Question de M. DEVINAZ Gilbert-Luc (Rhône - SER) publiée le 13/11/2020

Question posée en séance publique le 12/11/2020

M. Gilbert-Luc Devinaz. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

Monsieur le ministre, vous disiez la semaine dernière vouloir que la France tienne sa place dans la médiation du conflit en Artsakh. La France et l'Union européenne sont hors-jeu. L'accord signé lundi sous l'égide de la Russie montre notre incapacité à compter. La communauté internationale, en ne s'opposant pas à cette irruption de la force militaire dans un conflit séculaire, renonce dans le Caucase, mais aussi dans tout le Proche-Orient, à la possibilité d'une gestion diplomatique des conflits et à la protection des droits humains, laissant ainsi les mains libres aux ambitions de M. Erdogan. Ce conflit, dit « gelé », a trouvé une issue par la force, la violence et la haine.

Cette évolution en plein cœur du sud du Caucase est une catastrophe. Plusieurs milliers de jeunes appelés ont trouvé la mort. Jusqu'à 90 000 personnes pourraient être contraintes à l'exode. M. Poutine a déclaré que les termes de l'accord permettent aux personnes déplacées de retourner au Haut-Karabakh, alors que le président Aliev s'est félicité d'avoir « chassé les Arméniens de nos terres comme des chiens ». Dans ces conditions, comment les populations déplacées peuvent-elles y retourner ?

Dans le groupe de Minsk, quelle est la place exacte de la France ? Allons-nous continuer à nous cacher derrière notre coprésidence ? Aurions-nous totalement perdu la mémoire et sacrifié nos valeurs de démocratie et de liberté ? Qu'est-ce que votre gouvernement compte faire pour protéger les populations et garantir la stabilité de cette région ? Avons-nous les moyens d'établir la réalité des accusations sur l'usage par l'Azerbaïdjan de bombes à fragmentation et au phosphore ? Si tel était le cas, allez-vous proposer des sanctions face à ces crimes de guerre ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, INDEP, UC et Les Républicains.)


Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 13/11/2020

Réponse apportée en séance publique le 12/11/2020

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Devinaz, je voudrais m'inscrire en faux contre certains de vos propos. Je viens de m'entretenir avec M. Mnatsakanyan, mon homologue arménien. Cela doit être la dixième ou la quinzième fois que je m'entretiens avec lui sur la situation. Son message – vous pouvez l'interroger – est clair : il demande à la France de rester dans le cadre de ses responsabilités de coprésidente du groupe de Minsk, parce que l'Arménie a besoin d'elle. Pour ma part, je travaille avec M. Mnatsakanyan.

Vous avez raison de souligner l'existence d'un cessez-le-feu. Il importe qu'il soit respecté. Cette guerre a été meurtrière ; cette guerre a été d'une très grande brutalité ; elle a été dramatique. Les combats ont maintenant cessé, il faut que le cessez-le-feu soit respecté totalement, par toutes les parties.

Doivent maintenant s'ouvrir les discussions, sur la base du cessez-le-feu, pour en définir les différents paramètres, pour faire en sorte qu'un vrai règlement du conflit dans le Haut-Karabakh puisse avoir lieu, sur le long terme. Cette discussion se fera sur l'initiative des trois coprésidents, que sont M. Lavrov, M. Pompeo et moi-même, à Moscou, la semaine prochaine, puis à New York, au siège des Nations unies. Cette initiative reçoit l'appui des autorités arméniennes.

D'ici là, il faut s'assurer non seulement que le cessez-le-feu soit totalement respecté, mais aussi que les combattants étrangers soient exclus de la zone et que les réfugiés puissent revenir dans leur lieu d'habitation. Ces mesures font partie des accords de cessez-le-feu, il faut les appliquer. Par ailleurs, il importera que l'énorme effort humanitaire que la France veut déployer à l'égard des Arméniens se mette en œuvre. Les opérations ont déjà commencé ; d'autres initiatives seront prises, vous le constaterez dans l'après-midi, à la suite d'une rencontre au plus haut niveau entre les autorités de l'État français, les ONG et la communauté arménienne de France, pour que la France soit réellement présente auprès de l'Arménie et qu'elle réponde à l'urgence humanitaire, en même temps qu'à l'urgence diplomatique.

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