Question de M. MENONVILLE Franck (Meuse - INDEP) publiée le 22/10/2020

M. Franck Menonville attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur la mise en œuvre des dispositions de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Elle prévoit le regroupement des fonctions de juge d'instruction au sein d'une même juridiction dans les départements dotés de plusieurs tribunaux judiciaires.

Le département de la Meuse dispose actuellement de deux cabinets d'instruction l'un situé à Verdun et l'autre à Bar-Le-Duc. Au regard des dispositions de l'ordonnance du 2 février 1945 le transfert aurait lieu au bénéfice du tribunal d'instance de Verdun, conditionné par la présence du tribunal pour enfant.

La perte d'un magistrat instructeur risque d'affecter la pérennité et l'attractivité des institutions judiciaires essentielles au dynamisme local. L'absence de juge d'instruction limiterait indéniablement l'activité judiciaire du tribunal concerné.

A fortiori, au regard des distances géographiques dans notre département, cette nouvelle organisation risque de davantage éloigner nos concitoyens de la justice déjà fortement impactés par des problèmes de mobilité. On compte près de 100 kilomètres entre l'extrême sud du département et Verdun.

De plus, l'éloignement des deux tribunaux desquels dépendent deux centres de détention (Saint-Mihiel et Montmédy) et une maison d'arrêt en face du tribunal, va complexifier les missions de la police et de la gendarmerie en terme de transport de gardés à vue ou autres.

De plus, le projet de centre industriel de stockage géologique (CIGEO), encore aujourd'hui au stade de laboratoire, se trouve dans la circonscription du tribunal de Bar-Le-Duc. L'approche d'échéances électorales majeures risque de créer des tensions sur ce secteur, génératrices de suites pénales. Il nécessitera sans aucun doute la présence d'un juge instructeur pour gérer ces affaires à venir.

Il souhaiterait connaitre la position du Gouvernement sur ce dossier au regard de ces éléments.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité publiée le 06/11/2020

Réponse apportée en séance publique le 05/11/2020

Mme le président. La parole est à M. Franck Menonville, auteur de la question n° 1323, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Franck Menonville. Ma question porte sur la mise en œuvre des dispositions de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. En effet, ce texte prévoit le regroupement des fonctions de juge d'instruction au sein d'une même juridiction dans les départements dotés de plusieurs tribunaux judiciaires.

Le département de la Meuse dispose actuellement de deux cabinets d'instruction, l'un situé à Verdun et l'autre à Bar-le-Duc. Au regard des dispositions de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, le transfert aurait lieu au bénéfice du tribunal d'instance de Verdun, conditionné par la présence d'un tribunal pour enfants.

La perte d'un magistrat instructeur à Bar-le-Duc affecterait indéniablement la pérennité et l'activité judiciaire du tribunal concerné. A fortiori, au regard des distances géographiques dans notre département, cette organisation risque d'éloigner davantage nos concitoyens de la justice : tel n'est pas le sens de la loi, me semble-t-il. De plus, l'éloignement des deux tribunaux desquels dépendent deux centres de détention – Saint-Mihiel pour Bar-le-Duc et Montmédy pour Verdun – et une maison d'arrêt située en face du tribunal vont complexifier les missions de la police et de la gendarmerie en matière de transport des personnes placées en garde à vue ou autres.

En outre, le projet Cigéo, encore aujourd'hui au stade de laboratoire, se trouve dans la circonscription du tribunal de Bar-le-Duc. Des décisions majeures vont être prises dans un calendrier assez proche. Cela pourrait créer des tensions génératrices de suites pénales. Cette situation nécessitera sans aucun doute la présence d'un juge instructeur pour gérer ces affaires à venir.

Au regard de ces éléments, pouvez-vous nous présenter, monsieur le secrétaire d'État, les intentions du Gouvernement sur ce dossier ?

Mme le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Joël Giraud, secrétaire d'État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur Menonville, vous appelez l'attention du garde des sceaux, qui vous prie de bien vouloir excuser son absence, sur la situation du tribunal judiciaire de Bar-le-Duc et de l'éventuel regroupement, au tribunal judiciaire de Verdun, de l'activité d'instruction des tribunaux judiciaires du département de la Meuse, rendu possible par l'application des dispositions de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

Parmi les objectifs recherchés, cette loi vise à simplifier l'organisation des juridictions afin d'en faciliter l'accès et à garantir une justice plus efficace et de qualité, la nouvelle architecture des juridictions de première instance devant répondre aux impératifs complémentaires de proximité et de spécialité. Ainsi, la fusion des tribunaux d'instance et des tribunaux de grande instance, devenus tribunaux judiciaires depuis le 1er janvier 2020, s'est effectuée sans qu'aucun lieu de justice soit fermé.

Par ailleurs, la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice permet, dans les départements comptant au moins deux tribunaux judiciaires, de concentrer l'activité d'instruction et de spécialiser une ou plusieurs juridictions en certaines matières civiles ou pénales, dans l'objectif d'accroître l'efficacité et la qualité de traitement du contentieux, en favorisant la spécialisation des magistrats et en luttant contre leur isolement.

Plus précisément, l'article 52-1 du code de procédure pénale pose le principe, dans les départements comptant plusieurs tribunaux judiciaires, de la présence d'au moins une juridiction d'instruction dans le département, tout en autorisant la désignation par décret des tribunaux judiciaires dans lesquels il n'y a pas de juge d'instruction.

L'article L. 211-9-3 du code de l'organisation judiciaire prévoit quant à lui, dans les départements sur le territoire desquels sont implantés plusieurs tribunaux judiciaires, la faculté de spécialiser un ou plusieurs de ces tribunaux dans le traitement des contentieux déterminés, dont la liste est prévue par l'article R. 211-4 du code de l'organisation judiciaire.

Afin de garantir la pertinence des nouveaux schémas départementaux d'organisation du contentieux de première instance, la mise en œuvre de ces dispositions doit être effectuée sur l'initiative des acteurs locaux, qui seuls connaissent les spécificités de leur territoire et sont en mesure d'élaborer des propositions adaptées. C'est ainsi que de larges concertations, associant notamment les chefs de juridiction, les représentants des personnels de juridiction, les avocats, l'autorité préfectorale, les élus et les forces de sécurité intérieure, ont été organisées sur l'initiative des chefs de la cour d'appel de Nancy, afin que toute éventuelle nouvelle organisation judiciaire du département de la Meuse soit en adéquation avec la réalité des territoires.

Les circonstances sanitaires exceptionnelles du premier semestre de l'année 2020 n'ayant pas permis d'aller, à ce stade, plus avant sur ces projets, les services du garde des sceaux collaborent étroitement avec la cour d'appel de Nancy sur ces questions et porteront une attention particulière à la situation du tribunal judiciaire de Bar-le-Duc.

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