Question de Mme BILLON Annick (Vendée - UC) publiée le 13/11/2020

Question posée en séance publique le 12/11/2020

Mme Annick Billon. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Le 8 juillet dernier, le président de notre groupe, Hervé Marseille, vous interrogeait sur votre volonté de rendre au Parlement sa place centrale au sein de nos institutions. Vous vous étiez voulu rassurant. Depuis, peu de changements. Le recours aux ordonnances bat des records – c'est l'évitement permanent. Pour ce qui concerne l'état d'urgence sanitaire, le Sénat avait demandé que le Parlement puisse au moins approuver le recours au confinement – nouvelle fin de non-recevoir.

Le transfert discret à Madagascar d'une couronne jusqu'à présent conservée au musée de l'Armée illustre une nouvelle fois ce mépris. En effet, le principe d'inaliénabilité des biens publics impose l'intervention du législateur pour tout transfert de ce type. Or nous avons appris le retour de cette couronne le lendemain de l'adoption par le Sénat du projet de loi entérinant le retour de certains biens culturels au Bénin et au Sénégal. Le prince dispose, le Parlement entérine !

Comment voulez-vous que le Parlement ne s'inquiète pas ? Des décisions cruciales ont été prises ce matin en conseil de défense, nouvelle instance qui court-circuite désormais le conseil des ministres. Vous êtes devant nous cet après-midi, mais nous ne prendrons connaissance de ces décisions que ce soir, en regardant la télévision.

Monsieur le Premier ministre, tout cela nous conduit malheureusement à devoir de nouveau vous poser la question que nous vous posions à votre entrée en fonctions : dans votre pratique institutionnelle, quand allez-vous permettre aux assemblées de jouer leur rôle ? Quand allez-vous vous appuyer sur les élus, qui sont les représentants des citoyens ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes SER, CRCE et GEST.)


Réponse du Ministère de la culture publiée le 13/11/2020

Réponse apportée en séance publique le 12/11/2020

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture.

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture. Madame la sénatrice, je vous répondrai sur la question de la restitution de l'ornement du dais de la reine Ranavalona III de Madagascar. Comme ancienne parlementaire, élue et réélue cinq fois (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.), je crois avoir à cœur autant que vous le respect des droits du Parlement, et je me suis toujours employée à les respecter. Le travail que nous avons fait ensemble sur la restitution de biens culturels au Sénégal et au Bénin a été particulièrement fructueux ; je vous remercie d'ailleurs pour le vote unanime qui a été exprimé dans les deux chambres, grâce à un travail de concertation extrêmement fourni et approfondi.

Pour ce qui concerne cet ornement de dais, un petit mot d'histoire, peut-être, pour dire qu'il ne s'agit pas d'une couronne de valeur précieuse : il n'y a aucun joyau sur cette couronne.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Répondez à la question !

Mme Roselyne Bachelot, ministre. C'est l'ornement en zinc d'un auvent sous lequel la reine Ranavalona III a appelé les Malgaches à la révolte contre les colonisateurs français puis a reconnu sa défaite.

Cet objet a donc surtout une valeur symbolique pour le peuple malagasy. Il ne s'agit en aucun cas d'une restitution, mais d'une convention de dépôt (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.), selon un processus dont je me suis longuement expliquée. Rien n'a été caché au Parlement ; rien n'a été caché au Sénat. J'ai d'ailleurs écrit à nouveau au président de votre commission de la culture, Laurent Lafon. Et je m'en suis une nouvelle fois expliquée en défendant le projet de loi de finances.

Bien entendu, le principe d'inaliénabilité sera respecté. Si nous devions décider d'une restitution au gouvernement de Madagascar, cette question reviendrait devant vous, car seule une loi peut contrevenir à ce principe. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour la réplique.

Mme Annick Billon. Merci, madame la ministre, pour votre réponse.

Il n'était bien sûr pas question pour moi de remettre en cause votre travail ni celui de notre rapporteure, Catherine Morin-Desailly, sur ce sujet. Et je dois dire que la qualité des œuvres et des biens culturels ne se mesure évidemment pas, à mes yeux, au poids d'or ou à la quantité de diamants qu'ils contiennent.

Mme Roselyne Bachelot, ministre. En l'espèce, il s'agit de zinc.

Mme Annick Billon. Je voudrais quand même rappeler que la liste des dysfonctionnements qui émaillent les relations entre le Parlement et l'exécutif est extrêmement longue. Je ne nie pas la gravité de la situation économique, financière et sociale ; néanmoins, monsieur le Premier ministre, pour qu'une décision soit acceptée et appliquée, elle doit être cohérente, débattue, partagée et conforme aux procédures. Cela est valable pour le retour de biens culturels comme pour tous les sujets dont nous débattons dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

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