobilisable. Ce sont des milliers de jeunes qui pourraient travailler dans nos communes et associations et trouver une première insertion dans l'emploi, sous le tutorat d'adultes. Au regard de la fracture numérique, qui pénalise lourdement les enfants des milieux modestes, les emplois aidés seraient bien utiles à ceux qui ne savent pas maîtriser un outil devenu indispensable.

Étant donné les besoins existants dans les écoles et les collèges et la nécessité de donner un avenir aux jeunes de ces quartiers, le Gouvernement compte-t-il réactiver les contrats aidés ? (Applaudissements sur des travées du groupe SOCR.)


Réponse du Ministère du travail publiée le 28/05/2020

Réponse apportée en séance publique le 27/05/2020

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Madame la sénatrice, depuis trois ans, nous mettons en œuvre une stratégie claire afin de permettre aux plus vulnérables d'accéder à l'emploi, dans un contexte – jusqu'à il y a peu – de création de nombreux emplois. Il faut évidemment s'adapter à la nouvelle donne, mais sans perdre notre objectif de vue : nul n'est inemployable, et chacun doit pouvoir accéder à l'emploi !

Notre stratégie repose sur la mobilisation de quatre leviers.

Premièrement, la transformation des contrats aidés en parcours emploi-compétences permet un meilleur accès à l'emploi. Un parcours emploi-compétences est un contrat aidé dans une association ou une collectivité locale, mais appuyé sur le triptyque situation de travail-formation-accompagnement social. Cette année, 90 000 parcours emploi-compétences sont prévus, les zones les plus fragiles étant évidemment prioritaires.

Deuxièmement, nous consacrons des sommes considérables au plan d'investissement dans les compétences. Cette année, 150 000 jeunes et 150 000 demandeurs d'emploi de longue durée pourront bénéficier du dispositif. Parmi eux, 16 % sont issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville – ce qui est bien supérieur au poids de ces quartiers dans la population française –, autant des outre-mer, et 8 % sont en situation de handicap. Nous veillons, au côté des régions, avec lesquelles nous avons négocié et contractualisé la moitié des contrats, à faire en sorte que les personnes concernées accèdent à l'emploi et que les plus vulnérables soient bien intégrés.

Troisièmement, nous mettons l'accent sur l'insertion par l'activité économique (IAE). Vous avez inscrit 1 milliard d'euros de crédits dans le projet de loi de finances pour 2020 –on n'avait jamais investi autant dans l'IAE – pour multiplier les structures adaptées, comme les chantiers ou entreprises d'insertion. Vous aurez d'ailleurs demain l'occasion de conforter cette démarche en permettant, au travers de la loi relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, que la durée des contrats d'insertion puisse être portée de vingt-quatre à trente-six mois pour les bénéficiaires actuels. C'est très important, car la crise va rendre leur accès à l'emploi plus difficile.

Quatrièmement, les emplois francs visent à lutter contre les discriminations raciales ou sociales dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, où elles sont très fréquentes. Depuis la généralisation du dispositif, le 1er janvier de cette année, on compte plus de 26 000 bénéficiaires, dont 80 % sont embauchés en CDI.

Nous maintenons le cap et poursuivons notre action : nul n'est inemployable !

M. le président. La parole est à Mme Annie Guillemot, pour la réplique.

Mme Annie Guillemot. Madame la ministre, je vous remercie de ces précisions, mais ma question, adressée au ministre chargé de la ville, portait sur la situation d'ensemble de ces quartiers. Vous me répondez en évoquant des procédures qui existent déjà, mais ce que je demande, c'est que des jeunes des quartiers puissent bénéficier d'emplois aidés pour s'occuper d'élèves décrocheurs : en ce moment, dans les quartiers défavorisés, un élève sur dix se rend à l'école ! Des étudiants qui ne pourront travailler cet été en septembre ni recommencer une année universitaire en septembre pourraient aider les élèves décrocheurs dans nos communes ; ce serait faire coup double. Il y a urgence !

Je me demande s'il y a une politique de la ville aujourd'hui. Les ministres nous donnent tous des réponses liées à leur champ d'action. Or il faut une vision globale. C'est l'ancienne maire de Bron, n'ayant jamais cumulé les mandats, même quand la loi le permettait, qui vous le dit : aujourd'hui, la pauvreté et la désespérance s'étendent dans les quartiers. Les maires des villes de banlieue ont lancé un appel ; il faut y répondre ! (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)

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