Question de Mme COHEN Laurence (Val-de-Marne - CRCE) publiée le 17/09/2020

Mme Laurence Cohen attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur le système de défiscalisation de l'aide alimentaire et les dérives qu'il peut engendrer au détriment des plus démunis.

En effet, selon l'inspection générale des affaires sociales, l'État verse chaque année 476 millions d'euros d'aide alimentaire, dont 75 % sous la forme de réductions d'impôt, principalement pour les grandes surfaces. Suite à la loi n° 2016-138 du 11 février 2016 relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire, ces supermarchés ont considérablement augmenté leurs dons alimentaires pour profiter de cette défiscalisation. Malheureusement, alors que le don doit être fait au plus tard 48 heures avant la date limite de consommation, en réalité, de nombreux produits sont livrés le jour même de leur date de péremption.

En 2018, sur les 113 000 tonnes de dons, 11 000 tonnes ont dû être jetées selon la fédération française du bénévolat associatif. Ainsi, les grandes surfaces ne paient plus la destruction de leurs invendus mais bénéficient de réductions fiscales sur les dons de produits périmés qui, impropres à la consommation, seront jetés par les associations caritatives.

Le rapport d'information sur l'évaluation de la loi du 11 février 2016 pointe ces manquements : « produits périssables livrés à l'association le jour de péremption, rendus difficiles à redistribuer, arrivage de produits frais sans limite de consommation indiquée […] dans un état parfois avancé de vieillissement ». Selon ce rapport, « la mise en place de contrôles semble indispensable pour garantir un cadre équilibré du don alimentaire ».

Or, en même temps, les besoins en aide alimentaire ne cessent de croître. Suite à la crise de la Covid-19 et au confinement, le nombre de bénéficiaires aurait augmenté de 30 à 50 % selon une étude de l'institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement.

Aussi, elle lui demande quelles actions il compte mettre en place afin de remédier à ces pratiques abusives et d'assurer un meilleur contrôle des produits destinés à l'aide alimentaire.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 22/10/2020

Le rapport d'information sur l'évaluation de la loi n° 2016-138 du 11 février 2016 relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire, par les députés Graziella Melchior et Guillaume Garot souligne effectivement la problématique de la qualité du don, et notamment la distribution de produits difficiles à redistribuer car disposant d'une durée de vie résiduelle courte. Cela est également souligné par le rapport d'évaluation de cette même loi par le cabinet Ernst and Young, mandaté par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation. Selon ce dernier rapport, le volume de don alimentaire redistribué par les principales associations d'aide alimentaire a augmenté de 13 % entre 2016 et 2017, l'obligation de proposer une convention de don à une association étant entrée en vigueur au 11 février 2017. Le décret d'application de la loi n° 2016-138 du 11 février 2016 relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire a introduit l'article D. 543-306 du code de l'environnement selon lequel les denrées soumises à une date limite de consommation (DLC) doivent être redistribuées uniquement lorsque le délai restant jusqu'à expiration de cette DLC est supérieur ou égal à 48 h. Cependant, le texte précise que le délai peut être inférieur si l'association est en mesure de justifier qu'elle est apte à redistribuer les denrées concernées avant l'expiration de la date limite de consommation. Le rapport d'information parlementaire a présenté un certain nombre de recommandations pour remédier à cette problématique : accentuer les opérations de contrôle des infractions relatives à la lutte contre le gaspillage alimentaire et augmenter les sanctions liées à ces infractions. La loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (dite loi AGEC) a permis de répondre à cette dernière recommandation en augmentant la sanction liée à la destruction de denrées encore consommable à une amende pouvant atteindre 0,1 % du chiffre d'affaires, et la sanction liée au fait de ne pas proposer une convention de don à une contravention de 5e classe. De même, un travail est en cours entre les directions ministérielles chargées des contrôles pour réaliser un état des lieux des habilitations des différents corps de contrôle et mettre en place un dispositif permettant de coordonner les actions de contrôle. De plus, dans le cadre du pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire, le groupe de travail sur le don alimentaire réunissant l'administration, les associations d'aide alimentaire, les représentants des professionnels du secteur de la distribution et les sous-traitants du don, est un espace d'échange permettant aux acteurs d'évoquer ces problématiques et de mettre en place les actions correctives adaptées. Enfin, le décret n° 2019-302 du 11 avril 2019 relatif aux conditions dans lesquelles les commerces de détail s'assurent de la qualité du don lors de la cession à une association habilitée en application de l'article L. 266-2 du code de l'action sociale et des familles, pris en application de la loi dite EGALIM, a introduit l'obligation de mettre en place un plan de gestion de la qualité du don, comprenant un plan de sensibilisation de l'ensemble du personnel, un plan de formation du personnel chargé du don et les conditions d'organisation du don. Cette disposition est entrée en vigueur au 1er janvier 2020. La loi AGEC a élargi le périmètre de ce plan de gestion de la qualité du don en introduisant des procédures de suivi et de contrôle de la qualité du don.

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