Question de M. KANNER Patrick (Nord - SOCR) publiée le 09/07/2020

Question posée en séance publique le 08/07/2020

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)

M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, au début du quinquennat, j'avais adressé mes vœux républicains de réussite à votre prédécesseur. J'aurais tendance à avoir le même message pour vous. Mais, il faut bien le reconnaître, un fossé s'est creusé entre-temps entre la politique menée par le Président de la République et les Français.

Le chef de l'État a exprimé sa volonté de tracer un nouveau chemin. Cette nouvelle orientation, les Français la souhaitent ; je vous le confirme. Ils l'ont montré en choisissant leurs maires et en sanctionnant lourdement les candidats de la majorité présidentielle aux élections municipales.

Ce nouveau chemin est indispensable pour affronter la crise économique et sociale. Celle-ci est déjà là, et elle va s'amplifier. Permettez-moi de penser en premier lieu à la jeunesse de France, pour laquelle il faut imaginer très vite un plan d'urgence sociale.

Malheureusement, la composition de votre gouvernement, ainsi que vos premières déclarations nous font craindre que vous soyez non pas l'incarnation du renouveau, mais l'homme du passif ! (Exclamations sur les travées du groupe LaREM.)

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Sympathique !

M. Patrick Kanner. Le passif est lourd : réforme des retraites, tentative de privatisation d'Aéroports de Paris, loi immigration, assurance chômage dégradée, suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), crise des gilets jaunes…

C'est un bilan qui fragmente notre pays, dans un climat anxiogène. Les plus faibles devraient être mieux protégés, particulièrement en ce moment. Vous devez rassembler les Français, les préserver et les accompagner face à la crise. Certes, celle-ci est provisoirement amortie par le ruissellement de la dette publique, mais vous faites payer celle-ci par tous.

Monsieur le Premier ministre, allez-vous changer radicalement la politique menée depuis trois ans ? Choisirez-vous les jours heureux de l'État-providence ou les jours désastreux de l'État-pénitence ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Sido. Le retour de l'ancien monde !

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Réponse du Premier ministre publiée le 09/07/2020

Réponse apportée en séance publique le 08/07/2020

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président Kanner, permettez-moi tout d'abord de vous présenter mes félicitations pour vos propos si poétiques. (Rires sur les travées des groupes LaREM, UC et Les Républicains.) Nous les avons tous appréciés, même s'ils sont, je le crains, peut-être un peu déconnectés de la réalité. (Mêmes mouvements.)

Ainsi que je l'ai indiqué à la faveur de ma première intervention, le nouveau chemin annoncé par le Président de la République s'inscrit dans un nouveau contexte.

M. Pierre Cuypers. Et va droit dans le mur ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean Castex, Premier ministre. Nous devons, je le répète, faire face à une crise qui s'annonce exceptionnelle. Faut-il pour autant renoncer à un certain nombre de réformes entreprises ? Certes, elles peuvent se discuter et devront sûrement être réorientées au regard du nouveau contexte. Mais rien ne serait pire, me semble-t-il, que de faire face à la crise qui s'annonce en revenant à une forme d'immobilisme.

M. David Assouline. Comme sous Sarkozy ?

M. Jean Castex, Premier ministre. Je l'ai déjà dit et je l'assume : mon gouvernement est un gouvernement de combat, dans un contexte extrêmement dégradé.

Vous avez évoqué la dette et les comptes publics. J'apprends votre vif attachement à ces notions. (Rires sur les travées des groupes LaREM et Les Indépendants, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains. – Exclamations sur les travées du groupe SOCR.)

M. David Assouline. Un peu de respect ! N'allez pas si vite !

M. Jean Castex, Premier ministre. J'entends bien que nous tirions les conséquences du passé. La crise entraîne effectivement une dégradation des comptes sociaux – M. Marseille y a fait référence – et des comptes publics en général. Il ne faut pas qu'elle soit suivie dans deux ans ou trois ans d'un matraquage fiscal, pratique à laquelle d'autres majorités ont largement eu recours par le passé. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et Les Indépendants. – Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et SOCR.)

Pour cela, nous devons tout d'abord – je profite de l'occasion pour le rappeler devant la Haute Assemblée – gérer la crise internationale dans un cadre européen.

Plus que pour la crise de 2008-2010, que j'ai bien connue, l'Europe doit s'engager et ne pas faire porter aux seuls États, donc in fine à leurs contribuables, les mesures réparatrices et reconstructives que la situation appelle. Il nous faut aussi pouvoir isoler et gérer dans la durée la « dette covid » que cette crise va immanquablement créer.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis à la tête d'un gouvernement renouvelé, avec des visages nouveaux.

M. Jean-François Husson. Très peu !

M. Jean Castex, Premier ministre. Très peu, mais ils sont beaux ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

Toutefois, mon gouvernement incarne également la continuité : nous travaillons d'arrache-pied pour préserver les Français tout en poursuivant la modernisation de la France ! (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et Les Indépendants, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour la réplique.

M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, vous vous dites « gaulliste social ».

M. Jean Castex, Premier ministre. C'est le cas !

M. Patrick Kanner. Certes, vous êtes, semble-t-il, aujourd'hui encarté dans un parti centriste… De la part d'un gaulliste social, j'aurais aimé entendre certains mots : « redistribution », « pouvoir d'achat », « services publics », « planification ». Je pense que cela aurait même parlé à une partie de la droite de l'hémicycle. Or cela n'a pas été le cas.

Votre réponse ne me rassure pas sur votre capacité à gérer l'urgence sanitaire, sociale et économique qui nous attend. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)

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