Question de Mme ROSSIGNOL Laurence (Oise - SOCR) publiée le 16/07/2020

Mme Laurence Rossignol attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports sur l'enseignement de la chasse dans les lycées agricoles.

Plusieurs lycées agricoles se sont dotés d'une « option chasse » : l'institut agricole Saint-Joseph à Limoux dans l'Aude, l'institut Saint-Éloi à Bapaume dans le Pas-de-Calais ou encore le lycée agricole de Sigoulès en Dordogne. Cette option se fait sur deux ans, en contrôle continu et les élèves alternent théorie et pratique.

Sur le papier, l'idée d'une option chasse dans les lycées agricoles peut apparaître judicieuse. Elle pourrait permettre aux élèves de mieux comprendre les rôles et les limites de la chasse, de renouveler les générations de chasseurs et de mieux saisir les enjeux environnementaux et de bien-être animal en lien avec la chasse : connaître les écosystèmes des espèces, leurs cycles de reproduction, leurs lieux de vie, etc. En bref, d'être plus familier avec la faune sauvage et ses enjeux.
Nous comprenons donc que c'est une chasse plus respectueuse de l'environnement et de la faune sauvage qui pourrait en résulter : une chasse débarrassée des pratiques dites traditionnelles, qui sont en réalité archaïques et cruelles, comme la chasse à courre, la chasse à la glu, la vénerie sous terre…

Dans les faits, l'option chasse comporte parfois un caractère profondément violent et loin des préoccupations environnementales, qu'il s'agisse des habitats de la faune ou de la faune elle-même. L'enseignement, tout particulièrement pratique, de la chasse pose donc question. Les élèves peuvent être amenés à participer à des battues dans des espaces clôturés, probablement consécutives à des lâchés de gibiers. Comment considérer que cela s'inscrit dans la formation de naturalistes ?

Quelle que soient les précautions, le maniement des armes par des mineurs comporte toujours un risque. Si toutes les pratiques de chasse ne se rapportent pas à des massacres, certaines contribuent à une banalisation de la violence et ne sont pas compatibles avec la prise en compte de la sensibilité animale, telle que définie par la loi n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures.

Elle lui demande s'il entend vraiment encadrer ces « options chasse » afin qu'elles soient réellement des filières de formation à la biodiversité et à ce qu'elles n'exposent pas les élèves à des activités archaïques, prédatrices et inutiles.

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Transmise au Ministère de l'agriculture et de l'alimentation


Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 22/07/2020

Réponse apportée en séance publique le 21/07/2020

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, auteure de la question n° 1258, transmise à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Mme Laurence Rossignol. Monsieur le ministre, ma question concerne l'enseignement de la chasse dans les lycées agricoles – sujet que vous découvrez probablement, tant il n'est pas de grande notoriété.

Plusieurs établissements privés ont mis en place des options « chasse ». Cette idée peut paraître intéressante, mais encore faut-il que le contenu de ces options soit quelque peu défini, qu'il comporte un véritable enseignement de la biodiversité et qu'il réponde à une demande citoyenne de plus en plus forte concernant les différentes pratiques de chasse. S'il ne s'agit que d'apprendre aux élèves comment tuer le gibier dans les battues après des lâchers, ce n'est pas très intéressant. De telles pratiques posent aujourd'hui d'énormes problèmes : les agriculteurs se plaignent de la prolifération des sangliers et les chasseurs n'arrivent pas à tenir les plans de chasse, alors qu'ils ont, tout le monde le sait, largement contribué à l'augmentation de la population des sangliers.

De fait, la chasse n'est pas une activité anodine : elle conduit à manier des armes et peut comporter une charge de violence non négligeable si elle n'est pas bien encadrée. Or il semble que le contenu de ces enseignements dispensés dans les lycées agricoles ne soit pas totalement conforme à l'idée que nous pourrions, vous et moi, nous en faire.

Votre ministère a-t-il l'intention de s'intéresser à ce dossier, pour faire en sorte que le contenu des enseignements agricoles option « chasse » favorise le développement d'une chasse respectueuse de la biodiversité et, surtout, d'une rupture avec les chasses dites « traditionnelles » – chasse à la glu, chasse à courre… –, jugées aujourd'hui inutilement brutales et contraires à la législation sur la sensibilité animale ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Madame la sénatrice Laurence Rossignol, je précise que le ministère dont j'ai la charge ne propose aucune option « chasse » au titre des diplômes qu'il délivre.

En revanche, il existe un certificat de spécialisation « technicien cynégétique » ; il s'agit de former des spécialistes capables de gérer des populations de gibiers, des habitats d'espèces animales sauvages et la mise en place de schémas d'exploitation raisonnée conformes aux objectifs de développement durable de nos territoires et de nos cultures.

Certains établissements de l'enseignement agricole, dans le cadre des enseignements optionnels ou facultatifs, proposent un enseignement dit « de pratique professionnelle ». Ces enseignements sont utiles pour aider les élèves à appréhender au mieux les dégâts faunistiques, comme ceux que causent les sangliers.

Une autonomie est laissée aux équipes enseignantes pour définir le contenu de cet enseignement, qui doit venir en complément des référentiels de formation et répondre aux attentes des élèves accueillis dans les établissements. Cet enseignement est instruit par l'autorité académique, autorité compétente pour ouvrir un enseignement optionnel.

Les équipes éducatives des établissements concernés ont choisi comme enseignement facultatif celui qui est dénommé « pratique professionnelle cynégétique », en complément du baccalauréat professionnel spécialité « gestion des milieux naturels et de la faune ». Les objectifs sont le suivi des populations, la participation à la gestion durable des milieux, la création de partenariats avec les acteurs des territoires. Il ne s'agit en aucun cas d'un certificat visant à développer telle ou telle pratique cynégétique, quelle qu'elle soit.

La direction générale de l'enseignement et de la recherche va modifier la note de service du 18 juin 2019 relative aux enseignements facultatifs dans les établissements d'enseignement agricole, incluant des préconisations spécifiques pour les pratiques professionnelles en lien avec le bien-être animal.

Par ailleurs, une note sera adressée par la sous-direction des politiques de formation et d'éducation aux directions de mon ministère afin que des consignes de vigilance soient données aux responsables en région de la validation des ouvertures des enseignements optionnels en lien avec la thématique cynégétique.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour la réplique.

Mme Laurence Rossignol. Merci de cette réponse précise, monsieur le ministre.

Je prends note du fait que votre ministère a été saisi de ce sujet et que vous travaillez à mieux encadrer ces enseignements.

Par ailleurs, il se dit qu'un secrétariat d'État au bien-être animal pourrait être créé dans la journée. Voilà un beau dossier à lui confier ! Nous devons faire évoluer le rapport à la chasse, les pratiques de la chasse et la cohabitation entre les différents usagers de la nature, chasseurs et non-chasseurs.

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