Question de Mme CANAYER Agnès (Seine-Maritime - Les Républicains) publiée le 02/07/2020

Mme Agnès Canayer attire l'attention de Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales sur les conséquences de l'article L. 121-10 du code de l'urbanisme sur les activités agricoles ou commerciales.
En effet, l'article L. 121-8 du même code, tel que modifié par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 (dite loi ÉLAN)portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dispose que « dans les secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d'urbanisme, des constructions et installations peuvent être autorisées, en dehors de la bande littorale de cent mètres, des espaces proches du rivage et des rives des plans d'eau à des fins exclusives d'amélioration de l'offre de logement ou d'hébergement et d'implantation de services publics, lorsque ces constructions et installations n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre bâti existant ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti ».

Depuis l'adoption de la loi ÉLAN, l'article L. 121-10 du code de l'urbanisme dispose que : « par dérogation à l'article L. 121-8, les constructions ou installations nécessaires aux activités agricoles ou forestières ou aux cultures marines peuvent être autorisées avec l'accord de l'autorité administrative compétente de l'État, après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites et de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers. Ces opérations ne peuvent être autorisées qu'en dehors des espaces proches du rivage, à l'exception des constructions ou installations nécessaires aux cultures marines. L'accord de l'autorité administrative est refusé si les constructions ou installations sont de nature à porter atteinte à l'environnement ou aux paysages ».
Toutefois, alors que la loi ÉLAN devait permettre un assouplissement menant vers plus de dérogation locale, une lecture plus attentive révèle un durcissement de la loi. Si préalablement elle concernait les constructions liées (ou accessoires) à l'activité agricole, la nouvelle rédaction de l'article L. 121-10 du code de l'urbanisme ne concerne que les constructions nécessaires aux activités agricoles.
De ce point de vue, les règles de la loi littoral applicables aux constructions agricoles sont donc durcies. Aussi, c'est tout un pan de l'activité agricole qui est concerné par cette philosophie, de nombreuses communes se retrouvent alors face à l'impossibilité d'améliorer voire de maintenir les activités agricoles du fait de la restriction inhérente au mot « nécessaire ».

Elle souhaiterait alors alerter le Gouvernement et connaître ses intentions sur les restrictions imposées par cette loi qui de par son interprétation vient compromettre les plans d'urbanisme et toute amélioration de l'activité économique agricole ou commerciale aux abords du littoral.

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Transmise au Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales


Réponse du Ministère auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales - Ville publiée le 22/07/2020

Réponse apportée en séance publique le 21/07/2020

M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer, auteur de la question n° 1243, adressée à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Mme Agnès Canayer. Ma question viendra en complément de celle de ma collègue Catherine Morin-Desailly, ce qui tend à prouver que le sujet de l'urbanisation du littoral dans notre département, la Seine-Maritime, est extrêmement prégnant.

L'urbanisation dans les communes littorales de ce département est une question sensible, complexe, qui nécessite la recherche d'un équilibre constant entre la préservation justifiée de l'environnement et une urbanisation maîtrisée.

Strictement encadrée, l'urbanisation dans les communes littorales a fait l'objet d'assouplissements, introduits par les dispositions de la loi du 23 novembre 2018, dite loi ÉLAN.

Or l'interprétation stricte de ces dispositions, sans prise en compte des spécificités locales ou de la réalité économique, suscite de nombreuses incompréhensions chez les élus locaux concernés, ceux de la Seine-Maritime notamment.

Deux sujets illustrent particulièrement ces difficultés.

D'une part, il est impossible, pour les exploitants agricoles, de construire des locaux pour mettre en commun leurs productions et faire de la vente directe, au motif que cette activité n'est pas considérée comme « nécessaire » à l'activité principale !

D'autre part, il est impossible, pour les maires, d'autoriser des constructions dans les « dents creuses » des hameaux, au motif que ceux-ci ne peuvent être considérés comme des « secteurs déjà urbanisés ». Or, dans le pays de Caux, les communes sont toutes constituées de nombreux hameaux, résultante du bocage normand. Ces hameaux sont d'ailleurs souvent beaucoup plus peuplés que le centre-bourg.

Si l'urbanisation des communes littorales doit se faire dans le respect de notre patrimoine naturel, elle doit aussi prendre en compte les particularités locales des bourgs normands et l'évolution des pratiques agricoles. Les maires des communes littorales, pourtant conscients des enjeux pour leur commune et de la nécessité d'en préserver la biodiversité, l'identité et le patrimoine, sont souvent peu consultés par les services de l'État s'agissant de l'application des dispositions sur leur territoire.

Ma question est simple : comment mieux prendre en compte l'avis des élus locaux pour, sans déroger aux règles d'urbanisme, tenir compte des spécificités locales dans l'urbanisation des communes littorales ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville. Madame la sénatrice, vous nous interrogez sur l'assouplissement de la loi Littoral pour les constructions agricoles. Pour répondre à la préoccupation de maintenir des activités agricoles en zone littorale, la loi Littoral a prévu une dérogation au principe de l'extension de l'urbanisation en continuité.

Avant la loi ÉLAN, cette dérogation était soumise à une double contrainte : la construction ou l'installation devait être liée aux activités agricoles ou forestières et être incompatible avec le voisinage des zones habitées.

Par ailleurs, les cultures marines n'entraient pas dans le champ d'application de cette dérogation, ce qui faisait obstacle au développement de cette activité.

Devant ce constat et afin de répondre aux besoins des communes littorales de maintenir et de développer les activités réellement agricoles traditionnelles de leur territoire, nous avons, avec la loi ÉLAN, assoupli cette dérogation à deux titres : d'une part, en supprimant la condition selon laquelle les constructions en cause doivent être incompatibles avec le voisinage des zones habitées ; d'autre part, en étendant le bénéfice de cette dérogation aux activités de culture marine, y compris dans les espaces proches du rivage.

Il s'agit là d'assouplissements importants. En contrepartie, la loi ÉLAN a circonscrit le bénéfice de cette dérogation aux constructions ou installations réellement nécessaires, et non à celles qui sont simplement liées aux activités agricoles ou forestières ou aux cultures marines. L'objectif est donc bien de favoriser les activités agricoles stricto sensu. Je rappelle d'ailleurs que, dans les communes non concernées par la loi Littoral, les dérogations à ces principes au profit des constructions simplement liées à l'activité agricole sont très ponctuelles. Il ne faudrait pas que nous soyons plus souples dans les zones littorales, alors que nous souhaitons les protéger davantage.

Nous sommes conscients des difficultés que la mise en œuvre de cette rédaction, comme celle de toute nouvelle réglementation, peut poser. Mes services sont disposés à étudier, en concertation avec ceux de mes collègues chargés de l'agriculture et de l'écologie, les difficultés et les exemples concrets que vous pourriez nous faire remonter.

M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer, pour la réplique.

Mme Agnès Canayer. L'objectif est en effet la préservation de l'environnement des communes littorales –nous sommes tous d'accord là-dessus. Mais il importe aujourd'hui de prendre en compte certaines spécificités et l'impossibilité, pour les agriculteurs, qui jouent un rôle important dans la protection de l'environnement et de notre littoral – les prés consacrés à l'élevage permettent par exemple de lutter contre le ruissellement –, de pratiquer des activités pourtant essentielles – le confinement l'a montr頖, telles que la vente directe, au motif qu'elles n'entrent pas dans la catégorie des activités « nécessaires », malgré leur lien fort avec l'agriculture.

M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Agnès Canayer. Nous vous demandons donc, madame la ministre, de prendre en compte ces spécificités locales et l'avis des élus locaux.

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