Question de M. BONNECARRÈRE Philippe (Tarn - UC) publiée le 28/05/2020

M. Philippe Bonnecarrère attire l'attention de M. le ministre de la culture sur un risque manifeste de réduction de la liberté d'expression, d'atteinte à la diversité des hebdomadaires de province par l'effet du décret n° 2019-1216 du 21 novembre 2019 relatif aux annonces judiciaires et légales. Elles sont essentielles à l'équilibre de la presse hebdomadaire de province, de proximité.

Le décret du 17 décembre 1955, pour prendre l'exemple des premier et dernier départements par ordre alphabétique, ainsi que du Tarn, habilitait ainsi : Ain :un journal d'information général était admis au service des annonces judiciaires et légales pour le département à partir de 2 000 exemplaires diffusés, de 1 400 pour l'arrondissement de Bourg-en-Bresse, de 700 pour celui de Belley, de 200 pour le pays de Gex et de 500 pour Nantua ; Tarn : diffusion minimale à 2 000 exemplaires pour un agrément départemental, à 1 200 exemplaires pour chacun des arrondissements d'Albi et de Castres ; Yonne : agrément départemental : 1 800 exemplaires pour 1 200 sur l'arrondissement d'Auxerre, 600 à Avallon et 800 pour Sens.

Le décret n° 2019-1216 du 21 novembre 2019 fixe les minima de diffusion pour la presse hebdomadaire de province, sur une base départementale exclusivement, soit 2 000 pour l'Ain et le Tarn, et 1 800 pour l'Yonne.

Les minima de diffusion permettant l'agrément sur la base d'un arrondissement ont été supprimés. Un hebdomadaire de Belley peut être agréé pour une diffusion de 2 000 au lieu de 700, de Castres à 2 000 au lieu de 1 200.

Cette modification par décret vaut disparition des plus petits hebdomadaires de province dont la diffusion est certes limitée à un arrondissement ou à quelques cantons mais fait partie d'un service de proximité, de l'animation de la vie politique locale, du sens ou de l'identité pour la population locale.

C'est le cas d'un journal historique du Tarn, « la Montagne Noire », dont la diffusion n'est pas exceptionnelle si l'on fait référence à des chiffres départementaux, mais qui est très suivi dans le pays mazamétain.

Il lui demande comment il peut-il justifier l'augmentation du tirage requis pour l'habilitation avec comme effet de fragiliser les publications les plus modestes, dans des territoires peut-être aussi modestes mais tout aussi méritants que d'autres.

Ceci n'apparaît dans aucune étude d'impact consacrée à la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises dite PACTE dont l'article 3 sera probablement cité dans la réponse. Il n'est jamais trop tard pour mettre fin à une erreur.

Il lui est demandé de revoir le niveau de diffusion permettant l'accès aux annonces judiciaires et légales et l'exercice de la liberté d'expression sur nos territoires.

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Transmise au Ministère de la culture


Réponse du Ministère de la culture publiée le 18/03/2021

L'article 3 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (dite « loi PACTE ») est venu réformer en profondeur le régime juridique des annonces judiciaires et légales (AJL). La suppression des habilitations par arrondissement fait partie des axes de modernisation des AJL introduits par cette réforme et a fait l'objet d'une présentation au sein de l'étude d'impact du projet de « loi PACTE ». Les AJL répondent à un enjeu d'information et de transparence pour les citoyens sur la vie des entreprises et, plus largement, sur l'activité économique des acteurs territoriaux. La suppression des habilitations par arrondissement, tout comme l'augmentation du niveau d'exigence quant à la surface consacrée aux contenus d'information pour les titres sollicitant l'habilitation à publier des AJL, marquent la volonté du Gouvernement de favoriser la visibilité de ces annonces auprès de l'ensemble des citoyens qui s'intéressent à la vie locale. En outre, la suppression des habilitations par arrondissement permet de faciliter l'identification, par l'annonceur, des supports (publications de presse ou services de presse en ligne) dans lesquels il peut faire publier son annonce. Le Gouvernement a toutefois prévu une période de transition permettant aux éditeurs de presse habilités dans un ou plusieurs arrondissements sans l'être dans l'ensemble du département de s'adapter à cette réforme. Ainsi, l'article 4 du décret no 2019-1216 du 21 novembre 2019 relatif aux annonces judiciaires et légales, pris en application de l'article 3 de la « loi PACTE », prévoyait initialement que « les publications de presse habilitées à recevoir en 2019 des annonces légales dans un ou plusieurs arrondissements sans toutefois être habilitées dans le département ou les départements concernés, sont réputées atteindre, pour l'année 2020, le seuil de diffusion de ce même département ». Afin de tenir compte de l'interruption de la parution ou de la diminution de la diffusion de certaines publications de presse au cours de la période d'état d'urgence sanitaire, le décret n° 2020-1178 du 25 septembre 2020 portant modification du décret n° 2019-1216 du 21 novembre 2019 relatif aux AJL est venu prolonger cette disposition transitoire pour l'année 2021. Ainsi, un éditeur d'une publication de presse habilitée en 2019 dans un arrondissement a pu voir sa publication habilitée en 2020 et en 2021 dans l'ensemble du département dont fait partie cet arrondissement. Cette mesure transitoire ne pourra toutefois pas être prolongée indéfiniment, au risque de remettre en cause l'intention du législateur exprimée lors du vote de la « loi PACTE ». En lien avec le ministère de la culture, un important travail de sensibilisation et d'accompagnement est réalisé par l'Association de la presse pour la transparence économique, qui regroupe les organisations professionnelles des éditeurs habilités à publier des AJL et qui édite la plateforme Actulégales centralisant l'ensemble des annonces légales concernant la vie des entreprises, à destination des éditeurs de presse concernés. Ces derniers pourront notamment étudier la possibilité, comme cela s'est fait par le passé, de fusionner avec d'autres titres locaux afin d'élargir leur diffusion. La réforme introduite par la « loi PACTE » permet ainsi de moderniser et simplifier les AJL et de s'assurer que ces dernières conservent toute leur pertinence en matière de transparence de la vie économique dans les territoires.

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