Question de Mme PANTEL Guylène (Lozère - RDSE) publiée le 24/12/2020

Mme Guylène Pantel attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la reconquête agricole.

En Lozère, ces 100 dernières années ont vu le doublement de la part du territoire couvert par la forêt, aujourd'hui c'est près de 54 % du territoire qui est couvert. Si l'intérêt d'un paysage forestier n'est pas négligeable en termes de biodiversité que ce soit dans la régulation du climat, de captation de carbone ou dans la purification de l'eau potable, sa présence constitue aujourd'hui dans ce département un frein à la pratique agricole.
En effet, le recul de la part des terres agricoles oblige nombre d'agriculteurs à importer des fourrages venus de l'extérieur du département et parfois même de l'étranger pour nourrir leurs animaux. Cette situation est paradoxale surtout à une période où la population nationale et mondiale augmente, où les modes de consommations évoluent et où la population est en demande d'une agriculture locale, décarbonée et accessible.
La lutte contre l'enfrichement naturel est d'autant plus importante que ses conséquences vont bien au-delà de l'agriculture.
Les risques d'incendies provoqués par l'embroussaillement sont connus. On peut notamment évoquer l'incendie sur le Causse Méjean en 2003 où environ 1 700 hectares ont été ravagés ; autant d'éléments qui demandent une action rapide et déterminée des acteurs locaux comme nationaux.
Sachant que ces objectifs sont partagés par le Gouvernement, la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous en étant d'ailleurs l'incarnation législative, elle aimerait savoir quelles actions le Gouvernement entreprend pour lutter contre l'enfrichement et permettre la reconquête agricole.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 08/04/2021

La surface de la forêt française métropolitaine a augmenté de plus de trois millions d'hectares (ha) en trente ans. Cette progression se réalise essentiellement sur des terres délaissées par l'agriculture, parfois depuis bien plus longtemps que l'apparition des premiers semis d'arbres. Le législateur a pris conscience de ce phénomène de déprise et le code forestier le prend en compte en excluant du régime d'autorisation les défrichements entrepris sur des jeunes boisements de moins de trente ans. Ainsi, les agriculteurs disposent d'un potentiel très important de plus de trois millions d'ha, dont 26 000 ha en Lozère, de jeunes bois pouvant être remis en culture. Il convient en particulier de recourir à la procédure de mise en valeur des terres incultes ou manifestement sous-exploitées prévue aux articles L. 125-1 à L. 125-15 (métropole) et L. 181-14 à L. 181-28 (outre-mer) du code rural et de la pêche maritime (CRPM), qui peut intégrer les parcelles boisées non soumises à autorisation de défrichement (L. 125-3). En effet, cette procédure est un des moyens les plus appropriés pour réduire le phénomène des friches, qui connaît un développement depuis plusieurs décennies en raison du phénomène de déprise agricole et de l'exode rural concomitant. Depuis la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt de 2014, l'article L. 112-1-1 du CRPM met à la charge de « la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers de procéder à un inventaire des terres considérées comme des friches, qui pourraient être réhabilitées pour l'exercice d'une activité agricole ou forestière ». Cet inventaire peut servir de source d'information pour déclencher, le cas échéant, la procédure de mise en valeur des terres incultes, régie par les articles L. 125-1 et suivants et R. 125-1 à R. 125-14 du CRPM. Les agriculteurs peuvent être à l'initiative de cette procédure en demandant au préfet l'autorisation d'exploiter des terres incultes. Celui-ci s'adresse alors au conseil départemental qui a autorité pour demander à la commission départementale d'aménagement foncier (CDAF) de constater l'état d'inculture ou de sous-exploitation manifeste. Le conseil départemental, de sa propre initiative ou à la demande de la chambre d'agriculture ou d'un établissement public de coopération intercommunale, peut également saisir directement la CDAF en vue de définir un périmètre dans lequel il serait d'intérêt général de remettre en valeur des terrains. Par la suite, le préfet met en demeure le propriétaire ou le titulaire du droit d'exploitation de lui présenter un plan de remise en valeur. Par défaut, le droit d'exploitation peut être attribué par le préfet à un tiers demandeur proposant un plan de remise en valeur approuvé par la commission d'orientation agricole. Le préfet peut aussi provoquer l'acquisition amiable ou l'expropriation des fonds au profit de l'État, des collectivités et des établissements publics. La mise en œuvre d'une telle démarche touche très directement au droit de propriété, ce qui justifie que cette procédure à caractère professionnel, qui peut être d'initiative individuelle ou collective, prévoit des mécanismes très encadrés d'application et de garanties, permettant toujours au propriétaire de réagir avant de se voir retirer l'exploitation de ses terres. La durée d'application de la procédure est de trois ans en moyenne. Par conséquent, le dispositif est encore insuffisamment utilisé, bien que plusieurs exemples récents de son utilisation en métropole et en outre-mer sont encourageants et invitent à faire un usage plus volontariste de la procédure.

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