Question de Mme COHEN Laurence (Val-de-Marne - CRCE) publiée le 15/10/2020

Mme Laurence Cohen interroge M. le ministre des solidarités et de la santé sur le projet de décret pour la mise en œuvre de l'obligation de stock de sécurité prévu à l'article L. 5121-29 du code de la santé publique dans sa version issue de l'article 48 de la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020.

Cet article 48 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 prévoyait une obligation pour les industriels de constituer un stock de quatre mois, correspondant à une couverture des besoins en médicaments, et ce, afin de faire face aux pénuries régulières.

Le rapporteur du PLFSS à l'Assemblée nationale affirmait à l'époque : « C'est un article très important (…). Lutter contre les ruptures de stock de médicaments est un objectif partagé par tout le monde. Ce n'est pas une question politique, mais une question de bon sens, sachant que les ruptures de stock se multiplient et qu'elles concernent de plus en plus souvent des médicaments d'usage courant (…). Il faut donc prendre des mesures. Imposer des stocks aux laboratoires pour des médicaments d'intérêt thérapeutique est une bonne façon de procéder. Une concertation de très bonne qualité est menée, notamment dans le cadre du CSIS, le conseil stratégique des industries de santé, et plusieurs mesures ont été prises ces dernières années, mais on se rend bien compte qu'il manque encore des dispositifs permettant de lutter efficacement contre les ruptures de stock. (…). Le délai de quatre mois est raisonnable, juste, avéré scientifiquement et surtout suffisant pour assurer la continuité de l'accès aux médicaments pour le marché français. »

Or, le projet de décret qui vient d'être transmis à la Commission européenne ne respecte pas le texte adopté par le Parlement, puisqu'il abaisse le niveau du stock à deux mois pour les médicaments d'intérêt thérapeutique majeur et à un mois pour tout autre médicament.
C'est un déni de démocratie, obtenu par la pression des industriels pharmaceutiques, qui met, par ailleurs, en danger la santé de nos concitoyens, alors que la crise sanitaire a encore davantage mis en lumière la dépendance sanitaire française vis-à-vis d'autres pays.

Le rapport d'information sénatorial d'octobre 2018 sur la pénurie de médicaments et de vaccins a notamment montré que la durée moyenne des pénuries de médicaments d'intérêt thérapeutique majeur était de quatorze semaines ! Les tensions d'approvisionnement ont été multipliées par vingt entre 2008 et 2018.

Sans obligation de constitution d'un stock de sécurité de quatre mois pour l'ensemble des médicaments à intérêt thérapeutique majeur, les pénuries se poursuivront, et ce, au détriment des malades, comme le soulignent des associations d'usagers.

Alors que le Gouvernement semble se soucier des causes de ces pénuries comme le montre le rapport Biot remis au Premier ministre en juin 2020, elle lui demande s'il entend revenir sur ce projet de décret qui vide cette mesure de tout son sens, et respecter le dispositif tel que voté par le Parlement en décembre 2019.

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Réponse du Ministère des solidarités et de la santé publiée le 27/05/2021

Les ruptures de stock de médicaments ainsi que les tensions d'approvisionnement ont des origines multifactorielles susceptibles d'intervenir tout au long de la chaîne de production et de distribution. Dans ce cadre, les laboratoires pharmaceutiques sont tenus de prévenir et de gérer les ruptures de stock des médicaments et des vaccins qu'ils commercialisent. Ils doivent assurer un approvisionnement approprié et continu du marché national et prendre toute mesure utile pour prévenir et pallier toute difficulté d'approvisionnement. L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) est également mobilisée afin d'assurer la continuité de l'accès aux médicaments pour les patients et les professionnels de santé. Pour autant, compte tenu de l'augmentation des signalements de ruptures et risques de ruptures de stock constatée ces dernières années, différents textes sont venus encadrer la gestion de ces ruptures. Dans un premier temps, la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé et son décret d'application du 20 juillet 2016 relatif à la lutte contre les ruptures d'approvisionnement de médicaments a introduit des mesures de prévention et de gestion des ruptures de stock au niveau national afin de redéfinir les instruments à la disposition des pouvoirs publics et de renforcer les obligations qui pèsent sur les acteurs du circuit de fabrication et de distribution. Dans un second temps, la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé a rendu possible le remplacement de médicaments par les pharmaciens d'officine en cas de rupture d'un médicament d'intérêt thérapeutique majeur (MITM), facilitant ainsi la continuité du traitement des patients. Dans un troisième temps, le ministère des solidarités et de la santé a élaboré une feuille de route 2019-2022 pour lutter contre les pénuries et améliorer la disponibilité des médicaments en France. A cet égard, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 a considérablement renforcé la lutte contre les ruptures de stock de médicaments par la mise en place d'un plan de gestion des pénuries pour chaque médicament d'intérêt thérapeutique majeur. En outre, a été adoptée l'importation des alternatives thérapeutiques dans certains cas de pénuries et la constitution d'un stock de couverture des besoins en médicaments. A ce titre, les industriels doivent constituer un stock qui ne peut excéder quatre mois de couverture des besoins en médicaments, calculés sur la base du volume des ventes de la spécialité au cours des douze derniers mois glissants. Cette obligation concerne tout particulièrement les médicaments pour lesquels les ruptures de stock sont récurrentes, ce qui déstabilisent la prise en charge des patients comme les médicaments indiqués dans le cadre du traitement contre le cancer. Les sanctions financières entourant ces obligations ont été renforcées. Un comité de pilotage, sous l'égide du ministère des solidarités et de la santé, regroupant l'ensemble des parties prenantes, se réunit régulièrement pour partager les différentes mesures qui seront mises en place. Enfin, le Gouvernement a présenté, le 18 juin 2020, un plan d'actions pour la relocalisation en France de sites de production de produits de santé. Par ailleurs, près de 200 millions d'euros ont été mobilisés pour développer les industries de santé et soutenir la localisation des activités de recherche et de production en France dans le cadre de la lutte contre la COVID-19. Cette enveloppe sera réévaluée en 2021 pour financer de nouveaux projets. En outre, un travail d'accompagnement vers l'industrialisation, la production et le stockage des produits de santé en France est en cours de réalisation. A cet égard, sur la base du rapport commandé à Jacques Biot par le Gouvernement en 2019, le Comité stratégique de filière (CSF) des « Industries et Technologies de Santé » va élaborer un plan d'actions reposant sur le recensement de projets industriels pouvant faire l'objet de relocalisations. Enfin, la Commission européenne a élaboré une proposition de règlement relatif à un rôle renforcé de l'Agence européenne des médicaments (EMA) dans la préparation aux crises et la gestion de celles-ci en ce qui concerne les médicaments et les dispositifs médicaux afin de permettre une gestion centralisée des ruptures de stock, en cas de crise sanitaire. A ce titre, la Commission propose de surveiller et atténuer les effets des pénuries potentielles et réelles de médicaments et de dispositifs médicaux considérés comme critiques pour répondre à une urgence de santé publique ou à d'autres événements majeurs susceptibles d'avoir une incidence grave sur la santé publique. A cet égard, il est proposé de créer, au sein de l'EMA, les structures appropriées afin de faciliter la surveillance et la notification des pénuries. En outre, il est prévu que l'EMA puisse demander et obtenir des informations auprès des titulaires d'autorisations de mise sur le marché, des fabricants et des Etats membres concernés afin de prévenir ou d'atténuer les effets de pénuries au sein de l'Union européenne.

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