Question de M. BABARY Serge (Indre-et-Loire - Les Républicains) publiée le 15/10/2020

Question posée en séance publique le 14/10/2020

M. le président. La parole est à M. Serge Babary, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Serge Babary. Ma question s'adressait à M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance. (« Il n'est pas là ! » sur les travées du groupe Les Républicains.)

Le groupe Veolia, leader mondial des services de gestion de l'eau, des déchets et de l'énergie, s'est lancé dans une opération agressive de rachat de son grand rival français, Suez. Après deux tentatives sans lendemain en 2006 et 2012, le groupe Engie a accepté de vendre à Veolia ses parts de Suez.

Cette initiative hostile interroge, d'abord parce que l'argument qui consiste à vanter la création d'un géant mondial est très relatif : réunies, les deux entreprises représenteront moins de 5 % du marché mondial. La France a deux grands groupes sur ce marché ; demain, elle n'en aura plus qu'un. L'opération pourrait s'apparenter davantage au dépeçage d'une entreprise qu'à l'addition de deux groupes.

Ensuite, le bénéfice en matière d'emplois d'une telle évolution est difficile à percevoir. Quel sort réservera Veolia aux 30 000 collaborateurs de Suez en France ? Si l'on regarde Alcatel Lucent, Lafarge Holcim ou General Electric Alstom, des promesses ont été faites, mais les synergies annoncées se sont traduites par des plans sociaux.

M. Bruno Retailleau. C'est vrai !

M. Serge Babary. Enfin, cette opération va limiter la saine et indispensable concurrence qui existe sur ces marchés au bénéfice des collectivités locales et des citoyens. Veolia et Suez sont deux acteurs importants en concurrence frontale, quoi de plus stimulant ? Ce secteur est connu pour présenter, déjà, des niveaux de concentration élevés. Est-il raisonnable d'aller plus loin ? Est-il raisonnable de faire intervenir un fonds de pension sur un marché où la vision stratégique à long terme est essentielle ?

Face à ces questions, qui concernent l'avenir d'une grande entreprise française et des milliers d'emplois, où est l'État ?

J'ai bien entendu M. Le Maire : il veut des garanties pour l'emploi. Mais comment compte-t-il faire pour que les mêmes causes ne produisent pas les mêmes effets délétères sur l'emploi que dans les fusions précédemment évoquées ? Peut-il nous assurer que, contrairement à ce qu'on lit et entend parfois, l'État n'a pas, sur ce dossier, un double langage, hostile au rachat en apparence, mais facilitateur en coulisses ?

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Serge Babary. La question se pose, dès lors que l'on se souvient que le Premier ministre, le 3 septembre, s'est enthousiasmé pour ce rachat, évoquant un mariage qui « fait sens ».

M. le président. Il faut vraiment conclure !

M. Serge Babary. Pourquoi un tel engagement ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)


Réponse du Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance - Petites et moyennes entreprises publiée le 15/10/2020

Réponse apportée en séance publique le 14/10/2020

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises.

M. Alain Griset, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des petites et moyennes entreprises. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Babary, Veolia et Suez sont deux champions français du traitement des déchets et de la gestion de l'eau, présents partout dans le monde. Les Français connaissent bien ces deux entreprises et leur font confiance au quotidien.

Nous ne pouvons pas accepter que ces deux champions industriels français se livrent une guerre en plein cœur de l'une des crises économiques les plus graves qu'ait traversées le pays. Nous avions besoin, au contraire, que ces deux industriels prennent le temps de se parler et d'échanger sur un projet qui soit accepté par toutes les parties.

Pour être un succès pour Veolia et pour Suez comme pour leurs clients et leurs salariés, cette opération ne devait pas être réalisée en force et dans la précipitation. Le ministre Bruno Le Maire en a appelé au sens des responsabilités des deux parties et leur a demandé de prendre le temps.

L'État a fixé des conditions.

La pérennité de l'emploi, tout d'abord, alors que les salariés de Suez, notamment plus de 30 000 femmes et hommes employés en France, ont été en première ligne durant la crise pour garantir le bon fonctionnement des services publics essentiels, comme le traitement des déchets ou l'accès à l'eau.

La logique industrielle, ensuite, notamment en s'assurant que les acteurs susceptibles de reprendre les activités de Suez en France sont crédibles, robustes et engagés à long terme. Il n'est pas question que cette opération soit le prélude à une perte de souveraineté dans des secteurs sensibles et stratégiques.

La préservation d'une offre concurrentielle et de qualité pour remplir les missions essentielles qui relèvent de la compétence de ces entreprises est également soulignée, ainsi, enfin, que l'intérêt patrimonial de l'État, actionnaire d'Engie.

Tels sont les critères que Bruno Le Maire a posés d'emblée et qui ont guidé le choix de l'État au conseil d'administration d'Engie. Faute d'accord entre Suez et Veolia, l'État ne pouvait pas valider cette session, qui n'était pas acceptée par l'ensemble des parties prenantes, notamment par les salariés de Suez. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Valérie Boyer. Le ton employé est à lui seul une réponse !

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