Question de M. CHARON Pierre (Paris - Les Républicains) publiée le 10/12/2020

M. Pierre Charon attire l'attention de M. le ministre des solidarités et de la santé sur la forte progression des dépenses d'aide médicale de l'État (AME).

Depuis 2012, le nombre de bénéficiaires de l'AME a augmenté de 32 % ce qui correspond à une majoration des dépenses de près de 51 %. Le nombre de bénéficiaires atteignait 334 456 personnes au 31 décembre 2019.

À l'initiative du Gouvernement, une réforme extrêmement limitée de l'aide médicale d'État a été adoptée dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020. Or, certains décrets d'application n'ont toujours pas été publiés. Cette réforme annoncée de l'AME à la fin de l'année dernière en vue de maîtriser son coût, n'a eu aucun effet. Un an plus tard, une majoration conséquente des crédits est prévue dans le budget 2021. L'AME dépassera désormais 1 milliard d'euros soit une progression de 15,40 %.

Au Danemark, en Espagne, en Italie, en Allemagne, en Belgique l'aide médicale est limitée au traitement des maladies graves, aux douleurs aigües et aux vaccinations réglementaires. Une réforme d'envergure de l'AME doit être engagée à la lumière de ce qui a pu être mis en place dans la plupart des pays européens.

Le rapport de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale des affaires sociales rendu à la ministre de la santé du 5 novembre 2019 précisait notamment que « l'hypothèse d'une migration pour soins n'est clairement pas un phénomène marginal (plus d'un quart des étrangers en situation irrégulière citeraient les soins parmi les raisons de leur migration) ».

Au-delà de l'indispensable réflexion à mener sur la maîtrise des flux migratoires en France, il demande au Gouvernement ses intentions pour réformer en profondeur l'aide médicale d'État et protéger notre système de santé contre la fraude et les usages abusifs du dispositif.

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Réponse du Ministère des solidarités et de la santé publiée le 11/02/2021

Afin de réguler les dépenses associées à l'aide médicale de l'État (AME), le Gouvernement a mis en place depuis fin 2019 des mesures permettant de prévenir les abus et les détournements, tout en veillant à la juste attribution du droit qui a été conditionnée à l'introduction d'une condition de séjour irrégulier de trois mois avant d'obtenir le droit à l'AME, à l'obligation de déposer une primo-demande d'AME en personne à la caisse primaire d'assurance maladie, à la détection des dissimulations de visas grâce à l'outil VISABIO et à l'application d'un délai d'ancienneté à l'AME de neuf mois pour la délivrance de certaines prestations programmées. Dans le contexte de l'épidémie de Covid-19, certaines de ces mesures n'ont pu être mises en œuvre que partiellement en 2020. En effet, l'obligation de dépôt physique d'une première demande d'AME a été suspendue durant le premier état d'urgence sanitaire compte tenu de la fermeture des accueils des caisses d'assurance maladie. L'application du délai d'ancienneté à l'AME pour l'accès à certains soins programmés non urgents a été décalée : en effet, les dispositions règlementaires ont été définies dans le décret n° 2020-1325 du 30 octobre 2020 relatif à l'aide médicale de l'État et aux conditions permettant de bénéficier du droit à la prise en charge des frais de santé pour les assurés qui cessent d'avoir une résidence régulière en France et sont entrées en vigueur le 1er janvier 2021. En outre, des mesures exceptionnelles ont été prises pour garantir l'accès aux soins des bénéficiaires de l'AME durant la crise sanitaire. En effet, les droits à l'AME ont été prolongés de trois mois pour les bénéficiaires dont les droits arrivaient à expiration entre le 12 mars et le 31 juillet 2020 et une prolongation équivalente est reconduite pour les personnes dont les droits arrivent à expiration entre le 30 octobre 2020 et le 16 février 2021. L'objectif est de garantir l'accès aux soins des bénéficiaires de l'AME dont un certain nombre pourraient être amenés à ne pas entamer les démarches de renouvellement de leurs droits si leur échéance intervient pendant la période de confinement. Dans ce contexte de crise sanitaire, la mesure exceptionnelle de prolongation automatique des droits AME permet avant tout de protéger une population démunie dont l'état de santé est plus dégradé et qui est susceptible d'être fragilisée par les mesures de confinement. Enfin, il convient de rappeler que le Gouvernement a également pris des mesures modifiant les conditions de prise en charge de personnes étrangères par la protection universelle maladie, qui ont des incidences à la hausse sur le recours à l'AME et aux soins urgents. Il s'agit de la réduction de la durée de maintien de droits d'un an à six mois pour les assurés dont le titre de séjour a expiré et de la mise en place du délai de carence de trois mois pour l'accès à l'assurance maladie des demandeurs d'asile, mesures entrées en vigueur le 1er janvier 2020. Le Gouvernement a donc bien mis en œuvre les réformes annoncées et votées en loi de finances pour 2020, mais en les adaptant au contexte de la crise sanitaire, qui a nécessité d'être attentif à l'accès aux soins pour les populations plus précaires. Des restrictions supplémentaires ne paraissent pas justifiées par les études disponibles relatives au recours à l'AME. Concernant l'hypothèse d'une migration pour soins, l'enquête « Premiers Pas » de l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé et de l'Université de Bordeaux, menée auprès de plus 1 200 personnes sans-papiers à Paris et Bordeaux démontre que seules 24% des personnes éligibles à l'AME, vivant en France depuis moins d'un an, y ont effectivement recouru, prouvant ainsi qu'il n'y a pas de recours massif à l'AME à l'arrivée en France et que l'accès aux soins ne constitue pas le motif essentiel de la venue en France.

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