Question de M. SUEUR Jean-Pierre (Loiret - SOCR) publiée le 30/07/2020

M. Jean-Pierre Sueur appelle l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la protection des civils dans les conflits armés. Aujourd'hui, lorsque des armes explosives sont utilisées lors de conflits dans des zones peuplées, 90 % des victimes sont des civils. Les conséquences sont dramatiques pour les populations habitant dans des zones urbaines et périurbaines : concentration de morts et de blessés, déplacements forcés de populations, contamination par des explosifs de guerre, destruction massive d'infrastructures vitales, etc. C'est pourquoi le secrétaire général de l'Organisation des Nations unies et le directeur général du comité international de la Croix rouge se sont prononcés pour mettre fin à leur utilisation dans les zones peuplées. Suite à la conférence de Vienne pour la « protection des civils dans la guerre urbaine », qui s'est déroulée en octobre 2019, la majorité des 133 États présents ont annoncé leur volonté de travailler ensemble à l'élaboration d'une déclaration politique visant à mettre fin aux souffrances humaines causées par l'utilisation d'armes explosives dans les zones peuplées. Si la France s'est engagée de façon très active dans les discussions à Genève, elle n'a cependant toujours pas donné, à ce jour, son accord pour limiter ou même encadrer l'usage des armes explosives les plus destructrices, « à large rayon d'impact », dans les zones peuplées. Il lui demande, en conséquence, à quelle date la France donnera cet accord.

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Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 06/11/2020

Réponse apportée en séance publique le 05/11/2020

Mme le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la question n° 1271, adressée à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le secrétaire d'État, je voulais appeler votre attention sur la protection des civils dans les conflits armés. Aujourd'hui, lorsque des armes explosives sont utilisées lors de conflits dans des zones peuplées, 90 % des victimes sont des civils. Les conséquences sont dramatiques pour les populations habitant dans des zones urbaines et périurbaines : concentration de morts et de blessés, déplacements forcés de populations, contaminations par des explosifs de guerre, destructions massives d'infrastructures vitales.

L'actualité tragique au Haut-Karabakh nous le rappelle de nouveau cruellement : l'usage massif d'armes explosives à large rayon d'impact – bombes aériennes, roquettes, obus, tirs d'artillerie, etc. – dans des zones peuplées tue et blesse actuellement, de manière indiscriminée et disproportionnée, femmes, enfants et civils vulnérables, tout en endommageant des infrastructures civiles pourtant vitales telles que des hôpitaux et des écoles.

C'est pourquoi le secrétaire général de l'ONU et le président du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) ont demandé qu'il soit mis fin à l'utilisation de telles armes dans des zones peuplées. À la suite de la conférence de Vienne sur la protection des civils dans la guerre urbaine, qui s'est déroulée en octobre 2019, la majorité des 133 États présents ont annoncé leur volonté de travailler ensemble à l'élaboration d'une déclaration politique visant à mettre fin aux souffrances humaines causées par l'utilisation d'armes explosives dans les zones peuplées.

Si la France s'est engagée de façon active dans les discussions à Genève, elle n'a cependant toujours pas donné à ce jour son accord pour éviter l'usage des armes explosives les plus destructrices à large rayon d'impact dans les zones peuplées, et ce malgré l'appel solennel du CICR et du secrétaire général de l'ONU.

Je me permets donc de vous demander, monsieur le secrétaire d'État, à quelle date la France donnera cet accord.

Mme le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie. Monsieur le questeur, le Gouvernement partage pleinement vos préoccupations humanitaires concernant l'usage indiscriminé des armes explosives dans les zones habitées par certaines parties à des conflits armés.

Cet usage indiscriminé méconnaît très clairement les principes du droit international humanitaire, et c'est pourquoi la France s'est engagée activement dans les négociations de cette déclaration politique, qui s'inscrivent dans le cadre d'un processus diplomatique lancé à la fin de 2019 par un groupe d'États mené par l'Autriche et l'Irlande. Il est heureux que la communauté internationale puisse travailler sur un sujet à propos duquel des ONG comme Handicap International attirent l'attention depuis longtemps.

Il est important également d'inclure d'autres questions, comme l'utilisation par les acteurs non étatiques d'engins explosifs improvisés, et de prendre conscience que certains utilisent aussi parfois des tactiques de « boucliers humains » pour, hélas, exposer les civils en première ligne. Nous ne pouvons que condamner ce type de pratiques.

C'est pour répondre à ces préoccupations que la France s'est activement engagée dans ce processus. Nos contributions sont publiques et peuvent être retrouvées sur le site www.dfa.ie. Nous avons ainsi publié un long papier sur les mesures concrètes mises en œuvre par les forces armées pour concourir à un emploi maîtrisé de la force, et nous entendons bien continuer à être très actifs dans ce processus diplomatique.

L'usage des armes explosives en zone habitée est strictement encadré par le droit international humanitaire, qui prohibe les attaques dirigées contre les populations civiles. Il impose également d'opérer une distinction entre civils et combattants, de veiller constamment à épargner les civils et d'observer un principe de proportionnalité dans la conduite des hostilités.

Les travaux vont se poursuivre. La déclaration politique devra selon nous réaffirmer la pertinence de ces principes, qui, s'ils étaient universellement appliqués, permettraient clairement de réduire les souffrances civiles.

Les dates des futures sessions du processus ne sont malheureusement pas connues à ce jour, en raison du contexte sanitaire, mais soyez assuré, monsieur le questeur, que la France n'est pas bloquante. Au contraire, elle est allante et entend contribuer à ce processus diplomatique, dans l'esprit que je viens de décrire.

Mme le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour la réplique.

M. Jean-Pierre Sueur. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, d'avoir rappelé l'engagement ferme de la France. J'espère que nous pourrons parvenir le plus vite possible à la signature d'un texte engageant tous les États qui ont pris cette initiative, et que la France aura à cœur de signer cet engagement, bien entendu.

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