Question de M. LECONTE Jean-Yves (Français établis hors de France - SER) publiée le 03/12/2020

M. Jean-Yves Leconte attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur le décret n° 2019-1507 du 30 décembre 2019 portant modification du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993. S'agissant des catégories de déclaration de nationalité française (DNF) dont l'examen relève du ministère de la justice, l'article 29 dudit décret introduit une différenciation de traitement selon que le déclarant réside en France ou soit établi hors de France. Avant ce décret, les résidents à l'étranger qui souscrivaient une DNF se voyaient délivrer par les postes diplomatiques ou consulaires un récépissé « après remise des pièces nécessaires à la preuve de leur recevabilité », tel que prévu par l'alinéa 2 de l'article 26 du code civil. Ceci assurait une parfaite égalité de traitement avec les souscriptions réalisées en France auprès du tribunal judiciaire. Si dans ce dernier cas le récépissé est toujours remis le jour de la souscription, l'article 29 précité ne permet cependant plus sa remise par nos postes à l'étranger, l'autorité consulaire se contentant désormais de transmettre le dossier au ministère de la justice. Ensuite « le ministre de la justice délivre le récépissé dès qu'il a reçu la totalité des pièces nécessaires à la preuve de la recevabilité de la déclaration et l'adresse au déclarant ».
Cette nouvelle procédure différenciée pose plusieurs difficultés pour les déclarants résidant à l'étranger. D'une part, ce récépissé revêt une importance particulière, sa date de délivrance constituant le point de départ du délai d'enregistrement des déclarations, d'autant que le premier alinéa de l'article 26-4 du code civil dispose : « À défaut de refus d'enregistrement dans les délais légaux, copie de la déclaration est remise au déclarant revêtue de la mention de l'enregistrement ». Ce délai d'enregistrement sera donc significativement allongé quand le déclarant réside hors de France, sachant que les délais d'acheminement via les services de la valise diplomatique peuvent prendre jusqu'à huit semaines, sans compter les délais induits par la charge de travail de certains de nos postes particulièrement sollicités en la matière. D'autre part, la remise de documents exigés en originaux (comme les décisions de justice étrangères d'adoption simple ou de recueils légaux concernant les déclarations relevant de l'article 21-12 du code civil) ne sera plus établie le jour même par la délivrance du récépissé qui en listait les pièces communiquées, et si ce dossier se perdait entre son dépôt et l'envoi au ministère de la justice, le déclarant ne disposerait d'aucune preuve qu'il a bien remis ses originaux au poste. Ainsi, il lui demande s'il a pris une circulaire permettant de réduire ces différenciations de traitement et s'il est en particulier prévu que les pièces remises à l'étranger fassent l'objet d'un enregistrement spécifique avant leur envoi à son ministère. Il souhaite également s'assurer qu'il a donné des instructions imposant la remise par les autorités consulaires d'un bordereau des pièces effectivement déposées ou d'une attestation de dépôt. Enfin, il souhaite savoir si le récépissé, qui sera in fine adressé par le ministère de la justice au déclarant, sera daté du jour du dépôt des pièces au poste, ou bien du jour où son ministère recevra le dossier, et surtout si ce récépissé sera bien envoyé par le ministère de la justice au poste avec obligation pour ce dernier de convoquer l'intéressé pour la remise du récépissé en main propre (comme cela se fait concernant la notification des certificats de nationalité française) et non simplement transmis par voie postale, que ce soit directement par son ministère, ou ensuite par les autorités consulaires. Ce dernier point est essentiel dans les pays où les services postaux nationaux sont notoirement défaillants.

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Réponse du Ministère auprès de la ministre de la transition écologique - Transports publiée le 16/12/2020

Réponse apportée en séance publique le 15/12/2020

Mme le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, auteur de la question n° 1397, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Jean-Yves Leconte. Madame la ministre, ma question porte sur les déclarations de nationalité française (DNF) relevant du ministère de la justice et souscrites à l'étranger. Je l'avais donc initialement adressée à M. le garde des sceaux. Posée le 8 août dernier en tant que question écrite, elle n'avait pas encore, à ce jour, obtenu de réponse.

S'agissant de ces catégories de déclaration, l'article 36 du décret du 30 décembre 2019 introduit une différence de traitement selon que le déclarant réside en France ou vit à l'étranger.

Avant ce décret, les résidents à l'étranger qui souscrivaient une DNF se voyaient délivrer par les postes consulaires un récépissé « après remise des pièces nécessaires à la preuve de leur recevabilité », tel que prévu par notre code civil. Cela assurait une parfaite égalité de traitement avec les souscriptions réalisées en France auprès du tribunal judiciaire.

Si, dans ce dernier cas, le récépissé est toujours remis le jour de la souscription, le nouveau décret ne permet plus sa remise par nos postes hors de France, l'autorité consulaire devant désormais se limiter à transmettre le dossier au ministère de la justice. Ce n'est qu'ensuite que le ministre de la justice délivre le récépissé, « dès qu'il a reçu la totalité des pièces nécessaires à la preuve de la recevabilité de la déclaration », et l'adresse au déclarant.

Cette nouvelle procédure différenciée pose plusieurs difficultés pour les déclarants résidant à l'étranger.

D'une part, ce récépissé revêt une importance particulière, sa date de délivrance constituant le point de départ du délai d'enregistrement des DNF. Ce délai d'enregistrement sera donc très allongé quand le déclarant réside hors de France, sachant que les délais d'acheminement via les services de la valise diplomatique peuvent prendre jusqu'à huit semaines, sans compter les délais induits par la charge de travail de certains de nos postes particulièrement sollicités en la matière.

D'autre part, la remise de documents exigés en originaux, comme les décisions de justice étrangères d'adoption simple, ou de recueils légaux, qui sont particulièrement importantes, ne sera plus établie le jour même par la délivrance du récépissé qui en listait les pièces communiquées. Si ce dossier se perdait entre son dépôt et sa réception par le ministère, le déclarant ne disposerait d'aucune preuve qu'il a bien remis ses originaux au poste.

Aussi, madame la ministre, je souhaite savoir si le garde des sceaux envisage de prendre une circulaire permettant de réduire ces différenciations de traitement et s'il est prévu que les pièces originales remises aux consulats fassent l'objet d'un enregistrement spécifique avant leur envoi à son ministère.

Le garde des sceaux a-t-il donné des instructions imposant la remise par les autorités consulaires d'un bordereau des pièces effectivement déposées, ou d'une attestation de dépôt ?

Le récépissé, qui sera in fine adressé par le ministère de la justice au déclarant, sera-t-il daté du jour du dépôt des pièces au poste, ou bien du jour où le ministère recevra le dossier ?

Mme le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Jean-Yves Leconte. Surtout, ce récépissé sera-t-il bien envoyé par le ministère de la justice au poste avec obligation pour ce dernier de convoquer l'intéressé pour la remise du récépissé en main propre ?

Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté. Monsieur le sénateur, je m'exprime au nom de M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, qui m'a demandé de le représenter pour vous répondre.

Par le décret du 30 décembre 2019, le Gouvernement a entendu prendre en considération la différence objective qui existe entre les déclarations de nationalité selon qu'elles sont souscrites en France ou à l'étranger : les premières relèvent de la seule compétence des directeurs des services de greffe judiciaires, alors que les secondes sont reçues par l'autorité diplomatique ou consulaire, mais instruites par le ministère de la justice.

En effet, lorsque la déclaration de nationalité est souscrite en France, c'est le directeur des services de greffe judiciaires qui étudie les pièces et sollicite des compléments s'il le juge nécessaire ; il prend et notifie la décision d'enregistrement ou de refus d'enregistrement. Il est donc logique que la délivrance du récépissé lui revienne.

Tel n'est pas le cas de la déclaration souscrite à l'étranger auprès de l'autorité diplomatique ou consulaire, qui n'a aucune compétence pour instruire cette souscription ou décider des suites à lui donner. Cette compétence incombe en effet exclusivement au ministère de la justice.

Si la liste des pièces à produire à l'appui de la déclaration était déjà fixée par le décret du 30 décembre 1993, le récépissé était délivré par l'autorité consulaire, sans que cette dernière soit à même d'apprécier la complétude du dossier, ce qui contraignait parfois le ministère de la justice à solliciter a posteriori les pièces complémentaires indispensables au traitement de la déclaration souscrite, avec tous les problèmes en cascade que cela engendre.

La charge de travail des postes consulaires, ajoutée au temps d'acheminement des envois diplomatiques, conduisait aussi souvent à entamer le délai de six mois légalement imparti pour instruire, décider et notifier la décision. C'est pour remédier à cette situation insatisfaisante que l'article 29 du décret du 30 décembre 1993 a été modifié par le décret du 30 décembre 2019.

Cette modification permet d'harmoniser la situation des personnes résidant à l'étranger et de celles résidant en France puisque, quel que soit le cas, la délivrance du récépissé, daté du jour du constat de la complétude du dossier, incombe désormais à l'autorité chargée de l'instruction et du pouvoir de décision.

Tout comme par le passé, les deux exemplaires de la déclaration accompagnés des originaux des pièces produites sont transmis au ministère de la justice par la valise diplomatique. L'autorité diplomatique ou consulaire conserve une copie des pièces envoyées. Elle remet ensuite en main propre au déclarant le récépissé que lui fait parvenir le ministère de la justice dès que ce dernier a été mis en possession de l'ensemble des pièces nécessaires à l'instruction de la déclaration.

Les garanties entourant la procédure apparaissent en conséquence suffisantes pour préserver les droits des déclarants résidant à l'étranger.

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