Question de Mme BOULAY-ESPÉRONNIER Céline (Paris - Les Républicains-R) publiée le 25/06/2020

Question posée en séance publique le 24/06/2020

M. le président. La parole est à Mme Céline Boulay-Espéronnier, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Céline Boulay-Espéronnier. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.

Les chiffres le montrent : la délinquance n'a cessé de croître ces dernières années. L'année 2020 a mal commencé. L'aggravation est inquiétante, et le répit lié au confinement déjà derrière nous.

Il existe un phénomène alarmant – il n'est pas nouveau, mais en pleine expansion –, auquel vous n'avez apporté, à ce jour, aucune réponse : de jeunes étrangers mineurs, ou qui prétendent l'être, multiplient les cambriolages, les vols avec violence et les agressions en tout genre. Ils ont souvent entre 10 ans et 17 ans, du moins lorsqu'ils sont mineurs, ce qui n'est pas toujours facile à déterminer.

Si le phénomène est très présent à Paris, il se répand désormais dans les grandes métropoles françaises. À Bordeaux, il y a quelques semaines, on a découvert un réseau de recel en bande organisée dirigé par des adultes qui instrumentalisaient de tels jeunes. Ces délinquants, mineurs isolés, étrangers, parfois sans domicile fixe, empoisonnent la vie des habitants. J'ai pu le constater très récemment dans mon arrondissement, via de nombreux témoignages. Il ne s'agit pas de faits marginaux.

Mais ces voyous savent qu'un simple rappel à la loi est souvent le solde de tout compte de leurs délits, et ils recommencent à l'envi. Ils se rient de la France ! C'est désespérant pour les forces de l'ordre et, pour les victimes, aussi injuste qu'incompréhensible.

Or la réponse pénale n'est pas adaptée à la situation. La position de Mme la garde des sceaux, qui souhaite instaurer une justice « restaurative » pour « faire dialoguer victimes et auteurs d'infractions », ne rassure personne, sinon les délinquants.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer que ces jeunes sont instrumentalisés par des réseaux d'adultes ? Qu'a fait le Gouvernement, depuis le déconfinement, pour lutter contre ce phénomène ? Comment compte-t-il restaurer l'autorité de l'État en cette matière ?


Réponse du Ministère de la justice publiée le 25/06/2020

Réponse apportée en séance publique le 24/06/2020

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice Boulay-Espéronnier, vous posez une question dont je connais la sensibilité. J'ai eu l'occasion d'en parler souvent avec des maires, qui sont venus me voir, notamment ceux dont les communes sont situées à proximité des terminus des lignes de RER et connaissent des intrusions violentes et fréquentes dans certains commerces. De ce dialogue sont issues un certain nombre de mesures qui figurent dans le code de la justice pénale des mineurs publié le 13 septembre dernier.

Le Gouvernement a une politique générale pour les mineurs, confiée à Adrien Taquet. Le code de la justice pénale des mineurs n'est qu'un des éléments de cette politique générale, celui qui répond à la situation des mineurs délinquants. Au sein de ce code, dont nous débattrons au Parlement, parce qu'il s'agit d'un sujet tout à fait important, figurent des éléments qui concernent spécifiquement les mineurs isolés dont vous parlez.

En effet, nous avons fondé cette réécriture de l'ordonnance de 1945 sur les principes fondateurs de cette ordonnance : une justice spécialisée, la primauté de l'éducatif, mais aussi une procédure adaptée aux exigences de notre moment.

Nous savons par exemple qu'un certain nombre de mineurs isolés, pas tous – il ne faut pas considérer qu'ils sont tous des délinquants –, refusent de donner leur identité, et sont donc difficiles à appréhender pour la justice. Nous avons décidé, dans le code de la justice pénale des mineurs, que ceux qui refuseraient de se soumettre aux procédures qui permettent d'établir leur identité seraient assimilés à des récidivistes, ce qui, concrètement, nous permettra de les déférer au parquet. Ils seront alors jugés en une audience unique dans un délai d'un à trois mois suivant le défèrement ; ainsi pourrons-nous répondre à ces situations de façon rapide – c'est l'objet général de ce code de la justice pénale des mineurs – et efficace.

Vous avez évoqué, madame la sénatrice, la justice restaurative. Permettez-moi de préciser que cette procédure n'est pas une peine : c'est un complément, qui peut être mis en œuvre dans un certain nombre de cas, pour les mineurs comme pour les adultes. Cela n'a rien à voir avec les sanctions qui sont prononcées à l'égard des mineurs récidivistes…

M. le président. Il faut conclure !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Nous cherchons l'équilibre entre la fermeté et l'éducation. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

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