Question de M. GAY Fabien (Seine-Saint-Denis - CRCE) publiée le 07/05/2020

M. Fabien Gay attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur le versement de dividendes en pleine crise sanitaire et économique, par des entreprises bénéficiant d'aides de l'État.
Dans le contexte de la crise mondiale, à la fois sanitaire et économique, liée à la pandémie de Covid-19, la France a mis en place des dispositifs d'aides à l'économie et aux entreprises, notamment le dispositif du chômage partiel, dans lequel l'État prend en charge 84 % du salaire horaire net, ainsi que les prêts garantis par l'État (PGE) pour les entreprises.
Or, certaines entreprises ou certains groupes, alors même qu'ils bénéficient de ces dispositifs, projettent de verser des dividendes à leurs actionnaires. Outre le caractère discutable, en termes éthiques, de tels versements en pleine situation de crise, alors que de plus en plus de nos concitoyens se trouvent dans des situations de grande précarité, se pose également la question de l'utilisation qui est faite des fonds publics.
Malheureusement, la liste est longue de ces groupes peu exemplaires : Disney, dont les 17 000 salariés en France sont au chômage partiel, et qui semble décidé à maintenir ses 1,5 milliard d'euros de dividendes, tout comme, d'ailleurs, les bonus de ses dirigeants ; Vinci, avec des milliers de salariés en chômage partiel et 1,8 milliard d'euros de dividendes, soit une hausse de 14 % ; le groupe Vivendi, qui prévoit le versement de 695 millions d'euros de dividendes alors que ses filiales Canal + et Vivendi Village ont recours au chômage partiel, etc.
Cela, sans compter que certains de ces groupes semblent disposer de filiales dans des paradis fiscaux, à l'instar d'Engie, qui compte 10 000 salariés en chômage partiel, PSA, Vinci, ou encore Fnac Darty, qui vient d'obtenir un prêt de 500 millions d'euros garantis par l'État et qui aurait des filiales à Malte.
Dans ces cas-là, l'utilisation de ces fonds publics pour la rémunération des salariés permet manifestement de dégager de l'argent pour les dividendes. Or, l'argent public ne peut en aucun cas permettre d'alimenter les dividendes des actionnaires.
Il demande donc s'il ne serait pas opportun de légiférer sur cette question, afin que les aides de l'État en cette période de crise soient véritablement conditionnées au non-versement de dividendes, et que des contrôles soient mis en place pour s'en assurer.

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Transmise au Ministère de l'économie, des finances et de la relance


Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de la relance publiée le 24/12/2020

De nombreuses sociétés ont annulé ou réduit leur dividende et leur programme de rachat d'actions en réaction à la crise sanitaire et économique, et ce, qu'elles bénéficient ou non, des dispositifs exceptionnels décidés par le Gouvernement en réponse à cette crise. A titre d'illustration, parmi les plus grandes sociétés cotées, 31 sociétés appartenant à l'indice CAC40 (81 sociétés appartenant à l'indice SBF120) avaient annulé ou réduit leur dividende au 3 juin 2020, soit une réduction de 44 % des sommes dont la distribution avait été annoncée avant le début de la crise sanitaire (46 % pour le SBF120). Le même mouvement a pu être observé dans les valeurs moyennes et les sociétés non cotées. De nombreuses entreprises ont donc fait – et continuent de faire – preuve d'exemplarité dans la crise actuelle et ont pris, à leur initiative et sous leur responsabilité, les décisions adaptées à leur situation. Néanmoins, pour prévenir tout abus – fût-ce le fait d'un nombre très limité d'entreprises –, le Gouvernement a pris des mesures pour s'assurer que les grandes entreprises qui bénéficient des mesures massives de soutien en trésorerie mises en place (prêt garanti par l'État, report des échéances fiscales et sociales) ne versent pas de dividende et ne procèdent pas à des rachats d'actions. En effet, les grandes entreprises qui bénéficient de ces mesures doivent s'engager à ne pas verser de dividende et à ne pas procéder à des rachats d'actions en 2020, à peine d'être privées du bénéfice de ces mesures. Ces entreprises doivent en outre ne pas avoir leur siège fiscal ou de filiale dans un État ou territoire non coopératif en matière fiscale. Ces engagements concernent les entités et filiales françaises – dont les mesures ont pour objet de préserver la trésorerie – des groupes concernés. En outre, les banques et les compagnies d'assurance doivent naturellement se conformer aux recommandations des régulateurs européens et nationaux et s'abstenir, à ce stade, de tout versement de dividende ainsi que de tout rachat d'actions. En dehors de ces cas particuliers, une mesure générale d'interdiction ou de limitation des dividendes ne paraît pas adaptée car elle négligerait la grande diversité des situations. En particulier, elle risquerait d'être défavorable aux salariés qui détiennent des titres de la société qui les emploie, aux chefs d'entreprise de PME et d'ETI qui se rémunèrent par ce biais, ainsi qu'à l'ensemble des épargnants qui détiennent, directement ou indirectement, des titres de sociétés. Elle risquerait également de remettre en cause la très grande efficacité du dispositif massif d'activité partielle, dont l'objectif premier est de permettre la sauvegarde de l'emploi et des compétences. Il incombe néanmoins à chaque entreprise de prendre, sous sa responsabilité et dans un esprit d'exemplarité et de modération, les décisions qui s'imposent au regard de sa situation et de ses besoins, en particulier en matière de financement de son activité et de son développement à court, moyen et long termes. Ces décisions doivent être prises, comme la loi en fait désormais l'obligation aux sociétés, dans l'intérêt social, c'est-à-dire dans l'intérêt de long terme de l'ensemble des parties prenantes de l'entreprise – actionnaires et salariés, mais également fournisseurs, clients, etc. –, et en prenant en considération les enjeux sociaux de ces décisions, particulièrement importants dans le contexte actuel.

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