Question de M. DURAIN Jérôme (Saône-et-Loire - SER) publiée le 26/11/2020

Question posée en séance publique le 25/11/2020

M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Jérôme Durain. Ma question s'adresse au Premier ministre.

« Jamais deux sans trois » : voilà les mots prononcés par un policier mardi soir, sur la place de la République, avant que celui-ci ne s'attaque pour la troisième fois à un journaliste.

« Jamais deux sans trois » : c'est ce que semble dire aussi M. Didier Lallement. Après l'évacuation du pont de Sully au mois de juin 2019, ce M. Lallement avait demandé un rapport. Après la répression d'une manifestation, déjà place de la République, au mois de mars 2020, il avait demandé un rapport. Et c'est ce même M. Lallement qui vient de produire un rapport après les incidents de mardi, rapport dont nous ne connaissons pas le contenu, mais qui a conduit M. Gérald Darmanin à demander un autre rapport – à l'inspection générale de la police nationale, l'IGPN, cette fois.

Nous sommes impatients de lire tout cela…

Au fond, le seul rapport qui nous intéresse, celui qu'il faut changer, c'est le rapport de la police de la République avec ses citoyens. Nous ne nous accommodons pas de la formule du préfet Lallement : « Nous ne sommes pas dans le même camp, madame. »

Votre gouvernement, mesdames, messieurs les ministres, prétend protéger policiers et gendarmes, mais c'est lui qui les expose, en continuant de creuser le fossé et d'alimenter la défiance. Vous les poussez à la faute. Vous voulez une police qui sert le pouvoir, nous voulons une police de la République !

Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Démago !

M. Roger Karoutchi. C'est même au-delà !

M. Jérôme Durain. Les violences de la place de la République constituent le point d'orgue d'une longue série de dérives. Vous l'avez bien compris, monsieur Castex, puisque vous annoncez vouloir saisir le Conseil constitutionnel sur l'article 24 de la proposition de loi relative à la sécurité globale.

En attendant les rapports, allez-vous siffler la fin de la partie ? Comment comptez-vous, surtout, retisser le lien entre forces de l'ordre et citoyens ? Quelles consignes allez-vous donner à M. Lallement pour que la manifestation prévue samedi prochain à Paris ne donne pas lieu à de nouveaux débordements ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)


Réponse du Ministère auprès du ministre de l'intérieur - Citoyenneté publiée le 26/11/2020

Réponse apportée en séance publique le 25/11/2020

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la citoyenneté.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté. Monsieur le sénateur Durain, avant de vous répondre sur le fond, je ferai une observation. Je ne crois pas que quelques actions isolées doivent nous autoriser à jeter l'opprobre sur l'ensemble de la police de la République, qui mène globalement un travail important et sérieux – primordial même. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

C'est ce travail qui permet de maintenir l'ordre républicain, lequel nous protège de l'ordre des clans. Notre rôle de responsables politiques, me semble-t-il, est aussi de protéger ceux qui nous protègent et de défendre l'action résolue menée par la police.

Que s'est-il passé, en l'occurrence, sur la place de la République ? Vous aviez là un campement installé de manière illégale,…

Mme Anne Chain-Larché. Très bien !

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. … composé de tentes à l'intérieur desquelles se trouvaient des migrants. Nous avons souhaité mettre ces personnes à l'abri, leur offrir un hébergement.

Dès le lendemain matin, le ministre de l'intérieur Gérald Darmanin, en voyant les images qu'il a lui-même qualifiées de choquantes,…

Mme Marie-Pierre de La Gontrie et M. Jérôme Durain. Heureusement !

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. … a immédiatement souhaité commander un rapport au préfet de police et, conformément à la recommandation formulée dans ce rapport, il a saisi l'IGPN, ce qui constitue un acte important.

Le ministre de l'intérieur a indiqué qu'il tirerait toutes les conséquences…

M. Pierre Laurent. C'est grâce à des images vidéo !

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. … de ce rapport, qu'il rendrait public dans les quarante-huit heures, c'est-à-dire, maintenant, dans un peu plus de vingt-quatre heures.

J'en viens au fond du sujet, c'est-à-dire la question de l'hébergement. Oui, les migrants doivent être traités avec humanité et fraternité ! C'est pourquoi, dès le lendemain matin, ma collègue Emmanuelle Wargon, ministre chargée du logement, et moi-même avons souhaité mobiliser les administrations pour trouver des solutions de relogement.

Nous avons présenté publiquement un premier point d'étape et nous recevrons, dès demain, l'ensemble des associations travaillant dans ce champ, afin de partager avec elles les solutions proposées par l'État pour reloger ces migrants. (M. David Assouline s'exclame.)

Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, nous apportons des réponses et travaillons au fond.

M. David Assouline. Vous êtes les seuls à le croire !

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Nous sommes pleinement mobilisés pour garantir le respect des lois, mais aussi celui de la dignité humaine, et pour défendre la fraternité, qui est une valeur importante de notre République. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour la réplique.

M. Jérôme Durain. Merci de cette leçon de morale, madame la ministre.

Nous aimons les policiers de la République ! (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.) Nous aimons les policiers de la République quand ils sont au milieu de la population ! Nous aimons les policiers de la République quand ils sont bien employés, qu'ils ne sont pas prisonniers de l'ambition d'un homme cherchant toujours à en faire plus ! D'ailleurs, monsieur le Premier ministre, je ne suis pas certain que vous arriviez à convaincre, dans vos propres rangs, de la légitimité de la pente que vous êtes en train de prendre.

En tout cas, on l'a bien compris, en matière de sécurité publique et de libertés publiques, le macronisme n'a qu'une main, et c'est une main droite ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE. – Huées sur les travées du groupe Les Républicains.)

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