Question de M. BAZIN Arnaud (Val-d'Oise - Les Républicains) publiée le 04/06/2020

Question posée en séance publique le 03/06/2020

M. le président. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour le groupe pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Arnaud Bazin. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.

Monsieur le ministre, il se développe en France chez certains de nos concitoyens un sentiment d'impunité, qui n'est d'ailleurs pas qu'un sentiment. Il se développe une réelle impunité, la violence et la menace ayant depuis longtemps pris la place de la loi et de forces de l'ordre de plus en plus spectatrices de situations qui leur échappent. L'autorité de l'État, à leurs yeux, n'est plus qu'un mot.

À force de laisser faire, d'excuser et de ne rien faire, l'État a perdu le contrôle. Nous récoltons les fruits amers de nos renoncements.

L'une de nos collègues, Jacqueline Eustache-Brinio, sénatrice du Val-d'Oise, est aujourd'hui victime de cette violence et de ces intimidations, qui touchent tous ceux qui représentent l'État ou les pouvoirs publics. Ceux qui n'acceptent pas une décision prise par la mairie de sa ville ont choisi de s'en prendre à notre collègue.

Vendredi dernier, elle a été copieusement insultée.

Lundi, un groupe d'une quarantaine de personnes a fait le siège de son domicile, l'empêchant de sortir de chez elle, allant jusqu'à la menacer de s'en prendre à sa mère âgée, qui habite un quartier d'HLM de la ville. Avant que ce groupe, qui déambulait dans la ville, n'arrive devant son domicile, la police municipale avait pourtant prévenu la police nationale de ses intentions.

Hier, ce même groupe a recommencé sa bruyante déambulation, bloquant la circulation, s'installant sur plusieurs giratoires, pour finir par revenir devant le domicile de notre collègue et y proférer des menaces.

Aujourd'hui notre collègue ne peut plus circuler librement dans sa ville.

Hier, une manifestation interdite en plein état d'urgence sanitaire, qui a réuni 20 000 personnes devant le palais de justice de Paris, a dégénéré. La justice y était accusée de couvrir la gendarmerie dans un dossier que, hélas, je ne connais trop que bien sur le plan local.

Quelle inversion des valeurs ! Ce sont désormais les voyous qui tiennent la dragée haute aux représentants de l'État, aux forces de l'ordre. L'impunité leur donne toute leur force. Ces voyous savent qu'ils ne risquent rien : la politique de votre gouvernement est de vider les prisons.

Monsieur le ministre, où est l'État ? Qu'est devenue l'autorité de l'État ? (Vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)


Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 04/06/2020

Réponse apportée en séance publique le 03/06/2020

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, je ne partage pas votre vision.

Certes, les faits que vous évoquez, notamment en ce qui concerne votre collègue sénatrice, sont totalement insupportables, inacceptables ! J'ai d'ailleurs demandé au préfet de prendre langue avec elle, afin que tous les moyens soient évidemment mis en place pour garantir sa liberté d'expression, sa liberté de dire et de combattre, comme elle le souhaite, comme elle le veut, non pas seulement parce qu'elle est sénatrice – ce serait déjà une excellente raison –, mais tout simplement parce que, dans ce pays, nous devons garantir la liberté d'expression de chacun.

Néanmoins, je ne peux pas vous laisser dire que les voyous tiennent aujourd'hui la dragée haute à notre police où à notre gendarmerie. Chaque jour, chaque nuit, chaque fois que la police est appelée, elle vient. Chaque fois, elle intervient.

On a beaucoup évoqué ces derniers jours, comme hélas depuis de longues années, la question des violences urbaines. Comme vous, je les dénonce, mais je fais en sorte que la police soit renforcée.

J'évoquais notre décision de procéder à 10 000 recrutements, qui sont nécessaires pour que nous soyons présents partout, y compris dans les quartiers. Et nous sommes présents partout, y compris dans les quartiers !

N'analysons pas les événements médiatiques comme une ligne ou une tendance en matière de violence urbaine. Par rapport à l'année dernière, nous nous situons sur une constante, y compris d'ailleurs pendant la période du confinement, excepté en Île-de-France, où nous avons connu une augmentation significative des incidents – cela n'a pas été le cas sur l'ensemble du territoire national.

Force est de constater que, chaque fois, la police et la gendarmerie, malgré le risque de guet-apens – quelque 120 guets-apens ont été identifiés pendant la période du confinement –, sont intervenues.

Je ne voudrais pas non plus laisser penser qu'il n'y a eu aucune interpellation. Au contraire, plus de 300 individus ont été interpellés pendant la seule période du confinement, dans le cadre de ces violences urbaines. Des condamnations à la prison ferme ont déjà été prononcées, avec dépôt immédiat et écrou immédiat ; voilà la réalité !

Il n'empêche que c'est un combat que nous devons mener, pas seulement, monsieur le sénateur, par l'interpellation, mais aussi par la prévention et par la présence policière. Je ne souhaite pas opposer la nécessité d'une police de sécurité du quotidien, qui s'appuie sur le travail des élus pour porter une ambition pour les quartiers les plus difficiles de notre pays, et la légitime répression. Les deux doivent aller de pair.

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