Question de Mme BERTRAND Anne-Marie (Bouches-du-Rhône - Les Républicains) publiée le 11/06/2020

Mme Anne-Marie Bertrand interroge M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur le besoin de main-d'œuvre saisonnière dans l'agriculture française.

Le travail détaché divise les États membres de l'Union européenne selon qu'ils envoient des travailleurs ou qu'ils les reçoivent et la crise du coronavirus a mis en exergue notre dépendance à ce système.

Le travail détaché, s'il est devenu avec le temps indispensable à nos exploitants, peut également être le théâtre de détournements nuisibles à bien des égards.

De prime abord, pour ces salariés, dont les droits ne sont pas toujours respectés, aux entreprises qui respectent la législation et qui, par voie de conséquence, ne tirent pas d'avantage concurrentiel à son non-respect, sans oublier la collectivité, privée des cotisations sociales et des impôts qui lui sont dus. Si pour toutes ces raisons, il est important de multiplier les contrôles, il semble également primordial de s'interroger sur la raison qui pousse les exploitants à recourir à des entreprises de travail temporaire parfois sans vergogne : le besoin de main-d'oeuvre.

Elle lui demande s'il entend prendre des mesures afin d'encourager le travail saisonnier en France.

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Transmise au Ministère de l'agriculture et de l'alimentation


Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 17/09/2020

Le Gouvernement est totalement engagé pour renforcer la force de travail saisonnière sur les exploitations agricoles et adapter les dispositifs aux besoins. Ainsi, pour faciliter les recrutements en France, une plate-forme dédiée aux secteurs agricoles qui ont, dans cette période, des besoins particuliers en recrutement, a été mise en place pour permettre de répondre en temps réel aux besoins en recrutement dans toute la France. Des dispositions ont également été prises par le Gouvernement pour prolonger les autorisations de travail dont bénéficient les travailleurs saisonniers originaires de pays tiers et porter de six mois à neuf mois la durée maximale du séjour de ces travailleurs étrangers. Depuis le 15 juin, la France a levé l'ensemble des restrictions de circulation à ses frontières intérieures européennes. Depuis cette date, les travailleurs saisonniers agricoles ressortissants d'un pays membre de l'espace européen ou ressortissant de pays tiers résidant à titre principal dans un autre pays de l'espace européen peuvent entrer sur le territoire français sans restrictions liées à la lutte contre la covid-19. Ils sont par ailleurs dispensés de quatorzaine à leur arrivée en France, sauf éventuel cas particulier, notamment en application de mesure de réciprocité. L'entrée des travailleurs ressortissants d'un pays membre de l'espace européen ou ressortissant de pays tiers résidant à titre principal dans un autre pays de l'espace européen au titre du détachement est également autorisée, sous condition. Pour ces derniers, seuls les travailleurs dont la mission ne peut pas être reportée et qui est attestée par un contrat de prestation de service conclu avec une entreprise établie en France, peuvent entrer et travailler sur le territoire national. Concernant les travailleurs saisonniers ressortissants de pays tiers, seuls ceux en provenance d'un pays où la circulation de la covid-19 est jugée faible, peuvent entrer sur le territoire français sans restrictions motivées par la prévention liée à l'épidémie de covid-19. La liste de ces pays qui est fixée par arrêté du ministre des solidarités et de la santé, fait l'objet d'une actualisation régulière, au minimum tous les 15 jours. L'entrée sur le territoire national en provenance d'un pays situé hors de l'espace européen ou ne figurant pas sur la liste mentionnée ci-dessus n'est autorisée que dans des situations dérogatoires spécifiques et la situation des saisonniers agricoles ne fait pas partie de ces dérogations. Afin de limiter une recrudescence du nombre de cas, il incombe aux employeurs, responsables de la mise en œuvre des conditions de prévention des risques professionnels, d'apporter toutes les garanties de sécurité et de protection aux salariés qu'ils embauchent. Une nouvelle conception de l'hébergement et de l'organisation du travail est nécessaire pour assurer ces règles et garantir la santé et la sécurité au travail des salariés étrangers comme de l'ensemble des salariés. Une campagne de sensibilisation des employeurs a été récemment menée par le Gouvernement et la mutualité sociale agricole (MSA) rappelant le guide des bonnes pratiques adapté au travail saisonnier publié sur le site internet du ministère du travail ainsi que sur celui de la MSA. Ces dispositions sanitaires sont adoptées régulièrement pour limiter la propagation du virus. La lutte contre le dumping social dans la prestation de services internationale est également une priorité du Gouvernement. Le législateur européen comme le législateur national sont intervenus de manière soutenue depuis 2014 pour fixer des limites claires et doter les services de contrôle de moyens d'intervention efficaces et rapides avec notamment l'introduction de sanctions administratives punissant les manquements à ces obligations des employeurs et des donneurs d'ordre ou la possibilité de suspendre la prestation de service qui ne respecterait pas la réglementation. Adoptée après deux ans de négociations, la directive 2018/957 qui révise la première directive sur le détachement des travailleurs adoptée en 1996 est entrée en vigueur le 30 juillet 2020. Ces nouvelles dispositions vont permettre de créer des conditions de concurrence équitables et de renforcer la protection des travailleurs détachés puisqu'elles entendent garantir le principe « à travail égal, salaire égal, sur un même lieu de travail ». La rémunération versée au travailleur détaché est ainsi désormais totalement équivalente à celle dont bénéficie un travailleur local au titre de la loi ou des conventions collectives. Au « noyau dur » qui garantit au salarié détaché l'égalité des dispositions légales applicables aux salariés employés par les entreprises de la même branche d'activité établies en France, le nouveau texte ajoute le remboursement des dépenses, les conditions d'hébergement et une application plus large des conventions collectives prenant en compte les conventions territoriales étendues ou non. De plus, les pouvoirs de suivi et de contrôle des États membres sont renforcés, afin de permettre la mise en place des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives. En France, la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a doublé le plafond de l'amende encourue pour défaut de déclaration préalable d'un salarié détaché, étendu l'obligation de vigilance au paiement des amendes dues par le ou les prestataire (s), et procédé à une nouvelle extension des possibilités pour les préfets de faire cesser l'activité d'un site où travaillent illégalement des salariés détachés. Enfin, il convient de souligner que, si le droit est respecté, la différence de coût du travail entre la main-d'œuvre embauchée directement et le recours à des travailleurs détachés est très faible à une rémunération au niveau du salaire minimum de croissance (SMIC). En effet, après application de l'exonération « travailleurs occasionnels - demandeurs d'emploi » en faveur des employeurs de saisonniers agricoles ou des allègements généraux sur les bas salaires, et des réductions de 1,8 point de la cotisation famille et de 6 points de la cotisation maladie en contrepartie de la suppression du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), le taux résiduel de cotisations restant à la charge de l'employeur au niveau du SMIC s'établit à 3,8 % sur un taux global de cotisation à hauteur de 43 % de la rémunération brute.

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