Question de Mme DELATTRE Nathalie (Gironde - RDSE) publiée le 29/10/2020

Mme Nathalie Delattre interroge M. le ministre de l'intérieur sur la position du Gouvernement à la suite de la parution le 20 octobre 2020 du rapport de la Cour des Comptes relatif aux polices municipales. Ce rapport fait le constat de l'essor des polices municipales, dont les contours des missions se sont peu à peu élargis. Il constate que, « dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, les agents de police municipale ont également été fortement sollicités pour sanctionner les infractions aux règles de sécurité sanitaire ». Plus fondamentalement, face à la montée de l'insécurité et aux atteintes portées à la tranquillité publique, l'État n'a pas déployé suffisamment de moyens territorialisés pour répondre à ce besoin. C'est pourquoi de nombreuses municipalités, dans la mesure de leurs moyens, et au-delà des appartenances politiques, ont choisi de se doter de services de police municipale. Dans les plus petites communes, elle constate une forte demande de mutualisation des polices au niveau intercommunal, que l'État devrait continuer à accompagner.

Elle réaffirme que les moyens municipaux n'ont pas vocation à se substituer au rôle et aux pouvoirs régaliens de l'État, qu'ils soient incarnés par la police nationale ou la gendarmerie, mais bien d'intervenir en complémentarité au sein du continuum de sécurité, dans une logique du quotidien. Si le rapport de la Cour des Comptes insiste sur l'aspect qualitatif des outils et des politiques publiques territoriales déployées en la matière, il souligne aussi les disparités constatées dans les missions confiées par les municipalités à ces agents.

C'est pourquoi elle souhaite connaître la position du Gouvernement sur l'encadrement du contenu des missions confiées aux agents, qui peut passer comme le propose la Cour des comptes par des compétences nouvelles (tapage nocturne, dépôts sauvages, ivresse nocturne, débits de boisson). En revanche, elle ne partage pas les préconisations de la Cour en matière de formalisation d'engagements entre la préfecture et les municipalités qui consisteraient à conditionner le maintien de forces de police nationale localement « en contrepartie » de la mise en place d'une police municipale. Ce serait ainsi la double peine pour les municipalités qui n'ont ni les moyens financiers, ni les capacités techniques à mettre en place une police municipale.

Elle se félicite de la parution du décret n° 2020-1244 du 9 octobre 2020 modifiant diverses dispositions relatives à l'organisation de la formation initiale d'application et de la formation obligatoire des agents de certains cadres d'emploi de la police municipale, qui vise à faciliter la formation des policiers municipaux disposant déjà d'une expérience probante dans la police nationale, la gendarmerie ou l'armée. Elle propose en outre que le contenu des formations dispensées par le centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) soit évolutif et travaillé en étroite collaboration avec les services de l'État, et que celui-ci participe financièrement à la formation des agents, aujourd'hui à la charge des municipalités.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargé de la jeunesse et de l'engagement publiée le 06/11/2020

Réponse apportée en séance publique le 05/11/2020

Mme le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, auteure de la question n° 1327, adressée à M. le ministre de l'intérieur.

Mme Nathalie Delattre. Il est difficile d'ignorer sur le terrain la forte progression, tant en nombre qu'en présence territoriale, de la police municipale. Cela fait d'ailleurs l'objet d'un rapport de la Cour des comptes paru le 20 octobre dernier.

Dans le contexte que nous connaissons, avec la pandémie qui récidive et le terrorisme qui s'acharne sur notre territoire, nos forces de police municipale sont, aujourd'hui, au cœur de notre dispositif de sécurité publique. Nous avons vu toute leur utilité à Nice. Elles étaient encore mobilisées ce week-end dans nos gares et nos aéroports pour veiller au respect des règles sanitaires, devant nos cimetières, nos lieux de culte, nos écoles et nos hôpitaux pour protéger nos concitoyens.

Face à la montée de l'insécurité et aux atteintes portées à la tranquillité publique, l'État, ces dernières années, n'a pas déployé suffisamment de moyens territorialisés pour répondre à ce besoin. De nombreuses municipalités ont dû, par la force des choses, se doter de services de police municipale. Cela est seulement vrai pour certaines, les plus petites communes ayant du mal à y arriver en raison de la complexité de la mutualisation des polices municipales à l'échelon intercommunal. Le Gouvernement peut-il proposer rapidement des simplifications en la matière ?

Reste que les moyens municipaux n'ont pas vocation à se substituer au rôle et aux pouvoirs régaliens de l'État, qu'ils soient incarnés par la police nationale ou la gendarmerie. Nos polices municipales doivent intervenir en complémentarité au sein du continuum de sécurité, dans une logique du quotidien.

Aussi, compte tenu des disparités constatées dans les missions confiées par les municipalités à ces agents, je souhaite interroger le Gouvernement sur sa position concernant l'encadrement du contenu de telles missions, qui peut passer par des compétences nouvelles : tapage nocturne, dépôts sauvages, ivresse nocturne ou débits de boisson, par exemple. Cela constitue-t-il un axe de travail du ministre ?

Dans ce cadre, je tiens à alerter sur une proposition esquissée, entre les lignes, par la Cour des comptes, visant à conditionner le maintien de forces de police nationale localement « en contrepartie » de la mise en place d'une police municipale. Comment peut-on écrire cela ? C'est à la fois mépriser les communes qui ont fait des efforts financiers pour pallier les manquements et méconnaître les réalités locales. J'espère que ce n'est pas une préconisation que le Gouvernement suivra à la lettre.

Enfin, concernant la formation, il convient de la faire évoluer encore et de renforcer la collaboration entre le CNFPT et les services de l'État, à qui devrait revenir, en compensation, la charge financière de la formation des agents, en lieu et place des municipalités. L'État doit réinvestir ce champ.

Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l'engagement. Madame la sénatrice Delattre, les services de police municipale jouent aujourd'hui un rôle à part entière dans la sécurité publique de notre pays. Cela s'est illustré, vous l'avez rappelé, lors du dramatique attentat dans la basilique Notre-Dame, à Nice.

Je ne partage pas l'affirmation selon laquelle l'État n'a pas déployé suffisamment de moyens territorialisés. En effet, le Gouvernement recrute, dans le cadre du plan 10 000, 7 500 policiers et 2 500 gendarmes. Ainsi, en 2021, 1 145 policiers et 317 gendarmes rejoindront nos forces de sécurité intérieure.

C'est précisément pour cette raison que je partage votre désaccord sur la préconisation de la Cour des comptes consistant à conditionner le maintien de forces de police nationale dans les communes concernées « en contrepartie » de la mise en place d'une police municipale. Il en est hors de question ! Le déploiement des forces de sécurité de l'État doit continuer sans autre considération que l'analyse de la délinquance locale et des besoins, au bénéfice de nos concitoyens.

Cela étant posé, les synergies que la Cour des comptes appelle de ses vœux sont déjà mises en œuvre et doivent se poursuivre.

Les mutualisations entre petites et moyennes communes, qui n'ont pas les moyens de recruter seules un ou plusieurs policiers municipaux, sont également indispensables : il faut les accompagner et leur donner d'autres outils, comme vous l'avez souligné. Elles sont totalement encouragées par le Gouvernement. De plus, la proposition de loi relative à la sécurité globale, présentée par les députés Fauvergue et Thourot, sera soutenue par le Gouvernement, car elle prévoit notamment de supprimer le seuil de 80 000 habitants permettant la mutualisation des polices municipales.

En ce qui concerne l'amélioration de la formation, je vous rappelle que le Centre national de la fonction publique territoriale organise ses formations en liaison étroite avec la police et la gendarmerie nationales, dans le cadre d'un protocole d'accord en vigueur depuis 1997. De plus, le décret du 9 octobre 2020 a permis de créer des passerelles – elles doivent être encore renforcées – pour les agents des services actifs de la police nationale et des militaires de la gendarmerie nationale souhaitant intégrer une police municipale. En revanche, les policiers municipaux étant des fonctionnaires territoriaux, c'est à leur employeur de supporter le coût de leur formation.

Enfin, à l'égard des prérogatives nouvelles qui pourraient être attribuées aux polices municipales, les réflexions sont nombreuses et vont plutôt dans le sens que vous préconisez. Il faut élargir ce champ : le Gouvernement soutient cette initiative, en étroite collaboration avec les élus.

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