Question de M. PACCAUD Olivier (Oise - Les Républicains-R) publiée le 03/09/2020

M. Olivier Paccaud attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique sur l'accélération de la destruction des barrages des moulins, suite à la publication du décret n° 2020-828 du 30 juin 2020. L'administration peut désormais autoriser les arasements de seuils de moulins sous un régime de simple déclaration de travaux.
Aucune étude d'impact environnemental et social, aucune enquête publique, aucune information des citoyens n'est désormais nécessaire pour en finir avec un patrimoine de plusieurs siècles. Ce choc de simplification est dramatique. Le Gouvernement ne s'encombre plus de la biodiversité, de l'asséchement des milieux aquatiques et humides, de la valorisation des territoires ruraux alors que les massacres de barrages déjà réalisés ne semblent pas particulièrement accélérer le retour des « poissons migrateurs », objectif pourtant affiché.
Par ailleurs, l'intérêt hydroélectrique de nombreux moulins n'est plus à démontrer. Cette source d'énergie propre ne mérite-t-elle donc plus le soutien du Gouvernement ?
Il lui demande donc si le Gouvernement entend mettre fin au blanc-seing de la destruction et sauvegarder les aménagements hydrauliques historiques, aujourd'hui plus que jamais menacés.

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Transmise au Secrétariat d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargé de la biodiversité


Réponse du Secrétariat d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargé de la biodiversité publiée le 05/08/2021

La biodiversité aquatique est particulièrement fragilisée en France : d'après les données 2019 de l'UICN (Union internationale pour la conservation de la nature), 28 % des crustacés et 39 % des poissons sont menacés, quand 19 % des poissons présentent un risque de disparition. Dans ce contexte, l'importance de la politique de restauration de la continuité écologique des cours d'eau a été réaffirmée lors des Assises de l'eau en juin 2019 et par le plan biodiversité de juillet 2018, qui prévoit de restaurer la continuité sur 50 000 km de cours d'eau d'ici à 2030. La stratégie biodiversité 2020 de la Commission européenne en fait également un enjeu majeur. La mise en œuvre de cette politique sur le terrain est toutefois délicate car elle doit être conciliée avec le déploiement des énergies renouvelables dont fait partie l'hydroélectricité, la préservation du patrimoine culturel et historique, ou encore les activités sportives en eaux vives. À ce jour, la politique de priorisation mise en oeuvre par le Gouvernement a permis d'identifier les cours d'eau sur lesquels il était important d'intervenir (11 % des cours d'eau), et sur ces cours d'eau, de procéder à des interventions sur environ 5 000 ouvrages. Dans la grande majorité des cas, la solution technique retenue a consisté à aménager l'ouvrage (mise en place d'une passe à poisson, d'une rivière de contournement, abaissement du seuil…), sans qu'il n'y ait suppression du barrage ou du seuil. Un article de la loi Climat et résilience, voté de manière conforme par les deux chambres du Parlement, édicte que, s'agissant des moulins à eau, l'effacement des seuils ne peut désormais constituer une solution dans le cadre de l'accomplissement des obligations relatives au franchissement par les poissons migrateurs et au transport suffisant des sédiments. Comme indiqué à l'Assemblée nationale et au Sénat, le Gouvernement regrette le choix des parlementaires d'avoir adopté cette disposition. En effet, l'effacement permet notamment de limiter la concentration des sédiments et des pollutions, et la disparition d'habitats diversifiés liés à la variation des niveaux d'eau d'une rivière courante et dynamique. En outre, il limite les dégâts lors de crues ou d'inondations. L'effacement total ou partiel d'un ouvrage permet donc de redonner vie aux cours d'eau. Par ailleurs, l'interdiction d'effacer ou de consacrer des aides publiques à l'effacement va contraindre tous les propriétaires d'ouvrages à assumer les dépenses d'entretien liés à leurs seuils même lorsqu'ils souhaiteraient les effacer. Or, cet entretien est jugé par certains propriétaires comme chronophage, coûteux et techniquement délicat : tous ne sont pas en mesure de l'assurer, notamment lorsque l'ouvrage est vétuste. Conformément à un amendement gouvernemental adopté dans la loi Climat et résilience, le ministère de la Transition écologique mettra en place un dispositif de conciliation et de médiation dédié aux questions de restauration de la continuité écologique et de développement de la petite hydroélectricité pour rechercher les solutions les plus pragmatiques aux situations de blocage qui ont été remontées à l'Assemblée nationale comme au Sénat. Il s'agira d'un dispositif à deux niveaux : un dispositif de conciliation au niveau local et, pour les cas ne trouvant pas de solution satisfaisante à ce niveau, l'intervention d'un médiateur national de l'hydroélectricité. Un bilan de ce dispositif sera présenté au Parlement conformément aux dispositions de la loi dans 3 ans. Enfin, concernant la question relative au décret n° 2020-828 : répondant aux objectifs du gouvernement de simplification administrative, et demandée par les collectivités gestionnaires des cours d'eau et milieux humides, la rubrique 3.3.5.0 relative aux travaux de restauration des fonctionnalités naturelles des milieux aquatiques exclusivement soumises à déclaration au titre de la loi sur l'eau, créée par le décret n° 2020-828 du 30 juin 2020, vise principalement à faciliter la réalisation de travaux qui vont dans le sens d'un meilleur fonctionnement des écosystèmes naturels et de l'atteinte des objectifs de la directive cadre sur l'eau. Cette simplification ne met pas en péril le patrimoine et ne remet pas en cause le droit de propriété des riverains (droit à valeur constitutionnelle, qui n'est en rien modifié par les textes précités et demeure préservé par les mêmes dispositions qu'auparavant). La procédure de déclaration comporte une analyse d'incidences adaptée à l'ampleur des interventions envisagées. Les dispositions légales qui prévoient une consultation du public, en application de l'article 7 de la charte de l'environnement, restent par ailleurs applicables. En cas de nécessité (ce qui n'est généralement pas le cas des travaux soumis au régime de déclaration), le public peut donc bien toujours être consulté en application des articles L. 123-19 et suivants du code de l'environnement.

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