Question de M. FOUCHÉ Alain (Vienne - Les Indépendants) publiée le 09/07/2020

Question posée en séance publique le 08/07/2020

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour le groupe Les Indépendants – République et territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants.)

M. Alain Fouché. Monsieur le Premier ministre, je voudrais à mon tour, au nom de notre groupe, saluer votre arrivée et celle de votre gouvernement dans notre Haute Assemblée. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Monsieur le garde des sceaux, vous avez déclaré vouloir améliorer la justice de notre pays, garder le meilleur et changer le pire. Le chantier qui vous attend est vaste ! Les Français ont perdu confiance dans cette institution. Elle inspirerait même de la défiance à près de la moitié de nos concitoyens selon un très récent sondage ; je n'invente rien.

Qu'il est long et difficile aujourd'hui d'obtenir justice ! Face à des procédures complexes et coûteuses et au manque criant de moyens humains et matériels, nos concitoyens sont trop nombreux à avoir renoncé à faire valoir leurs droits. Les Français ont parfois le sentiment persistant que l'institution judiciaire de notre pays est forte avec les faibles et faible avec les forts. L'arbitraire est la plus grande menace qui pèse sur la justice ; ce n'est pas récent.

Le meilleur rempart contre cela réside dans le respect des formes et des procédures. La loi doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse.

Vous l'avez dit, la justice ne se rend ni dans la rue, ni sur les réseaux sociaux, ni dans les médias. Il s'agit de l'une des missions essentielles de l'État. C'est aussi l'une des institutions les plus nécessaires à notre démocratie. Elle doit être dotée de moyens à la hauteur de sa mission. Les Français ont besoin d'une justice efficace, rapide et accessible.

Monsieur le garde des sceaux, fort de l'expérience qui est la vôtre, vous avez déclaré qu'il fallait revoir l'institution judiciaire « de A à Z ». Quelles mesures prioritaires comptez-vous prendre ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants, LaREM et UC. – M. Bruno Retailleau applaudit également.)

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 09/07/2020

Réponse apportée en séance publique le 08/07/2020

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je prendrai quelques secondes dans les deux courtes minutes qui me sont imparties pour vous faire part de ma fierté et de mon émotion. La confiance de M. le Président de la République et de M. le Premier ministre m'amène à mesurer à cet instant l'humilité (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SOCR et CRCE.) de la tâche qui est la mienne.

La connaissance que j'ai de la justice est une connaissance empirique, voire, comme je l'ai indiqué hier, charnelle.

M. Jean-Louis Tourenne. Ce n'est pas la question !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Laissez-moi apprendre mon administration, s'il vous plaît !

Mme Élisabeth Lamure. Vous n'avez pas le temps !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Pour ce faire, j'aurai naturellement besoin de tous les parlementaires de la majorité, mais aussi de l'opposition, car je ne suis pas un politique.

M. Jean-François Husson. Si !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Voyez-vous, il est possible de faire évoluer la procédure pénale « de A à Z » ou « de A à C » ; « de A à Z », en quelques mois, c'est compliqué…

Dans le cadre de la commission d'enquête sur l'affaire d'Outreau, des parlementaires de toutes sensibilités ont réussi – car la justice, nous l'avons tous au cœur ! – à transcender tous les clivages et ont proposé quatre-vingt-deux modifications de notre procédure pénale. Je m'appuierai d'ailleurs sur ce travail.

Ce que je veux, c'est une justice de proximité. Certes, il y a les questions budgétaires, mais il y a aussi les hommes. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE et SOCR.)

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Et les femmes ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je parle des « hommes » au sens général : « les hommes et les femmes » ou « les femmes et les hommes ».

Mme Laurence Rossignol. Cette façon de parler est un signe !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Ce n'est le signe de rien, madame !

Il y a des choses toutes simples à faire : remettre au cœur de la justice la présomption d'innocence ; éviter des enquêtes préliminaires qui ne sont plus préliminaires et qui s'éternisent sans aucun contradictoire. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, Les Indépendants, UC et Les Républicains.)

Mme Laurence Rossignol. Et M. Darmanin ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Autre sujet très simple, qui ne relève pas de considérations budgétaires : parfois, les victimes ne sont même pas reçues par le juge d'instruction.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Mais si, elles sont reçues !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. C'est très facile à corriger. J'ai d'ailleurs demandé aux procureurs généraux de venir me voir pour en parler.

J'ai entendu un syndicat de magistrats du siège se plaindre de la perspective de nous voir donner des ordres. Si nous ne le faisons pas avec les procureurs généraux, nous le ferons avec vous ! Il est très simple de demander à une victime de venir.

Je veux une justice plus proche et plus humaine. Je me suis rendu hier dans un centre de détention. (Marques d'impatience sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)

M. le président. Monsieur le garde des sceaux, il vous faut conclure votre propos, car vous êtes pris par le temps. Mais vous bénéficiez aujourd'hui d'une certaine indulgence, car c'est votre première intervention… (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et LaREM.)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Accordez-moi le bénéfice de l'inexpérience, mesdames, messieurs les sénateurs ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour la réplique.

M. Alain Fouché. Étant avocat, je connais bien le monde judiciaire. Les éléments que M. le garde des sceaux a apportés me paraissent clairs et intéressants. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants. – Marques d'ironie sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)

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