Question de M. KANNER Patrick (Nord - SER) publiée le 15/10/2020

Question posée en séance publique le 14/10/2020

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Patrick Kanner. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, la crise que nous sommes en train de vivre est grave. Elle sera longue et elle affecte déjà fortement, vous le savez, la vie de nombre de nos concitoyens.

Ce constat, nous le faisons collectivement depuis de nombreux mois, et il vient malheureusement d'être confirmé par ce chiffre dramatique : la crise sanitaire, mes chers collègues, a fait basculer 1 million de Français dans la pauvreté. Ils rejoignent les 9 millions de nos concitoyens qui vivaient déjà sous le seuil de pauvreté.

Dans le même temps, un rapport de France Stratégie nous informe que la suppression de l'impôt sur la fortune et l'instauration de la flat tax au début du quinquennat ont eu pour effet de faire fortement augmenter les revenus des 0,1 % des Français les plus aisés, tandis que la distribution de dividendes, de plus en plus ciblée, a explosé.

Cette concentration du capital n'est pas acceptable. Elle l'est encore moins quand tant de Français sont dans la souffrance.

Votre politique aggrave les inégalités sociales et territoriales. Vous auriez dû agir ; il est trop tard. Je vous demande donc de réagir.

Ainsi, je fais un rêve : celui d'un gouvernement capable de revenir sur ses erreurs, de supprimer son bouclier fiscal, devenu un tremplin fiscal, et de penser à de nouvelles ressources liées à la taxation du capital ; celui d'un gouvernement qui ouvre le revenu minimum aux jeunes pour les empêcher de sombrer ; celui d'un gouvernement qui abroge sa réforme de l'aide personnalisée au logement, l'APL, qui revalorise le point d'indice pour les agents de la fonction publique et qui donne un coup de pouce au SMIC.

En somme, je fais le rêve d'un gouvernement qui lutte enfin contre les inégalités, qui dégrippe l'ascenseur social et qui empêche de nouvelles catégories de la population de tomber dans la précarité.

Monsieur le Premier ministre, la réalité est là, sous vos yeux, sous nos yeux, tragique. Allez-vous la prendre en compte et enfin changer de cap ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)


Réponse du Premier ministre publiée le 15/10/2020

Réponse apportée en séance publique le 14/10/2020

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le président Patrick Kanner, je voudrais rappeler à la Haute Assemblée que, contrairement à vos affirmations, avant la survenue de la crise sanitaire, grâce à la politique que nous avons conduite, inverse de celle que vous préconisez, notamment grâce à une baisse des impôts, la croissance en France était l'une des meilleures de l'Union européenne,…

M. François Patriat. C'est vrai !

M. Jean Castex, Premier ministre. … le niveau de chômage était également l'un des plus satisfaisants, tandis que les investissements étrangers n'avaient jamais été aussi nombreux depuis dix ans.

Bref, cher président Kanner, des résultats économiques nettement supérieurs à ceux que vous aviez enregistrés à la fin du précédent quinquennat ! (Vives protestations sur les travées du groupe SER.)

M. Philippe Dallier. Ce n'était pas difficile ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean Castex, Premier ministre. Je le rappelle, depuis la survenue de la crise sanitaire, nous assistons effectivement, et malheureusement, ici comme ailleurs, à une forte dégradation et des chiffres du chômage et, hélas, de ceux de la pauvreté.

Je rappelle au Sénat que notre système de protection sociale présente heureusement des amortisseurs – soyons-en fiers ! –, qui, si nous établissons une comparaison avec des pays étrangers et proches, ont permis de faire face mieux qu'ailleurs à cette dégradation.

Mme Laurence Rossignol. Il faut donc ne rien faire ?

M. Jean Castex, Premier ministre. Contrairement à ce que vous dites, nous ne sommes pas du tout restés inactifs à l'endroit de ces populations depuis le début de la crise : je vous rappelle que plus de 2 milliards d'euros – vous en avez débattu dans cette assemblée à l'occasion des PLFR successifs – ont été débloqués à destination de ces publics. (Mme Cécile Cukierman s'exclame.)

Une aide exceptionnelle de solidarité a été versée le 15 mai dernier à 4,1 millions de foyers en difficulté, tandis que, au mois de juin, 200 euros ont été versés à 800 000 jeunes en difficulté, pour un total de 160 millions d'euros.

Mon gouvernement a revalorisé d'un peu plus de 100 euros l'allocation de rentrée scolaire, cependant que le plan de relance comprend des mesures de soutien aux associations de lutte contre la pauvreté et prévoit 100 millions d'euros également pour renforcer l'hébergement des plus démunis.

Comme je l'ai indiqué tout à l'heure au président Marseille, nous ajusterons nos moyens pour tenir compte de la deuxième vague épidémique et de ses conséquences sociales.

Nous menons aussi une politique de fond. Je vous le dis, nous ne souhaitons pas instaurer un revenu de solidarité active, ou RSA, jeune.

L'objectif de fond du Gouvernement, c'est de faire face aux problèmes que rencontrent les plus démunis dans la crise. Cette réponse sera à la hauteur, mais elle n'invalide pas notre politique de fond, qui, plutôt que d'installer des gens dans les allocations, vise à les insérer par le travail, par l'activité économique, par le logement, par la santé. Là encore, les moyens affectés à ces politiques seront augmentés. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour la réplique.

M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, votre réponse ne définit pas une politique, c'est un slogan ! J'ai le sentiment que, quand les Français tombent, les plus riches de nos concitoyens peuvent dormir tranquillement : le Gouvernement veille sur eux. (Marques de désapprobation sur les travées du groupe Les Républicains.)

Je le regrette. Aujourd'hui, ce qu'il nous faut, ce n'est pas de l'égalité, c'est de l'équité : demander un effort supplémentaire à ceux qui ont tant obtenu depuis le début de ce quinquennat n'aurait pas été scandaleux. Vous vous y refusez : je tiens à vous dire que les Français sauront vous juger. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

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