Question de M. LECONTE Jean-Yves (Français établis hors de France - SER) publiée le 22/10/2020

Question posée en séance publique le 21/10/2020

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Jean-Yves Leconte. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.

Vendredi dernier, Samuel Paty, enseignant dans un collège public, fut victime d'un attentat terroriste islamique. Lâchement assassiné avec la plus grande barbarie, il a payé de sa vie la défense et l'enseignement de la liberté d'expression, de la laïcité, des valeurs de notre République. Il a payé de sa vie l'exercice d'un métier qui le passionnait, celui d'instruire et d'éduquer nos enfants. Avec le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, je m'associe évidemment à l'hommage qui lui est dû.

Une de ses anciennes élèves indiquait hier : « Quand il entendait une remarque agressive contre moi en cours, il intervenait immédiatement pour me protéger. Je n'arrive pas à croire que personne n'ait réussi à le protéger, lui. »

Nous partageons tous cette interrogation, monsieur le ministre. En effet, nous disposons d'un arsenal juridique complet et de dispositions législatives et réglementaires spécifiques permettant, en théorie, aux pouvoirs administratif et judiciaire de prévenir la menace terroriste. Or, en l'espèce, à la suite des appels à la haine, de la campagne mensongère et diffamatoire et du cyberharcèlement dont ce professeur a été victime, et bien que des protagonistes soient fichés « S », nos services auraient conclu qu'il n'y avait pas de risque. Et pourtant, Samuel Paty n'est plus !

En 2014, le Parlement a introduit dans le code pénal les délits de provocation à la commission d'actes terroristes et d'apologie du terrorisme, et créé l'infraction d'entreprise individuelle de terrorisme. Dès lors, ces infractions peuvent donner lieu à l'emploi de techniques spéciales d'enquête prévues par le code de procédure pénale. En 2015, nous avons élargi et encadré les moyens d'action de nos services de renseignement. Malheureusement, nous savons, depuis les attentats survenus la même année, que cela ne garantit en rien le risque zéro. Toutefois, l'enchaînement des actes conduisant à l'assassinat de Samuel Paty illustre dramatiquement le manque de moyens consacrés à la mise en œuvre des dispositions légales, moyens pourtant nécessaires pour réagir de manière adéquate aux signaux qui auraient dû alerter.

Aussi, monsieur le ministre, au-delà des effets d'annonce d'hier du Président de la République et du Gouvernement, de quels moyens concrets, humains et financiers, les pouvoirs publics seront-ils dotés afin de prévenir plus efficacement la commission de tels actes terroristes ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)


Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 22/10/2020

Réponse apportée en séance publique le 21/10/2020

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, permettez-moi de ne pas être d'accord avec votre constat.

Vous évoquez la nécessité de moyens supplémentaires. Depuis qu'Emmanuel Macron est devenu Président de la République, les moyens financiers et humains des services de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) et du renseignement territorial ont été multipliés par deux. Le projet de budget proposé par M. le Premier ministre cette année prévoit encore d'affecter 330 personnes de plus aux seuls services de renseignement. Vous le savez bien, vous qui suivez ces questions, mais votre groupe, s'exprimant par votre voix et celle de Mme Conway-Mouret notamment, n'a pas souhaité voter les mesures permettant de renforcer les moyens.

M. Jean-Yves Leconte. Nous avons voté tous vos amendements !

M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur le sénateur, ne vous énervez pas, j'explique ! (Sourires sur quelques travées.)

Nous manquons de moyens légaux. La vidéo mise en ligne par ce père de famille dont le procureur a dit aujourd'hui qu'il était un complice de la commission de l'attentat n'aurait pu être retirée avec les lois de la République actuelles, car elle est insidieuse : elle n'appelle pas directement à l'assassinat. Il faut donc renforcer la loi sur ce point.

De même, monsieur le sénateur, je ne peux proposer au conseil des ministres la dissolution de certaines associations, à la demande du Président de la République, que parce qu'elles ont un lien direct avec le terrorisme. Il faut modifier notre droit afin que nous puissions aussi dissoudre des associations liées à l'islamisme politique. Tel est l'objet du projet de loi sur les séparatismes ; j'espère que vous le voterez.

Enfin, monsieur le sénateur, les échanges qui ont lieu via les réseaux sociaux seront toujours possibles si nous ne nous dotons pas, comme l'a très bien dit M. Malhuret, de moyens supplémentaires pour lutter contre la haine en ligne.

Oui, il faut plus de moyens, mais nous vous attendons pour changer la loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

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