Question de Mme HARRIBEY Laurence (Gironde - SER) publiée le 08/10/2020

Mme Laurence Harribey attire l'attention de Mme la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion sur la situation des guides-conférenciers de France.

Le tourisme représente 7,4 % du produit intérieur brut (PIB) national (2017) avec 87 millions d'arrivées de touristes étrangers, ce qui fait de la France le pays le plus visité au monde. La Nouvelle-Aquitaine a un poids dans le tourisme national élevé grâce à ses zones côtières, son massif pyrénéen ou son Périgord noir. Les grandes villes comme Bordeaux bénéficient de leur côté d'un important développement du tourisme d'affaires et les quatre villes les plus importantes de notre région regroupent presque 25 % des emplois touristiques.

La crise sanitaire que traverse actuellement notre pays révèle au grand jour des disparités qui existent depuis des années dans leur profession : les guides-conférenciers souffrent de précarité et ce quel que soit leur statut ; ils ont une activité très saisonnière : la majorité des tours se font entre avril et octobre et enfin ils travaillent à la mission, pour différents employeurs et dans différentes régions.
Les guides-conférenciers sont dans une situation délicate car tributaires de l'actualité : les attentats, la crise des gilets jaunes et les grèves (SNCF, retraite...) et aujourd'hui, la pandémie du Covid-19 les fragilisent.

Elle demande qu'une réflexion soit menée afin que les guides-conférenciers puissent jouir d'un statut plus protecteur. S'il faut un diplôme reconnu par l'État et une carte délivrée par les préfectures pour guider dans les monuments historiques et les musées, ce territoire pourrait être élargi aux espaces publics des grands sites touristiques tels les villes et villages labélisés (organisation des nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), villes et pays d'art et d'histoire, plus beaux villages de France...) afin de garantir au public des prestations à la hauteur de ces sites d'exception.

Un grand nombre de nos voisins ont mis en place une réglementation très stricte pour que leur patrimoine soit mis en avant uniquement par des professionnels diplômés, formés aux gestes de premier secours et assurés. L'exemple de l'Italie est édifiant : seuls les guides titulaires d'une carte professionnelle semblable à la nôtre peuvent exercer ce métier, et tout « guide » qui ne présente pas de manière apparente le badge délivré par l'État se voit aussitôt infliger une amende.

Il y a plusieurs avantages à sanctuariser la profession de guide-conférencier : renforcer et soutenir les actions des pouvoirs publics en matière de protection de l'environnement culturel et les politiques de communication des offices du tourisme ; mettre en valeur l'architecture, les lieux, la culture par des professionnels locaux ; encadrer le champ d'action du guide-conférencier et mieux contrôler les acteurs illégaux du secteur comme les « free tours », et enfin réinventer un tourisme de proximité, solidaire et éthique.

- page 4527

Transmise au Ministère de la culture


Réponse du Ministère de la culture publiée le 16/12/2020

Réponse apportée en séance publique le 15/12/2020

Mme le président. La parole est à Mme Laurence Harribey, auteure de la question n° 1306, transmise à Mme la ministre de la culture.

Mme Laurence Harribey. Ma question porte sur la situation difficile des guides-conférenciers, acteurs essentiels du tourisme, qui constitue un secteur fondamental de notre économie.

La crise sanitaire, vous le savez, révèle au grand jour leur précarité, du fait d'une activité par principe très saisonnière et dépendante des aléas de l'actualité – aujourd'hui c'est la pandémie, mais il y a déjà eu les attentats ou des crises sociales comme celle des gilets jaunes –, mais aussi en raison de leur statut et de l'accomplissement d'un travail qui est le plus souvent « à la mission ».

Dans une question écrite du mois de mai 2020, j'appelais déjà à un statut plus protecteur de cette profession. La réponse qui m'a été faite en juillet 2020 s'est limitée à rappeler que les réformes successives, notamment celles de 2011 et de 2016, assuraient un cadre d'exercice suffisamment protecteur. Pour autant, ces avancées n'empêchent pas une concurrence déloyale, avec le développement d'une forme d'uberisation de la profession via des plateformes peu soucieuses des conditions d'exercice du métier.

En outre, la réponse relevait qu'il y avait un risque juridique européen à trop réglementer, du fait du respect nécessaire de proportionnalité dans les règles nationales d'accès à des professions réglementées. Cependant, s'il était affirmé que 50 % des États membres ne réglementaient pas, il n'empêche que les 50 % restant réglementent, ce d'une manière très stricte, à l'image de l'Italie.

D'où deux questions : pourquoi ne pas revoir le statut des guides-conférenciers, qui se sentent des laissés-pour-compte ; et pourquoi, compte tenu de l'urgence, ne pas ouvrir à ces professionnels un dispositif tel que celui de l'année blanche, à l'imitation de ce qui a été fait pour les intermittents du spectacle ?

Mme le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture. Madame la sénatrice, s'il reste difficile d'estimer le nombre des guides-conférenciers, on considère que 7 000 personnes environ exercent cette profession aujourd'hui dans notre pays, réglementée par l'article L. 221-1 du code du tourisme. Vous soulignez à juste titre le rôle de premier plan que tiennent ces professionnels dans la transmission du patrimoine historique et culturel, à travers la conduite de visites guidées dans les musées et monuments historiques – je sais qu'ils sont nombreux dans votre département de Gironde.

Les difficultés qu'ils rencontrent sont réelles : ils ont été privés d'activité pendant la période de confinement et se trouvent encore dans une situation difficile du fait de l'effondrement de la fréquentation des lieux pour lesquels ils travaillent. Ces difficultés ont été rapidement prises en compte par le Gouvernement, dans le cadre d'un travail mené conjointement avec le ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion et le ministère de l'économie, des finances et de la relance. Ces professionnels sont en effet pleinement éligibles aux dispositifs transversaux de soutien mis en place, à savoir le fonds de solidarité, la prise en charge majorée de l'activité partielle et les prêts garantis par l'État.

Au-delà de ces aides financières, nous réfléchissons bien évidemment à l'organisation de cette profession qui connaît de vraies disparités. Heureusement, il y a des gens qui ne sont pas ou peu concernés par les difficultés qui ont été prises en charge ; il y a aussi une part d'économie grise dans ces professions qui est tout à fait considérable.

Comme vous le souhaitez, une réflexion est bien engagée pour aller vers un statut plus protecteur. Un groupe de travail interministériel, qui réunit les trois principaux fédérations et syndicats professionnels représentatifs des guides-conférenciers, a été mis en place et se réunit régulièrement. Il nous permet notamment d'avancer sur la question de la sécurisation des cartes professionnelles, mais également sur la création d'un registre numérique pour éviter les falsifications.

Par ailleurs, afin de renforcer la connaissance sur cette profession et d'en évaluer les besoins, une étude monographique du secteur – dont la dernière date de plus de dix ans – a été lancée. Nous agissons donc pour le présent, en accompagnant pendant la crise cette profession qui regroupe des situations disparates, mais aussi pour l'avenir en réfléchissant, avec l'ensemble de ses représentants, sur une meilleure réglementation de l'exercice du métier.

Les guides-conférenciers sont appelés à jouer un rôle majeur dans la reprise des activités culturelles et du tourisme dans les semaines et les mois à venir. Soyez assurée de l'engagement du Gouvernement à leurs côtés.

Mme le président. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour la réplique.

Mme Laurence Harribey. Je prends acte, madame la ministre, non seulement que vous réfléchissiez à tout cela, mais aussi qu'une concertation est en cours. Je souhaiterais aussi vous inviter à prendre en compte tout l'aspect illégal d'un certain nombre de plateformes, dénommées les free tours, de manière à aller vers une réglementation beaucoup plus stricte, à l'image de l'Italie et de la Grèce, pays dans lesquels la profession est bien plus protégée. (Mme la ministre opine.)

- page 11930

Page mise à jour le