Question de Mme ESTROSI SASSONE Dominique (Alpes-Maritimes - Les Républicains) publiée le 24/12/2020

Mme Dominique Estrosi Sassone attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports au sujet de l'avenir de l'apprentissage des langues régionales.
Les langues régionales constituent des vecteurs culturels : ce sont des langues de patrimoine, d'héritage et de tradition. Sur l'ensemble du territoire français, ces langues permettent aux enfants et aux adultes d'identifier leur attachement à un lieu et de forger l'identité d'un territoire.
L'État n'accompagne pas leur apprentissage à leur juste valeur puisque la réforme récente du baccalauréat a freiné leur attractivité en limitant leur coefficient.
De plus, proposer leur apprentissage dans des cours à distance rompt avec l'interactivité nécessaire à un cours de langue.
En outre, les langues étrangères voire certaines langues anciennes font l'objet de circulaires et de directives de l'éducation nationale pour moderniser et encourager leur apprentissage mais ce n'est pas le sentiment des professeurs de langues régionales qui aimeraient être a minima autant épaulés par le ministère dans les formes d'enseignement proposés (options, classes bilingues).
Cette crainte est forte dans les Alpes-Maritimes où les élus, les professeurs et les familles ne veulent pas que les apprentissages du niçois, du vivaro-alpin, du gavouot ou du provençal disparaissent progressivement des enseignements régulièrement suivis pour n'être plus dispensés que dans le cadre associatif.
En effet, les langues régionales sont au cœur de l'offre pédagogique locale dans certains territoires comme à Nice où il existe une école bilingue nissart-français depuis 2013 dont la pérennité sera inévitablement remise en cause si la continuité de la formation scolaire devient inexistante au collège puis au lycée.
Alors que le ministre de l'éducation nationale a réussi la remise en lumière de certaines matières et notamment de langues étrangères ou langues anciennes, elle lui demande ce qu'il entend mettre en œuvre pour les langues régionales. Elle voudrait également connaître la stratégie du Gouvernement pour qu'à terme les langues régionales ne soient pas menacées de disparition dans les programmes d'enseignement scolaire.

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Réponse du Ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports publiée le 24/03/2022

Le ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports (MENJS) est attaché à la préservation et à la transmission des diverses formes du patrimoine linguistique et culturel des régions françaises, et la situation de l'enseignement des langues régionales fait l'objet de la plus grande attention dans les académies et territoires concernés. De nombreuses mesures réglementaires ont été prises en ce sens, notamment depuis 2017. La circulaire langues et cultures régionales du 14 décembre 2021 a précisé le cadre du développement progressif de l'enseignement des langues et cultures régionales.  Elle complète la liste des langues enseignées par le MENJS en indiquant que « cet enseignement s'applique au basque, au breton, au catalan, au corse, au créole, au gallo, à l'occitan-langue d'oc, aux langues régionales d'Alsace, aux langues régionales des pays mosellans, au franco-provençal, au flamand occidental, au picard, au tahitien, aux langues mélanésiennes (drehu, nengone, paicî, ajië), au wallisien, au futunien, au kibushi et au shimaoré ». L'intégration de cinq nouvelles langues à la liste des langues reconnues et enseignées témoigne de la volonté ministérielle d'œuvrer pour la préservation et la transmission du patrimoine linguistique et culturel des régions concernées. L'article 38 de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une École de la confiance a quant à lui renforcé le cadre juridique de l'expérimentation pédagogique en modifiant l'article L. 314-2 du code de l'éducation, qui précise désormais que ces expérimentations peuvent porter sur l'enseignement dans une langue étrangère ou régionale. Enfin, la loi n° 2021-641 du 21 mai 2021 relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion a modifié le code de l'éducation pour, d'une part, obliger les communes de résidence qui ne disposent pas d'écoles dispensant un enseignement de langue régionale à établir un accord pour la participation aux frais de scolarisation dans une école privée sous contrat d'une autre commune proposant cet enseignement et, d'autre part, généraliser l'enseignement des langues régionales comme matière facultative dans le cadre de l'horaire normal d'enseignement. Avec le lancement récent de l'appel à manifestation d'intérêt pour l'initiation aux langues dans le cadre du « plan mercredi », le MENJS vise également à renforcer l'apprentissage et la sensibilisation aux langues régionales. L'objectif est d'encourager les collectivités territoriales à proposer des activités culturelles, artistiques et sportives en langues régionales dans le cadre des accueils collectifs de mineurs en leur proposant une labellisation et un accompagnement pédagogique.  La valorisation des langues vivantes régionales (LVR) est permise par un ensemble de nouvelles dispositions qui œuvrent en faveur de leur apprentissage pour les élèves du lycée général et technologique. Afin de valoriser les enseignements optionnels, les modalités d'évaluation du baccalauréat ont connu une évolution. Conformément aux dispositions de la note de service du 28 juillet 2021 relative aux modalités d'évaluation des candidats à compter de la session 2022 de l'examen du baccalauréat, les coefficients des enseignements optionnels (dont la langue vivante C) s'ajoutent désormais à la somme des coefficients portant sur les enseignements obligatoires. Chaque enseignement optionnel est pris en compte pour le baccalauréat avec un coefficient 2. Ainsi, pour un élève qui a suivi une LVC sur le cycle terminal, sa moyenne de première en LVC est prise en compte pour le baccalauréat avec un coefficient 2, et sa moyenne de terminale en LVC avec un coefficient 2 également. Cela signifie que le poids de la LVC est plus important sur le cycle terminal (4 %) qu'auparavant. L'enseignement de spécialité « langues, littératures et cultures étrangères et régionales » (LLCER), proposé dans la voie générale, présente la possibilité de choisir une LVR, à l'instar des langues vivantes étrangères, avec une valorisation très importante à l'examen. La spécialité bénéficie d'un enseignement à hauteur de 4 heures hebdomadaires en classe de première, puis de 6 heures en classe terminale, en plus des heures de l'enseignement commun en langues vivantes. Elle est évaluée dans le baccalauréat pour un coefficient 16 sur un coefficient total de 100. Par ailleurs, l'arrêté du 20 décembre 2018 prévoit que, hors des sections européennes ou de langue orientale, les disciplines autres que linguistiques (DNL) peuvent être dispensées en partie en langue vivante, donc en langue régionale, conformément aux horaires et aux programmes en vigueur dans les classes considérées. Par exemple, sur 3 heures d'histoire-géographie, 1 heure peut être dispensée en LVR. Dans ce cas, le diplôme du baccalauréat général et du baccalauréat technologique comporte l'indication de la discipline non linguistique ayant fait l'objet d'un enseignement en langue vivante étrangère ou régionale, suivie de la désignation de la langue concernée, si le candidat a obtenu une note égale ou supérieure à 10 sur 20 à une évaluation spécifique de contrôle continu visant à apprécier le niveau de maîtrise de la langue qu'il a acquis. Sur la question de l'apprentissage des LVR à distance, le CNED propose effectivement pour la rentrée scolaire 2021 des parcours d'enseignement à distance dans quatre langues régionales : en basque, breton, corse et occitan, pour un enseignement optionnel au titre de la LVC. L'ambition est de faciliter l'accès à l'enseignement de ces langues sur l'ensemble du territoire national, de garantir la continuité de parcours pour tous les élèves, et de répondre à une demande potentiellement dispersée, sans remettre en cause l'enseignement des langues régionales là où il est mis en œuvre. En outre, il s'agit de permettre aux élèves de présenter ces langues au baccalauréat lorsqu'elles ne sont pas dispensées dans leur établissement ou un établissement proche. La possibilité d'ouvrir également l'offre du CNED aux LVB est en cours d'étude. Enfin, le Conseil supérieur des langues, installé le 24 janvier dernier, comporte un collège consacré à l'enseignement des langues régionales. Cette instance de haute expertise et de réflexion didactique et pédagogique a vocation à examiner les croisements des enseignements linguistiques et à faire des recommandations pour élever le niveau général des élèves dans l'enseignement des langues. Elle bénéficie des regards croisés des expertises réunies (hauts experts de l'éducation, universitaires, personnalités qualifiées, acteurs économiques…) et favorise l'innovation et l'impulsion de pratiques nouvelles, dans l'enseignement des langues et cultures de l'Antiquité, des langues vivantes étrangères et des langues vivantes régionales. Ce travail de réflexion pédagogique se concrétisera par l'ouverture d'un espace dédié à l'enseignement des langues vivantes régionales sur le site professionnel Eduscol et par l'élaboration d'un vademecum sur l'enseignement bilingue.

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