Question de M. LECONTE Jean-Yves (Français établis hors de France - SER) publiée le 28/01/2021

Question posée en séance publique le 27/01/2021

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Jean-Yves Leconte. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

Monsieur le ministre, depuis deux ans, un pays, la Guinée, est pris en otage par la volonté de son président de s'offrir un troisième mandat. En 2020, plus de 250 personnes ont trouvé la mort dans des violences politiques, des centaines ont été raflées et placées en détention. Pendant ce temps, quelques rapaces gagent les richesses du pays, principalement la bauxite, exploitée comme jamais, et ce sans bénéfice pour la population, bien au contraire.

Très réservées sur le processus électoral, la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) et l'Union africaine ont pesé au printemps pour un report des élections législatives et du référendum constitutionnel. Elles ont appelé à l'apaisement et au dialogue. La trajectoire du locataire de Sékhoutoureya, M. Alpha Condé, n'a pourtant pas varié.

Le 18 octobre s'est tenue l'élection présidentielle. Des centaines de personnes sont aujourd'hui incarcérées, dont les responsables de l'opposition Chérif Bah et Ousmane Gaoual Diallo, qui ont documenté des fraudes avérées lors du scrutin. Ces derniers ont mis plus d'un mois pour avoir accès à un juge, tandis que leurs avocats français ne peuvent les voir dans leur prison.

Entre répression et prédation, les jeunes de Guinée ne voient pas d'avenir pour eux dans leur pays. Celui-ci était récemment le quatrième pays d'origine des demandeurs d'asile en France et le premier pays d'origine des enfants étrangers non accompagnés.

En outre, depuis le début et la fin du second mandat d'Alpha Condé, les départs ont augmenté de plus de 300 %. La situation actuelle pourrait s'avérer désastreuse, compte tenu de la résolution de la jeunesse à quitter ce cauchemar.

Nous avons noté, dans l'interview donnée par Emmanuel Macron à Jeune Afrique, la dureté de ses propos sur la Guinée. Nous avons noté la différence de ton du Président de la République entre la lettre de félicitations à Alassane Ouattara et celle qu'il a adressée à Alpha Condé, dans laquelle il se contente de prendre acte d'une situation de fait. Mais ces prises de position s'accompagnent-elles d'actes ?

Monsieur le ministre, il y a urgence à inciter à la mise en place d'un réel dialogue politique dans le pays. Faute d'un tel dialogue, compte tenu de la situation, quelles sanctions pourraient-elles être envisagées à l'encontre des responsables de la répression, de l'exacerbation des violences communautaires, des prédations, qui conduisent certains à vouloir quitter leur lieu de vie devenu invivable aujourd'hui ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)


Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 28/01/2021

Réponse apportée en séance publique le 27/01/2021

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Leconte, le 7 novembre dernier, la Cour constitutionnelle guinéenne a confirmé la victoire de M. Alpha Condé dès le premier tour de l'élection présidentielle. Comme vous l'avez dit justement, nous en avons pris note.

En amont du processus électoral, vous l'avez rappelé, la France et l'Union européenne ont à la fois exprimé leurs interrogations sur le déroulement du processus électoral, mais aussi condamné les violences qui ont éclaté à la suite de ce scrutin.

À plusieurs reprises, nous avons marqué la nécessité d'un dialogue politique interne entre les autorités et l'opposition afin de permettre une réconciliation de tous les Guinéens, qui méritent aujourd'hui un climat politique apaisé, ce qui n'est pas le cas.

J'ai eu l'occasion de le dire moi-même au président Alpha Condé il y a peu de temps, lors de l'installation du président Akufo-Addo à Accra, et le secrétaire d'État Jean-Baptiste Lemoyne le lui a rappelé lors de son investiture.

Nous estimons aussi qu'il importe d'être très vigilant sur le respect des droits de l'homme, et nous condamnons la poursuite des détentions hors procédure judiciaire d'opposants. J'ai ainsi décidé de faire bénéficier M. Diallo, que vous connaissez, de la protection consulaire. Ce membre de l'opposition qui a été incarcéré est en effet actuellement auditionné par la justice, alors qu'il connaît de graves soucis de santé.

Il est donc de la responsabilité du président Condé de prendre les initiatives nécessaires. Avec l'Union européenne, nous avons demandé aux autorités de Guinée de faire toute la lumière sur les événements qui se déroulent en ce moment. Si tel n'était pas le cas, il s'ensuivrait d'éventuelles mesures.

Parallèlement, nous voulons néanmoins poursuivre notre aide auprès de la population guinéenne pour qu'elle ne soit pas deux fois victime de ces comportements. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

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