Question de Mme COHEN Laurence (Val-de-Marne - CRCE) publiée le 11/06/2020

Mme Laurence Cohen interroge M. le ministre de l'intérieur sur les violences policières en France.
En effet, le défenseur des droits a rendu publique une décision faisant état de pratiques discriminatoires systématiques à l'encontre de jeunes habitants du 12ème arrondissement. Cette décision fait suite à une procédure civile menée contre l'État pour dénoncer les violences, les insultes, les contrôles au faciès.
En 2016, l'État avait été condamné pour faute lourde là aussi pour des pratiques discriminatoires de la part des forces de l'ordre. Malheureusement, dans les faits rien n'a évolué. Depuis, les drames se succèdent et font de nombreuses victimes notamment dans les quartiers populaires, entraînant des tensions et une dégradation des rapports entre police et population.
Le média indépendant Basta a mené une enquête approfondie et révèle qu'en 43 ans 673 personnes sont mortes en France du fait de violences policières. 61 % ont été tuées par armes à feu. Il apparaît également que ces victimes sont majoritairement des jeunes hommes et que la plupart de ces décès font suite à un contrôle d'identité. De nombreuses autres études sociologiques attestent de la réalité de ces pratiques.
La période de confinement et d'état d'urgence sanitaire peuvent également interroger sur le caractère potentiellement abusif de certains contrôles et verbalisations. Vingt-quatre organisations ont d'ailleurs adressé un courrier au Gouvernement pour avoir un recensement précis des amendes délivrées dans le cadre du confinement notamment.
Les forces de l'ordre ont pour mission d'assurer la protection des populations. Il n'est pas acceptable que des jeunes soient contrôlés à outrance, palpés, insultés, humiliés, stigmatisés, mutilés ou tués en raison de leur origine réelle ou supposée, de leur tenue vestimentaire, de leur lieu de résidence.
Plusieurs drames auraient dû être évités.
Aussi, elle lui demande quelles mesures concrètes le Gouvernement entend prendre pour améliorer les relations entre la police et la population, restaurer la confiance, et pour mettre fin à ces pratiques violentes et discriminatoires. Elle lui demande également s'il entend notamment mettre en place des récépissés tels que proposés dans la proposition de loi n° 257 de décembre 2015 « visant à encadrer les contrôles d'identité abusifs ».

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Transmise au Ministère de l'intérieur


Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 13/05/2021

Les policiers et gendarmes assurent, avec professionnalisme, dévouement et courage, le respect des lois et la protection de nos concitoyens, dans des situations fréquemment difficiles et dangereuses, parfois au péril de leur vie. En 2019, 11 217 membres des forces de l'ordre ont été blessés. Ils sont exposés à des violences physiques et verbales croissantes, à des mises en cause incessantes. Garants de l'ordre public républicain, ils se doivent d'être d'une fermeté et d'une détermination sans faille. Représentants de la force publique, ils se doivent également d'être exemplaires. Le respect des règles déontologiques, la maîtrise et le discernement dans l'action sont des impératifs pour la police et la gendarmerie nationales. Le respect des personnes - qui doit être mutuel - est au cœur de cette exigence. Par ailleurs, la justice et la transparence sont des exigences sociales fortes et croissantes. Ce souci éthique, qui est au cœur de la formation initiale et continue des policiers et gendarmes, s'appuie sur une politique disciplinaire rigoureuse. Lorsque des incidents surviennent, lorsque par exemple l'usage légitime des armes ou de la contrainte est mis en doute, ils font systématiquement l'objet d'enquêtes administratives ou judiciaires. Tout écart portant atteinte à la déontologie et à l'image des forces de l'ordre est combattu avec fermeté et tout manquement avéré expose son auteur à des sanctions disciplinaires et, le cas échéant, à des poursuites pénales. L'action des services de police et de gendarmerie est en effet rigoureusement encadrée et contrôlée, par des corps d'inspection, des autorités administratives indépendantes et des organes et juridictions nationales et européennes. En outre, les forces de l'ordre sont placées, dans l'exercice de leurs missions de police judiciaire, sous le contrôle de l'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle. Le contrôle médiatique, associatif et citoyen n'a cessé de croître ces dernières années. Il doit aussi être rappelé que tout manquement aux règles professionnelles et déontologiques peut être dénoncé par un simple particulier auprès des autorités de police et de gendarmerie, d'autorités indépendantes ou de l'autorité judiciaire. Les fautes individuelles, rares et sévèrement sanctionnées, ne sauraient toutefois faire oublier le comportement très majoritairement irréprochable des policiers. L'inspection générale de la police nationale (IGPN) n'a, par exemple, été saisie que d'une trentaine de faits de racisme sur les près de 1 500 enquêtes judiciaires qu'elle a menées en 2019. Lorsque des faits de discrimination sont suspectés, ils sont traités avec la rigueur qui s'impose. La police nationale s'est dotée, comme les autres services du ministère, d'une cellule d'écoute interne (SIGNAL DISCRI) permettant depuis 2017 à tout fonctionnaire de signaler des comportements discriminatoires ou des faits de harcèlement, sexuel ou moral, dont il serait victime ou témoin. La gendarmerie est équipée d'un dispositif comparable au sein de l'inspection (STOP DISCRI). Une récente instruction ministérielle adressée le 5 juin 2020 aux directeurs généraux de la police nationale et de la gendarmerie nationale a rappelé l'extrême attention que l'administration doit porter aux actes racistes ou antisémites qui seraient commis par des policiers ou des militaires de la gendarmerie. Il paraît utile de noter que l'affaire ayant fait l'objet de la décision du défenseur des droits évoquée dans la question écrite, qui porte sur des faits datant des années 2012 à 2015, est une enquête judiciaire menée par l'IGPN qui a conduit à la comparution de 4 policiers devant un tribunal correctionnel. Plusieurs mesures ont également été prises ces dernières années pour éviter tout risque de contrôle d'identité à caractère discriminatoire et plus largement pour améliorer les modalités de leur exercice et leur acceptabilité. Le déroulement concret des contrôles d'identité est depuis 2014 juridiquement encadré, notamment s'agissant des palpations de sécurité, qui ne doivent être ni systématiques ni humiliantes. Il convient également de rappeler que la jurisprudence de la Cour de cassation et du Conseil constitutionnel a précisé en 2016 et 2017 le cadre juridique des contrôles d'identité. La formation théorique et pratique aux contrôles d'identité et aux palpations de sécurité a été renforcée durant la formation initiale. Les policiers et les gendarmes sont tenus, depuis 2014, de porter un numéro d'identification individuel. Par ailleurs, afin de donner à nos concitoyens l'assurance que les manquements aux règles commis par les membres des forces de l'ordre sont poursuivis et sanctionnés, des plates-formes internet de signalement ont été mises en place, au sein de l'IGPN et de l'inspection générale de la gendarmerie nationale, permettant à quiconque de signaler tout manquement à la déontologie dont il penserait être la victime ou le témoin. La confiance entre la police et la population exige aussi de la proximité et du dialogue. C'est une des raisons d'être de la police de sécurité du quotidien, qui vise à développer la présence sur le terrain et les contacts avec la population et les acteurs locaux. En matière de maintien de l'ordre, un vaste travail a été mené avec des représentants de la société civile et s'est traduit par la présentation d'un nouveau schéma national de maintien de l'ordre. Des travaux ont également été conduits depuis début 2020 concernant les gestes et techniques d'interpellation au regard des risques qu'ils peuvent représenter, tant pour la personne visée que pour les policiers et gendarmes. Aucun cadre doctrinal ou juridique quel qu'il soit ne pourra toutefois permettre d'exclure de façon certaine le risque d'incident ou de blessure, notamment durant une phase d'affrontement physique. En effet, les missions de police impliquant le recours à la contrainte et a fortiori l'usage d'armes présentent par nature des risques. Au terme des réflexions menées, il a ainsi été décidé dès le mois de juin que la technique dite « d'étranglement » ne serait plus enseignée. Un groupe de travail sur les techniques d'intervention, dont les conclusions ont été présentées en novembre 2020, a conclu à la mise en oeuvre de nouvelles techniques qui seront enseignées en école de police et qui permettront toujours d'amener au sol ou de plaquer au sol un individu qui s'oppose à son interpellation, mais contiendra une prohibition de certains gestes de pression sur le cou, la nuque ou le thorax. Si le recours à la force doit toujours être nécessaire et proportionné, il ne saurait être question en effet de faire preuve d'angélisme ou de laxisme, ni de désarmer les policiers, soumis au quotidien à la violence, parfois extrême. En matière de contrôles d'identité, la question d'un récépissé a déjà été examinée de manière approfondie sous la précédente législature et a été écartée, notamment du fait du caractère excessivement procédural et bureaucratique d'un tel système, des problèmes juridiques qu'il soulèverait et d'une pertinence nullement démontrée en matière de prévention des discriminations. D'autres garanties sont apparues plus concrètes et plus efficaces pour protéger les droits des personnes (portail internet de signalement, port apparent du matricule, etc.). Elles peuvent encore être enrichies. Ainsi, le développement de « caméras-piétons » de nouvelle génération sera engagé au 1er juillet 2021 et devrait permettre tant de pacifier certains contrôles que de rétablir la réalité des faits lorsqu'une intervention de policiers est mise en cause. S'il est indispensable en effet que les représentants de la force publique soient exemplaires, le respect qui leur est dû est également une exigence sur laquelle nul ne devrait transiger. Le ministre de l'intérieur en fait une priorité et plusieurs chantiers sont engagés pour mieux défendre les policiers, tant sur le plan matériel que sur le plan juridique.

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