Question de Mme DESEYNE Chantal (Eure-et-Loir - Les Républicains) publiée le 07/05/2020

Mme Chantal Deseyne appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la situation des producteurs de lait en raison de l'épidémie de Covid-19. Alors que l'ensemble de la filière permettant l'approvisionnement, la collecte, et la transformation des produits laitiers est impactée par les mesures nécessaires à l'enrayement de l'épidémie, la production laitière entre en pleine période de pic de lactation, entraînant de fait une production plus importante. Le marché des produits laitiers et du lait de vache est déséquilibré, menaçant d'effondrement les prix du lait. Le programme de responsabilisation face au marché (PRM) est un outil qui permet de stabiliser la production et le prix payé aux producteurs, sans coûter un centime. Cet instrument de l'UE, soutenu par les organisations de producteurs de lait de toute l'Europe, est capable d'empêcher un effondrement du secteur. La mise en œuvre du PRM permettrait une réduction volontaire de la production : les producteurs qui produiraient moins dans la situation actuelle que lors de la même période de l'année dernière recevraient un bonus par litre de lait non produit. Dans le même temps, les autres producteurs doivent être tenus de ne pas augmenter leur production sur la même période. Cela peut permettre d'éviter la chute des prix, qui devient de plus en plus imminente, et de protéger les agriculteurs de ce secteur d'une crise grave. Face à cette situation désastreuse elle souhaiterait savoir si le Gouvernement entend activer en urgence le programme de responsabilisation face au marché (PRM), outil-support de la sécurisation et de la préservation de notre souveraineté alimentaire destiné à être appliqué dans le cas de crises telles que celle que nous traversons.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 11/06/2020

La crise sanitaire actuelle a des impacts importants pour de nombreuses filières agricoles et agroalimentaires. C'est notamment le cas de la filière laitière, et en particulier pour les petites entreprises fromagères, souvent dans des filières sous indication géographique, et les producteurs laitiers fermiers, dont l'activité est si importante pour le patrimoine et l'économie des territoires français. Ces filières font face à des difficultés liées à des pertes de débouchés, compte tenu de la fermeture pendant presque deux mois d'une majorité du secteur de la restauration hors domicile, de celle d'un nombre important de marchés, et de l'orientation des achats alimentaires vers des produits de première nécessité et moins d'achats festifs par les consommateurs. En outre, la période de forte production laitière (du fait du pic de collecte annuel) aggrave la problématique. Le déconfinement amorcé le 11 mai doit permettre à ces filières de retrouver progressivement une partie de ces débouchés. Au niveau local, des réorganisations de collecte du lait et de leurs débouchés ont été mises en place pour optimiser les capacités de valorisation du lait, avec notamment la mobilisation de certaines grandes entreprises, en particulier coopératives. Il convient de saluer la solidarité exemplaire qui s'est exercée dans la filière laitière et a permis d'atténuer les difficultés rencontrées par les plus petites entreprises pour lesquelles les alternatives sont réduites. De plus, des efforts ont été entrepris par les enseignes de grande distribution pour maintenir ouverts les rayons à la coupe et préserver la diversité des produits proposés aux consommateurs. Les produits français ont été particulièrement mis en avant. Les dispositions de la loi EGALIM ont contribué à améliorer les relations commerciales et le niveau du prix du lait payé aux producteurs, et le ministère chargé de l'agriculture veillera à ce qu'il n'y ait pas de retours en arrière sur les progrès obtenus. La filière laitière maille l'ensemble du territoire, avec une production souvent issue de très petites entreprises (TPE) et de petites et moyennes entreprises (PME), dont certaines qui apparaissent durement touchées par la crise. C'est bien pour préserver ce type d'entreprise que le Gouvernement a annoncé des mesures immédiates de soutien, dont peuvent bénéficier les exploitations agricoles et les entreprises de transformation, notamment les TPE et PME. Le détail de ces mesures est disponible sur le site du ministère de l'économie et des finances : www.economie.gouv.fr/coronavirus-soutien-entreprises. Près de 40 % du lait collecté en France est destiné aux exportations. Un plan de soutien aux entreprises françaises exportatrices a été annoncé le 31 mars. Ce plan d'urgence permet de soutenir les entreprises face aux conséquences immédiates de la crise, notamment en sécurisant leur trésorerie, et d'assurer leur rebond à l'international après la crise. Il s'adresse à toutes les entreprises exportatrices dont les entreprises laitières, qui sont des moteurs essentiels de l'industrie dans les territoires. Tous les soutiens aux entreprises, petites ou grandes, exportatrices ou aux débouchés locaux, sont essentiels pour assurer la pérennité de leur activité et soutenir les éleveurs producteurs de lait. Le ministre chargé de l'agriculture a en outre porté au niveau européen la nécessité d'activer des mesures de gestion des marchés, et a mobilisé l'ensemble des partenaires européens pour porter conjointement cette demande. Concernant la filière laitière et fromagère, la France demandait en particulier d'activer une aide financière au stockage privé. La France jugeait également pertinent de déclencher l'article 222 du règlement « OCM » [règlement (UE) n° 1308/2013], qui permet aux interprofessions et aux organisations de producteurs de mener des actions concertées en vue de contribuer à la stabilisation des marchés. Pour le secteur laitier, la Commission européenne a entendu les demandes portées par la France. En premier lieu, la Commission européenne a activé pour 6 mois, de manière rétroactive à compter du 1er avril, l'article 222 pour le lait afin de permettre la planification de la production. Cette activation permet à l'interprofession laitière nationale de mettre en place un dispositif de réduction volontaire de la production laitière qui s'avère très proche du dispositif déclenché en 2016 au niveau européen ainsi que de la mesure figurant dans le programme de responsabilisation face au marché (PRM). La Commission a également activé, conformément à la demande de la France, des mesures d'aides au stockage privé pour la poudre de lait écrémé, le beurre et l'ensemble des fromages, sous indication géographique ou non. Ces mesures, adoptées au début du mois de mai, sont pleinement mises en œuvre en France depuis le 12 mai, sous la responsabilité de FranceAgriMer. Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation porte un intérêt particulier aux propositions formulées dans le cadre du PRM. Ce programme prévoit notamment, selon la situation des marchés, une réduction volontaire ou obligatoire de la production laitière et un prélèvement sur les producteurs de lait qui dépassent leur référence. Lors de la réforme de la politique agricole commune (PAC) de 2013, des discussions avaient eu lieu sur l'introduction d'un encadrement européen de la production laitière en période de crise, mais aucun consensus politique ne s'était dégagé au conseil agriculture. C'est pourquoi dans le cadre de la réforme en cours de la prochaine PAC, la France, convaincue de la nécessité de disposer d'outils européens de gestion des marchés pour faire face aux aléas des marchés agricoles, porte des demandes d'évolution des outils d'intervention et la mise en place de seuils d'alerte pour une meilleure réactivité et une meilleure efficience de ces outils. Elle porte également l'ajout, dans la réglementation européenne, d'une mesure de réduction volontaire de la production en cas de difficultés sur les marchés, à l'instar de la mesure européenne mise en place en 2016 dans le cadre de la crise laitière. Ces demandes sont en cohérence avec l'esprit du PRM. L'ensemble du Gouvernement, dont le ministère de l'agriculture, reste pleinement mobilisé pour suivre l'évolution de la situation pour l'ensemble des filières agricoles et apporter les solutions appropriées le plus rapidement possible. La propagation mondiale du covid-19 place le monde entier dans une situation inédite avec un double défi, sanitaire et économique auquel il convient de faire face collectivement.

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