Question de M. DELCROS Bernard (Cantal - UC) publiée le 17/12/2020

M. Bernard Delcros interroge M. le ministre des solidarités et de la santé au sujet de l'application des dispositions de l'ordonnance n° 2018-3 du 3 janvier 2018 « relative à l'adaptation des conditions de création, transfert, regroupement et cession des officines de pharmacie ».
En 2018 il avait interpellé la ministre de la santé d'alors, sur le cas de Vézac, petite commune du Cantal, qui ne pouvait implanter une pharmacie en raison du critère du nombre d'habitants alors que toutes les conditions étaient réunies pour accueillir dans les meilleures conditions un pharmacien en attente d'autorisation. Il rappelle que cette commune de près de 600 habitants rayonne dans un bassin de vie de sept communes et 3 000 habitants sans services, ni commerces, ni professionnels de santé. Elle porte de nombreux projets structurants, parmi lesquels un foyer de vie accueillant 40 résidents qui a ouvert ses portes en janvier 2019, un ensemble pavillonnaire de 18 logements qui verra le jour en avril 2021, une micro-crèche qui ouvrira ses portes en septembre 2021, une maison de santé en cours d'aménagement qui accueillera deux médecins généralistes et un chirurgien-dentiste et qui n'attend plus que son pharmacien pour venir conforter l'offre de santé aujourd'hui composée d'un cabinet de trois kinésithérapeutes et d'un cabinet de trois infirmiers.
L'ordonnance n° 2018–3 du 3 janvier 2018 devait répondre aux besoins de la population dans les communes rurales et notamment assouplir les règles applicables aux transferts et au regroupement des officines dans les territoires ruraux. Or deux ans se sont écoulés et la commune de Vézac qui s'est d'ores et déjà rapprochée du directeur de l'agence régionale de santé (ARS) est toujours en attente d'autorisation. Il lui demande dans quelle mesure il lui serait possible de débloquer la situation pour répondre favorablement à la demande du pharmacien toujours déterminé à s'y installer et de la commune qui mène depuis des années une politique d'accueil de nouveaux habitants exemplaire qui ne peut réussir qu'avec une offre de santé répondant aux attentes des habitants.

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Réponse du Ministère auprès du ministre des solidarités et de la santé - Autonomie publiée le 14/07/2021

Réponse apportée en séance publique le 13/07/2021

M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros, auteur de la question n° 1421, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.

M. Bernard Delcros. Madame la ministre, au début de l'année 2018, j'avais questionné Mme la ministre des solidarités et de la santé de l'époque sur la demande d'installation d'une pharmacie faite par la commune de Vézac, dans le Cantal.

Ce petit bourg a su mettre en œuvre, avec efficacité, une politique de développement qui porte ses fruits et il veut compléter son offre de services en créant un pôle santé. Il a déjà réussi à installer un cabinet d'infirmiers, de kinésithérapeutes et des discussions sont en cours en vue de l'installation d'un médecin.

Mais, alors qu'un pharmacien est prêt à rejoindre ce pôle santé, l'autorisation d'ouverture d'une officine lui a été refusée.

Dans sa réponse à ma question, la ministre avait ouvert une perspective d'assouplissement des critères, au travers de l'ordonnance du 3 janvier 2018. Depuis, le maire a sollicité le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS), que j'ai moi-même saisie. Dans sa réponse, cette dernière motive son refus par la non-parution du décret d'application de l'ordonnance.

Comment peut-on empêcher des professionnels de santé de s'installer dans des territoires ruraux, alors même que ces territoires doivent relever le défi de leur attractivité et d'une offre de soins qui s'est considérablement dégradée ?

Madame la ministre, je vous poserai donc deux questions.

Pouvez-vous me dire quand paraîtra le décret d'application de l'ordonnance de janvier 2018, que nous attendons depuis trois ans ?

Le Gouvernement est-il prêt à réviser les critères de façon à répondre à la réalité des besoins des populations du secteur rural – dans le cas présent, en autorisant l'implantation d'une pharmacie dans la commune de Vézac ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l'autonomie. Monsieur le sénateur Bernard Delcros, je vous remercie de votre question. Je partage votre préoccupation : venant d'un territoire très rural, je suis moi aussi confrontée à ce genre de difficultés.

La France est plurielle. Elle fait d'ailleurs une richesse de la diversité de ses territoires. Mais il nous faut prendre en compte cette diversité pour adapter les politiques publiques en conséquence et répondre à l'aspiration légitime de nos concitoyens à l'égalité dans l'accès aux soins et aux traitements.

Le décret relatif aux territoires fragiles doit permettre aux agences régionales de santé, selon une méthodologie définie, d'identifier les territoires pour lesquels l'accès au médicament n'est pas assuré de manière satisfaisante.

Ainsi, les transferts d'officines dans ces territoires seront facilités et pourront se traduire par une installation, à proximité, par exemple, d'une maison de santé pluriprofessionnelle ou d'un centre commercial, sans être contraints par un seuil de population résidente.

Des transferts d'officines pourront être autorisés vers un ensemble de communes contiguës listées par arrêté de l'ARS, dès lors que ces communes sont dépourvues d'officine, que l'une d'elles comprend au moins 2 000 habitants et que l'ensemble atteint le seuil de population global requis.

Ce choix d'un seuil de 2 000 habitants pour au moins l'une des communes a pour objectif d'assurer une offre pharmaceutique qui, d'une part, réponde aux besoins d'une population, et, d'autre part, garantisse les conditions de survie économique de l'officine sur ce territoire.

D'ores et déjà, une première version de la méthodologie de zonage a été partagée et testée auprès de quatre ARS.

La méthodologie nationale envisagée tient compte du rapport IGAS-IGF de 2016, confirmé par un rapport de la Cour des comptes, qui ont constaté un maillage officinal satisfaisant, avec 97 % de la population vivant à moins de dix minutes en voiture d'une officine et 99,5 % à moins de quinze minutes.

Ce constat partagé avec la profession nécessite de bien mesurer le choix de la maille, si vous me permettez l'expression, et des indicateurs consacrés.

Le projet de décret relatif aux territoires fragiles vise ainsi à permettre aux ARS d'identifier, à partir de critères précis, les territoires pour lesquels l'accès à une pharmacie pour la population ne serait pas satisfaisant.

L'évolution de la situation sanitaire devrait permettre de finaliser ces travaux réglementaires dans le courant de l'année 2022 avec l'ensemble des acteurs mobilisés.

M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros, pour la réplique.

M. Bernard Delcros. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse, mais la réalité nous impose de déroger à la règle des 2 000 habitants.

Cette règle n'est pas la bonne, ainsi que je vais le démontrer rapidement.

Mon département compte aujourd'hui 25 pharmacies installées dans de petits bourgs ruraux et apportant une offre de services à un bassin de vie composé de 10 à 15 communes rurales autour de ce bourg-centre. Ces pharmacies sont installées dans des communes de moins de 2 000 habitants, voire, pour certaines d'entre elles, de moins de 1 000 habitants. Elles ont fait la démonstration de leur utilité et de leur viabilité économique.

Avec les critères en vigueur aujourd'hui, ces pharmacies seraient interdites d'installation. C'est bien la meilleure preuve qu'il faut revoir les conditions d'installation des pharmacies en milieu rural !

Je compte vraiment sur le Gouvernement pour tenir compte de cette réalité.

Sachez que le maire et les élus de la commune de Vézac attendent avec impatience de pouvoir déroger à la règle des 2 000 habitants.

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