Question de M. GAY Fabien (Seine-Saint-Denis - CRCE) publiée le 07/05/2020

M. Fabien Gay attire l'attention de Mme la ministre des outre-mer sur l'intensification de l'orpaillage illégal en Guyane et l'installation des « garimpeiros » sur le fleuve Kourou.
Alors que le fleuve Kourou, vitrine touristique de la Guyane rassemblant de nombreux campements éco-touristiques, était le dernier fleuve épargné par le phénomène de l'orpaillage illégal, la situation s'est inversée depuis un peu plus d'un an.
Ainsi, les « garimpeiros » se sont installés sur deux sites. La crique Nelson, à proximité d'un ancien site d'orpaillage légal, sur le Bas Kourou, et la crique Nationale, sur le Haut-Kourou.
Les eaux du fleuves Kourou sont, depuis lors, extrêmement polluées du fait de cette activité d'orpaillage illégal. Or, le fleuve Kourou comporte deux stations de captage d'eau potable, qui alimentent plus de 100 000 Guyanais du littoral. Les conséquences en termes à la fois sanitaires, mais également touristiques et environnementaux, sont donc catastrophiques.
Les habitants et les opérateurs touristiques ne cessent d'alerter sur cette situation, signalant les coordonnées GPS des campements, les mouvements, et assistent aux va-et-vient constants, de jour comme de nuit, des pirogues chargées de personnels, de matériels ou de carburants à destination des sites d'orpaillage. Les personnels des campements vivent à présent dans la peur de ces « garimpeiros » armés, et ne peuvent que témoigner. Cette situation se déroule également à quelques dizaines de kilomètres du port spatial.
Malheureusement, et malgré l'engagement des soldats de la mission Harpie ainsi que de la gendarmerie, la situation ne cesse de se dégrader. La légion étrangère, lorsqu'elle est présente sur le fleuve, ne peut qu'arrêter les pirogues, constater le chargement et prendre des photos, mais ne dispose d'aucune autorité pour effectuer des saisies. Lorsque les gendarmes se présentent, les orpailleurs, qui postent des gardes équipés de téléphones satellites, cessent tout mouvement le temps de leur présence afin d'éviter les saisies.
Cette situation ne peut perdurer, pour la sécurité des habitants, ainsi que leur sécurité sanitaire, mais également pour la préservation de la biodiversité et de l'environnement.
Il demande donc que davantage de moyens soient alloués à la lutte contre l'orpaillage illégal, et de donner à l'armée la capacité d'agir plus efficacement contre ce fléau qu'est l'orpaillage illégal, qui menace à la fois l'environnement et la sécurité des Guyanais.

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Transmise au Ministère des outre-mer


Réponse du Ministère des outre-mer publiée le 10/09/2020

Le bassin du fleuve Kourou, vaste de 2000 km2 (soit 20 fois la surface de Paris), essentiellement couvert de forêt, était épargné jusqu'à récemment par l'orpaillage illégal. Le phénomène émerge à partir de 2016 puis s'implante durablement à partir de 2018 à la faveur de l'augmentation du cours de l'or. Aujourd'hui, deux zones d'orpaillage illégal sont identifiées : sur l'amont des Criques Nationale et Nelson, respectivement à 60 km au sud-est et 40 km au sud-ouest de la ville de Kourou. Ce bassin est une zone d'intérêt prioritaire au titre des enjeux économiques liés à l'activité écotouristique et de plaisance mais aussi au regard des enjeux sanitaires liés aux points de captage d'eau potable pour la population du littoral. La turbidité du fleuve est surveillée et les observations indiquent que les matières en suspension sont diluées quand elles atteignent la zone de captage. La qualité des eaux est également contrôlée et il ressort des analyses que les activités d'orpaillage illégal ne nuisent pas à la potabilité de l'eau puisée dans le Kourou et que la population n'est pas mise en danger lorsqu'elle consomme cette eau. Les forces engagées dans la lutte contre l'orpaillage illégal surveillent attentivement la zone et agissent régulièrement pour faire cesser cette activité. En termes de surveillance, l'Office national des Forêts (ONF) assure un premier niveau de détection à partir d'images satellitaires afin de déceler l'émergence de nouvelles zones d'activités illégales. Les militaires des Forces armées et de la Gendarmerie, soutenus par la Gendarmerie territoriale, l'Office français de la biodiversité (OFB) et les services de l'État, maintiennent une surveillance constante de l'activité illégale, soit à l'occasion de survols aériens, soit à l'occasion de patrouilles terrestres et fluviales. Ces observations sont complétées par le recueil de renseignement auprès des opérateurs touristiques locaux (représentés par la Compagnie des Guides de Guyane), des chasseurs fréquentant la zone et des agents de renseignement de la Section de recherche de la Gendarmerie. Compte tenu de la proximité de la zone avec les bassins de vie du littoral, la surveillance est élevée et la remontée d'information régulière. Plus qu'ailleurs, les forces Harpie sont en mesure de préciser les zones d'implantation, le niveau d'activité et les itinéraires d'approvisionnement de l'orpaillage illégal du bassin du Kourou. En termes d'intervention, les forces Harpie agissent de façon multiple : contre les filières logistiques d'approvisionnement d'une part, et contre les sites illégaux eux-mêmes d'autre part. L'intervention contre le ravitaillement des sites illégaux du bassin du Kourou s'articule en opérations de police administrative et judiciaire, visant respectivement l'entrave de la logistique d'approvisionnement et la poursuite pénale des commanditaires, organisateurs des trafics. Plus précisément, en ce qui concerne le Kourou, l'entrave est conduite contre les logisticiens qui empruntent les nombreux itinéraires d'approvisionnement. Pendant le confinement, par exemple, une patrouille mixte composée de légionnaires et de gendarmes opérait directement sur l'itinéraire principal que constitue le fleuve Kourou, puis elle s'est déportée sur les nombreux axes de contournement empruntant le Lac de Petit-Saut, la piste Plomb dans l'ouest, ou la piste Nancibo et la rivière Comté dans l'est. Sur son ressort, le Procureur de la République diligente les enquêtes judiciaires contre les filières d'approvisionnement et de recel. Les forces Harpie interviennent aussi contre les sites illégaux eux-mêmes par des opérations de destruction des chantiers et d'extraction des garimpeiros qui y travaillent illégalement. Malgré l'intensité de l'effort fourni par les partenaires de cette lutte, nous n'avons pas encore obtenu l'éradication totale attendue par les usagers du Kourou. La robustesse du modèle économique de l'orpaillage illégal et la superficie de la zone évoquée constituent un défi majeur pour les forces Harpie et expliquent la résilience des garimpeiros : malgré la pression permanente et les interventions répétées, l'activité illégale dans ces deux zones attractives est persistante. Ces actions sont donc régulièrement renouvelées.

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