Question de Mme de LA PROVÔTÉ Sonia (Calvados - UC) publiée le 04/06/2020

Question posée en séance publique le 03/06/2020

M. le président. La parole est à Mme Sonia de la Provôté, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Sonia de la Provôté. Ma question s'adresse à M. le ministre des solidarités et de la santé, et j'y associe ma collègue Nadia Sollogoub.

La tempête du Covid-19 à peine passée, hôpitaux et cliniques doivent désormais reprendre leur activité, car nombreux sont les malades qui ont dû attendre. Dans ce contexte est paru, le 23 avril dernier, un décret visant à réquisitionner cinq produits d'anesthésie en pénurie.

Depuis lors, la situation sur le terrain est illisible. Les pharmacies hospitalières ne peuvent plus commander ces produits, puisque l'État en détient désormais le monopole d'achat et de livraison, la gestion en local se faisant via les ARS. Le but était de rendre prioritaires les établissements les plus touchés par l'épidémie.

Les faibles taux d'approvisionnement imposés ont créé de très fortes tensions dans les territoires. Ces dernières semaines, nombreux ont été les établissements de soins insuffisamment approvisionnés. Beaucoup d'interventions ont dû être décalées. Certains hôpitaux sont rationnés, d'autres sont livrés, mais sans que l'on sache comment est faite la répartition…

Des alternatives dégradées de prise en charge sont mises en place ; c'est un réel recul, avec des risques pour les patients. Une nouvelle crise sanitaire se profile.

La situation est urgente dans certains départements. Les pharmaciens hospitaliers, en lien direct avec les besoins, sont dans un carcan, et celui-ci ne permet ni la réactivité ni la souplesse qui sont nécessaires, pour ne pas dire vitales.

Faute de transparence et de dialogue sur la gestion, les disparités se creusent, l'équité face aux soins est mise à mal. Même la perspective d'une éventuelle seconde vague ne saurait justifier cette situation.

Monsieur le ministre, le stock national est-il reconstitué, comme cela semblerait logique ? Quelles sont les clés de répartition actuelles qui créent des disparités délétères ?

Les besoins sur le terrain pour les patients autres que ceux atteints du Covid sont réels. Quand pensez-vous mettre un terme au contingentement actuel et redonner la main aux acteurs de terrain dans les établissements de santé ?


Réponse du Ministère des solidarités et de la santé publiée le 04/06/2020

Réponse apportée en séance publique le 03/06/2020

M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice Sonia de la Provôté, je comprends votre question, car, sur l'ensemble du territoire, de nombreux médecins font part de leur émoi et de leurs questionnements.

De quoi parlons-nous ? Le Premier ministre et moi-même l'avons déjà dit à plusieurs reprises au cours des dernières semaines, la consommation de certains médicaments anesthésiques a augmenté de 2 000 %. Elle demeure très élevée dans certaines régions du monde, notamment le Brésil et les États-Unis, où l'épidémie fait rage. Les consommations de médicaments de réanimation sont priorisées par les grands laboratoires internationaux pour sauver des vies, ce que l'on peut comprendre.

Nous mettons tout en œuvre, semaine après semaine et jour après jour, pour reconstituer un stock national qui nous permette de voir loin, dans l'hypothèse d'une augmentation de l'épidémie, et de faire bénéficier les patients d'opérations chirurgicales réglées et programmées, comme c'est habituellement le cas dans notre pays.

Un médicament pose problème, le propofol, que l'on ne peut pas fabriquer du jour au lendemain, car ses matières premières sont très rares à l'échelle mondiale. Tous les pays font face à cette pénurie, qui complexifie énormément la situation. Je remercie d'ailleurs de leur patience les chirurgiens, qui sont contraints de reporter une partie de leur reprise d'activité.

Je sais qu'il existe des disparités territoriales. La réquisition dont vous parlez correspond plutôt à une gestion nationale du stock et des commandes. Celle-ci vise, premièrement, à sécuriser les commandes à l'international passées auprès de très gros laboratoires qui font face à une demande explosant partout sur la planète. Il s'agit, deuxièmement, de gérer les stocks de façon rigoureuse pour reconstituer notre capacité nationale de réponse, au cas où se produirait de nouveau un afflux de malades en réanimation, et pour permettre à chaque établissement d'assurer tout ou partie de son activité chirurgicale.

Hélas, madame la sénatrice, pour ce qui concerne le propofol, la situation ne reviendra pas à la normale avant plusieurs semaines. Il faudra attendre cet été pour que reprenne une chirurgie programmée à 100 %. Néanmoins, s'agissant de l'anesthésie locorégionale, de la chirurgie d'urgence et de la chirurgie carcinologique, l'activité se poursuit ; elle n'a d'ailleurs jamais été suspendue, y compris pendant la période épidémique.

Je vous prie de croire que nous mettons tout en œuvre pour sécuriser les commandes et importer massivement ces produits.

Votre question touche à des problématiques que nous avons déjà abordées dans cette enceinte : l'autonomie de la France et de l'Europe concernant ces médicaments absolument indispensables et vitaux. Nous ne devons pas reproduire les erreurs du passé ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

M. le président. La parole est à Mme Sonia de la Provôté, pour la réplique.

Mme Sonia de la Provôté. Monsieur le ministre, il faudrait redonner de l'autonomie sur le terrain, car l'architecture du système est en inadéquation avec la décision nationale en termes de répartition.

Bon nombre des acteurs concernés considèrent qu'il y a une absence de transparence et que la répartition est inégalitaire. Les choses devraient au moins se dérouler de façon claire, pour qu'il n'y ait pas de perte de chance d'un territoire à l'autre.

Enfin, au moment du Ségur de la santé, il conviendrait de s'interroger sur l'administration centrale hospitalière et l'administration régionale de la santé, pour redonner force et pouvoir aux acteurs de terrain dans le domaine de la santé. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

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