Question de M. LAURENT Daniel (Charente-Maritime - Les Républicains) publiée le 24/12/2020

M. Daniel Laurent attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les contraintes liées à l'application des règlements départementaux de défense incendie et secours dans les territoires ruraux. Depuis la réforme de 2005, la défense extérieure contre l'incendie (DECI) relève d'un règlement départemental élaboré par le préfet, en concertation avec les collectivités territoriales. Si la sécurité des habitants est une priorité pour les élus, il n'en demeure pas moins que l'interprétation souvent très stricte des dispositions des règlements départementaux conduit à des contraintes disproportionnées sur certains territoires et à des coûts de mise aux normes très importants pour les budgets communaux. Ainsi, de nombreux permis de construire sont refusés en raison de l'appréciation de la distance entre le point d'eau et l'habitation. Dans une décision du 30 octobre 2019, le tribunal administratif de Poitiers juge que le règlement départemental de défense contre l'incendie, qui relève d'une législation distincte de celle de l'urbanisme, ne saurait être opposable aux demandes d'autorisation d'urbanisme. Si cette jurisprudence est validée, il convient de lever toute insécurité juridique. En cas d'incendie d'une construction située dans une zone ne répondant pas aux critères du règlement départemental de défense contre l'incendie, il lui demande si la responsabilité du maire pourrait être engagée, ou bien si l'engagement d'une commune à se mettre en conformité suffit à protéger les élus. De même, il lui demande si le Gouvernement entend procéder à une évaluation de la réforme afin de tenir compte des difficultés rencontrées dans les territoires. En conséquence, il lui demande quelles mesures le Gouvernement compte mettre en œuvre en la matière.

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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'intérieur - Citoyenneté publiée le 20/01/2021

Réponse apportée en séance publique le 19/01/2021

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Laurent, auteur de la question n° 1436, adressée à M. le ministre de l'intérieur.

M. Daniel Laurent. Madame la ministre, ma question porte sur la défense extérieure contre l'incendie, qui, depuis la réforme de 2015, ne répond plus à une norme nationale, mais relève d'un règlement départemental élaboré par le préfet, en concertation avec les collectivités territoriales.

Si la sécurité des habitants est une priorité pour les élus, l'interprétation souvent très stricte des dispositions des règlements départementaux conduit à des contraintes disproportionnées sur certains territoires et à des coûts de mise aux normes très importants pour les budgets communaux.

En Charente-Maritime, grâce à la mobilisation des élus, la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) est priorisée pour les dossiers de mise en conformité. Le département apporte également sa contribution, dans la limite des plafonds d'intervention légaux.

Ce sont des décisions importantes pour alléger la facture des communes. Toutefois, celles qui sont très déficitaires devront étaler la mise en conformité sur plusieurs années, dans le cadre des schémas communaux de défense extérieure contre l'incendie, obérant ainsi le développement d'autres projets et la dynamique de nos territoires.

Ainsi, de nombreux permis de construire sont refusés en raison de l'appréciation de la distance entre le point d'eau et l'habitation.

Dans une décision du 30 octobre 2019, le tribunal administratif de Poitiers fait état que le règlement départemental de défense contre l'incendie, qui relève d'une législation distincte de celle de l'urbanisme, ne saurait être opposable aux demandes d'autorisation d'urbanisme.

Cette jurisprudence a permis de débloquer des dossiers, quand bien même les communes ne se seraient pas mises en conformité avec le règlement départemental.

Toutefois, il convient de lever toute insécurité juridique, comme nous le demandent les élus.

À ce jour, aucune compagnie d'assurance ne s'est retournée contre un maire ou une commune, mais il convient de prévenir ce risque.

En cas d'incendie d'une construction située dans une zone ne répondant pas aux critères du règlement départemental, la responsabilité du maire pourrait-elle être engagée ?

L'engagement d'une commune à réaliser la mise en œuvre dans le cadre du schéma communal suffit-il à protéger les élus ?

Madame la ministre, lors de la campagne sénatoriale, cette problématique a été soulevée par une très grande majorité des élus.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté. Monsieur le sénateur, la défense extérieure contre l'incendie (DECI) est placée sous l'autorité du maire ou du président de l'établissement public de coopération intercommunale chargé d'un pouvoir de police administrative spéciale.

Cette défense a pour objet d'assurer, en fonction des besoins résultant des risques à couvrir, l'alimentation en eau des moyens des services d'incendie et de secours, par l'intermédiaire de points d'eau identifiés à cette fin. Elle permet aux sapeurs-pompiers d'intervenir rapidement, efficacement et dans des conditions optimales de sécurité.

La réforme de la DECI, conduite en 2015, a instauré une approche novatrice : celle-ci ne répond plus à une norme nationale, mais relève d'un règlement départemental élaboré par le préfet.

Cette réglementation répond à un double objectif : un renforcement de la concertation avec les collectivités territoriales et une plus grande souplesse dans la définition et l'application des mesures, adaptées à la réalité et à la diversité des risques incendie propres à chaque territoire.

La distance maximale séparant les points d'eau et les risques à couvrir est déterminée au regard des enjeux en matière de protection et des techniques opérationnelles des sapeurs-pompiers. La fixation de ces distances est déterminée par l'analyse du risque d'incendie ; elle conditionne les délais de mise en œuvre des dispositifs d'extinction.

Nous avons parfaitement conscience que cette réglementation, nécessaire pour garantir une lutte efficace et rapide contre les incendies, peut parfois être contraignante dans certaines communes, notamment rurales. Ce règlement peut évoluer par le biais de nouveaux échanges avec les partenaires, selon les procédures applicables. Pour avoir moi-même participé à des commissions sécurité incendie quand j'étais élue locale, je sais à quel point les retours de terrain, notamment des élus locaux, sont fondamentaux.

En ce qui concerne la coexistence des règles d'urbanisme et des règles de DECI, comme vous l'avez évoqué, et comme l'a confirmé la juridiction administrative, la DECI et l'urbanisme relèvent de deux régimes juridiques distincts. Il ne nous semble pas souhaitable d'établir une automaticité entre la présence ou le projet d'une construction et la présence obligatoire d'un point d'eau incendie à proximité. La nécessité d'une DECI est liée à l'analyse des risques que je viens d'évoquer, et non à la seule existence d'une construction.

Pour répondre à votre souci, que nous partageons, de protection des élus quant à un éventuel engagement de leur responsabilité en matière de DECI, je rappelle que la réforme de 2015 incite à la mise en place de schémas communaux ou intercommunaux permettant de développer l'analyse du risque, d'identifier des priorités et de les planifier sur plusieurs années.

Cette optimisation du déploiement de la DECI et de son financement peut aussi être obtenue en transférant le domaine aux établissements publics de coopération intercommunale. C'est le choix qui a été fait à plusieurs endroits. Enfin, dans certains cas strictement encadrés par la réglementation nationale, un financement de la DECI par des tiers peut être envisagé.

La DECI repose sur un équilibre entre les impératifs de la sécurité des populations, sa constante amélioration et un coût financier supportable, notamment pour les communes rurales, le tout étant apprécié à l'échelon local.

Cette réforme est déployée sur le terrain depuis six ans, après avoir fait l'objet d'une expérimentation positive dans les Deux-Sèvres et en Ille-et-Vilaine bien avant 2015.

Mme la présidente. Il faut conclure, madame la ministre déléguée !

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Comme vous le suggérez, monsieur le sénateur, le ministère de l'intérieur envisage de réaliser une évaluation de cette réforme courant 2021.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Laurent, pour la réplique.

M. Daniel Laurent. Je vous remercie, madame la ministre. Il est en effet très important de procéder à une évaluation de la réforme pour tenir compte des difficultés rencontrées par les élus des communes rurales.

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