Question de Mme GARNIER Laurence (Loire-Atlantique - Les Républicains) publiée le 03/12/2020

Mme Laurence Garnier attire l'attention de M. le ministre des solidarités et de la santé sur le projet d'implantation du nouveau centre hospitalier universitaire (CHU) à Nantes. Le ministre des solidarités et de la santé a affirmé qu'il était nécessaire de revoir tous les projets hospitaliers en cours à l'aune des enseignements de la crise sanitaire. Pourtant, Nantes accélère son projet de futur CHU suivant les mêmes principes qui ont plongé la France dans une crise sanitaire sans précédent : suppressions de postes de soignants qui se sont poursuivies pendant la crise sanitaire, suppressions de lits et centralisation hospitalière. Le projet définitif prévoit la suppression de 220 lits et de plus de 500 emplois alors que la population de la région nantaise ne cesse d'augmenter. Le personnel soignant nantais souffre de la situation actuelle et du manque de moyens. Le coût colossal du projet de transfert du CHU, d'au moins un milliard d'euros, a imposé une discipline budgétaire encore plus stricte à Nantes qu'ailleurs. Arrêts de travail et absentéisme battent ainsi des records (244 251 jours d'arrêts de travail en 2019, soit plus d'un mois par agent) ; sont constatés des délais d'accès aux soins de plus en plus longs, des sorties prématurées de patients par manque de lits, une saturation continue des urgences et un personnel qui se sent méprisé. Aujourd'hui, ce projet d'hôpital de Nantes est inadapté et sous-dimensionné. De nombreux élus, experts et médecins dénoncent ce projet. Il est établi sur un site unique en zone inondable, quatre fois plus petit que les surfaces actuellement utilisées par le CHU, sans possibilité d'extension et difficilement accessible. La faisabilité et soutenabilité financières d'un tel projet sont mises en cause par la chambre régionale des comptes, à cause du poids de l'endettement du CHU. Aussi, elle lui demande si le Gouvernement entend réévaluer ce projet inadapté et faire en sorte qu'il réponde aux besoins des habitants du territoire en leur garantissant l'accès à un service public de santé digne d'une grande métropole.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles publiée le 20/01/2021

Réponse apportée en séance publique le 19/01/2021

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Garnier, auteure de la question n° 1398, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.

Mme Laurence Garnier. Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite appeler votre attention sur le projet de déménagement du CHU de Nantes. Ce projet, dont le coût est évalué à 1 milliard d'euros, accumule les incohérences. La première d'entre elles est la suppression annoncée de 231 lits et de 400 postes.

Vous le savez comme moi, la population de Loire-Atlantique continue d'augmenter ; le nombre de lits est donc primordial, comme la crise sanitaire nous le montre tous les jours. Vous le savez si bien que votre ministre de tutelle a annoncé au mois d'avril dernier la révision de tous les projets de restructuration des hôpitaux. J'attends donc qu'il s'intéresse de très près au projet nantais.

Ce projet comporte une autre incohérence, à savoir le site choisi pour cette nouvelle implantation : l'île de Nantes, un site exigu, coincé entre les deux bras de la Loire. Cela en fait un site à la fois inondable, ce qui engendre des surcoûts colossaux pour les travaux, et très difficilement accessible : quel que soit l'endroit d'où l'on vient, il faut franchir des ponts pour s'y rendre. Enfin, ce lieu est trop petit : les surfaces réservées sont quatre fois inférieures à celles qu'occupent actuellement les hôpitaux nantais.

Ce projet tire son origine de la volonté de regrouper les trois sites hospitaliers nantais sur un même lieu, l'île de Nantes. Or on a appris la semaine dernière que, compte tenu de l'exiguïté que j'ai exposée, les trois sites existants poursuivraient leur activité dans les années à venir.

On s'apprête donc à dépenser 1 milliard d'euros pour avoir moins de lits et moins de postes ! Le financement du projet est extrêmement fragile, car il est conditionné à cette suppression de lits et de postes, comme l'a récemment souligné la chambre régionale des comptes.

Nous nous dirigeons tout droit vers un scandale sanitaire. N'en soyez pas la caution ! Beaucoup de maires, d'élus et d'acteurs locaux de Loire-Atlantique sont aujourd'hui mobilisés contre ce projet. D'autres solutions existent. Je compte donc sur votre bon sens pour remettre à plat ce dossier. Pouvez-vous dès aujourd'hui nous confirmer que ce projet d'hôpital nantais est bien concerné par le moratoire annoncé en avril dernier par le ministère de la santé ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles. Madame la sénatrice Laurence Garnier, je vais développer une vision sensiblement différente de celle que vous venez de partager avec nous.

Le projet du CHU de Nantes est le fruit de longues années de réflexion et de concertation. Il ne sort pas de terre comme cela : il a été conçu sur la base de principes d'évolutivité et de modularité qui doivent lui permettre de s'adapter aux besoins et aux nouvelles pratiques.

Les premiers enseignements de la crise sanitaire que nous traversons montrent la pertinence de son dimensionnement en lits spécialisés nécessaires dans un contexte de crise. Son organisation architecturale en « plots » apparaît également adaptée à la prise en charge des patients dans un contexte épidémique.

La crise sanitaire a démontré l'importance du maillage territorial de notre système de santé. Aussi, si des adaptations de cibles capacitaires devaient être déclinées sur le territoire de la Loire-Atlantique au regard de l'évolution des besoins et de la démographie, il est essentiel qu'elles puissent avoir une traduction opérationnelle à l'échelle du territoire, et non du seul projet Île de Nantes. Il s'agit de pouvoir favoriser et fluidifier les logiques de parcours de santé, en concertation avec les élus et les professionnels de santé.

Le choix de la centralité de ce projet, sur l'île de Nantes, n'est pas remis en question. Au contraire, il a été conforté lors de l'instruction du permis de construire et de l'autorisation unique environnementale.

Le CHU de Nantes connaît une situation financière solide – elle a été certifiée sans réserve – qui lui permet de soutenir des investissements. La chambre régionale des comptes, dans son rapport de 2019, témoigne d'une analyse très aboutie de la gestion de l'établissement et de sa dynamique de fonctionnement. Elle souligne de bons résultats, un état d'avancement conforme aux attentes, ainsi que la qualité du pilotage du projet.

La situation du CHU en matière de ressources humaines et notamment d'absentéisme se situe dans la moyenne nationale. Des actions d'amélioration de la qualité de vie au travail sont déployées par la direction générale. L'organisation actuelle sur deux sites de court séjour ainsi que la vétusté et l'inadéquation des locaux sont une contrainte pour les équipes, à laquelle le projet Île de Nantes va apporter une véritable réponse. En cela, il semble emporter l'adhésion du personnel du CHU.

Soyez convaincue, madame la sénatrice, que le Gouvernement portera une attention particulière à ce que le projet puisse être mis en œuvre d'une manière qui préserve tant la santé financière de l'établissement qu'un niveau de ressources humaines adapté aux enjeux de prise en charge découlant des nouvelles orientations issues du Ségur de la santé.

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