Question de M. DAGBERT Michel (Pas-de-Calais - SER) publiée le 10/12/2020

Question posée en séance publique le 09/12/2020

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Dagbert, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Michel Dagbert. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.

Avant tout, je souhaite exprimer notre émotion et adresser nos pensées aux victimes de l'écrasement d'un hélicoptère, hier soir, ainsi qu'à leurs proches.

Monsieur le ministre, je pose cette question au nom du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, car elle ne pourrait pas émaner de la majorité de la Haute Assemblée. En effet, en 2008, le projet du fichier de police Exploitation documentaire et valorisation de l'information générale, ou Edvige, avait essuyé le feu des critiques, dès l'annonce de sa création. Il avait dû être retiré par le Gouvernement, en raison des fortes mobilisations citoyennes qu'il avait suscitées.

Douze ans après, sous couvert de lutte contre le terrorisme, vous prenez, monsieur le ministre, trois décrets relatifs au fichage qui feront courir les mêmes risques et susciteront les mêmes inquiétudes. Ces décrets augmentent la possibilité de collecte d'informations de trois fichiers qui sont à la disposition des services de renseignement ; ils ne sont pas sans conséquence pour nos libertés fondamentales.

En raison, d'une part, du périmètre très large de recueil des données, alors que la surveillance liée aux activités terroristes dispose déjà d'autres fichiers, et, d'autre part, de l'extension du fichage aux personnes morales et aux groupements au-delà des seules personnes physiques, tous les acteurs du monde économique, associatif et syndical peuvent désormais relever de ces décrets.

La longue liste des données qui pourront être collectées – elle va du parcours professionnel aux habitudes de vie, en passant par les déplacements, les pratiques sportives et la santé psychiatrique – témoigne de cette intrusion dans la vie privée. Pis encore, passer du relevé des activités politiques, religieuses ou philosophiques à la mention des opinions est très représentatif de l'atteinte portée aux droits et libertés.

Monsieur le ministre, la protection des Français, à laquelle nous sommes tous attachés, ne peut pas se faire au détriment des libertés publiques. Allez-vous donc suivre les avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL, et du Défenseur des droits ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Éliane Assassi et M. Loïc Hervé applaudissent également.)


Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 10/12/2020

Réponse apportée en séance publique le 09/12/2020

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur. Je vous remercie, monsieur le sénateur, des mots que vous avez eus en introduction ; nous sommes tous très touchés par l'écrasement de cet hélicoptère. Le Président de la République et le Premier ministre se sont exprimés à ce sujet ; je me rends, demain, en Savoie, pour rencontrer des CRS.

Je veux également avoir une pensée pour le policier de Seine-et-Marne qui a trouvé la mort, hier, en faisant son travail ; une voiture ne s'est pas arrêtée, alors qu'il procédait à un contrôle routier.

Monsieur le sénateur, le sujet que vous soulevez au nom du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain mérite, bien évidemment, des explications du Gouvernement sur les décrets qu'il a pris, pour trois raisons.

Vous avez eu raison de le souligner, il s'agit de trois décrets différents : un décret relatif aux enquêtes administratives de la direction générale de la police nationale et de la préfecture de police de Paris et deux décrets relatifs au renseignement territorial de la police nationale et de la gendarmerie nationale.

Trois raisons nous poussent à proposer de nouveaux décrets.

La première, c'est qu'il se trouve que le Parlement a adopté une disposition, qui s'appelle le règlement général sur la protection des données, le RGPD, et que, depuis 2018, il a également changé un certain nombre de dispositions, notamment en remplaçant les termes « activités politiques » par les mots « opinions politiques » ; monsieur le sénateur, je n'étais pas membre de votre assemblée.

Deuxième raison, la CNIL elle-même a mené des contrôles, qui ont révélé qu'un certain nombre des dispositions décrétales d'origine était, pour le moins, sujet à caution ; elle a donc demandé au Gouvernement de retravailler sa copie.

La troisième réside évidemment dans l'évolution de la menace, qui exige de modifier ces décrets. Ainsi, tant les auditions que j'ai pu faire devant la délégation parlementaire au renseignement que les échanges que nous avons menés sur ces différents textes justifient cette réécriture.

Chaque fois, ces décrets sont pris après avis de la CNIL et sont validés par le Conseil d'État, qui a toujours approuvé nos projets.

Prenons seulement l'exemple de la mention des « opinions », pour ne pas prolonger nos débats. On passe du suivi de l'activité à celui de l'opinion. Monsieur le sénateur, il s'agit simplement du texte proposé par le Parlement dans le cadre du RGPD. Néanmoins, il s'agit toujours de collecter les opinions des personnes extrémistes qui vont commettre des attentats,…

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur le ministre.

M. Gérald Darmanin, ministre. … et en aucun cas de renouer avec d'anciennes pratiques que notre pays a pu connaître.

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